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Il s'enfuit de cette union des deux natures en une perfonne, & la Foi nous apprend que, felon la différence des natures, on doit dire, tantôt que Jefus-Chrift est égal à Dieu, tantôt qu'il lui eft inférieur. Il dit lui-même : Mon Pere & moi ne sommes qu'une même chose (a). Cela est vrai de la nature divine. Mon Pere eft plus grand que moi (b). Cela eft vrai de la nature humaine.

Il s'enfuit, en fecond lieu, & la Foi

re quæ quotidie fit, quomodo mifceatur anima corpori ut una perfona fiat hominis. Nam ficut in unitate perfonæ aniina unitur corpori, ut homo fit; ita in unitate perfonæ Deus unitur homini, ut Chriftus fit. In illa ergo perfona mixtura eft animæ & corporis : in hac perfona mixtura eft Dei & hominis : fi tamen recedat auditor à confuetudine corporum, quâ folent duo liquores ita mifceri, ut neuter fervet integritatem fuam ; quanquam & in ipfis corporibus aeri lux incorrupta mifceatur. Ergo perfona hominis mixtura eft animæ & corporis : perfona autem Chrifti mixtu❤ ra eft Dei & hominis. Cùm enim Verbum Dei permixtum eft animæ habenti corpus, fimul & animam fufcepit & cor pus. Illud quotidie fit ad procreandos homines : hoc femel factum eft ad liberandos homines, Verumtamen duarum rerum incorporearum commixtio faciliùs credi debuit, quàm uai is incorporeæ. Nam fi anima in fua natura non fallatur, incorpoream fe effe comprehendit; multò magis incorporeum eft Verbum Dei, ac per hoc Verbi Dei & anima credibilior debuit effe permixtio, quàm animæ & corporis. Sed hoc in nobis ipfis experimur illud in Chrifto credere jubemur. Si autem utrumque nobis pariter inexpertum credendum præciperetur, quid horum citiùs crederemus? Quomodo non fateremur duo incorporea, quàm unum corporeum alterumque incorporeum faciliùs potuiffe mifceri? Si tamen non indignè ad ifta mixtionis vel mixturæ nomen admittitur, propcer confuetudinem corporalium rerum, longè aliter fe habentium aliterque notarum. Epift.

137, n. 11.

(a) Ego & Pater unum fumus. Joan, 10, (6) Pater major me est, Joan, 10.

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nous l'apprend auffi, qu'on peut attribuer à Dieu en Jesus-Chrift ce qui convient à l'homme, & à l'homme ce qui convient à Dieu, parce que la même perfonne eft Dieu & homme. Ainfi il eft vrai de dire que Dieu a fouffert, que Dieu eft mort, qu'il eft reffufcité, quoique cela ne convienne à Jefus Chrift que felon la nature humaine. I eft vrai de dire auffi que l'homme eft Fils de Dieu, qu'il eft Dieu quoique cela ne convienne à Jefus-Chrift que felon la nature divine. » Jefus-Chrift, dit faint Bernard, a voulu élever notre » infirmité & notre baffeffe par la plus grande abondance de fa gloire; & la » fouveraine Majefté s'eft comme rapetiffée & raccourcie pour unir à notre » boue ce qu'il avoit de meilleur, c'est» à-dire, lui-même, & pour unir en une » même perfonne Dieu & la chair qui » n'eft que boue, la Majefté & l'infirmi » té, une fi haute grandeur & une fi gran» de baffeffe. Car il n'y a rien de fi grand » que Dieu, rien de fi petit, ni de fi vil que la boue; & néanmoins Dieu eft » defcendu dans notre nature, qui n'est » que boue, par une fi grande miféricorde, & l'homme a monté, & s'eft » élevé jufqu'à Dieu, & eft ainfi arrivé à » une fi haute dignité, que l'on croit, & » que l'on dit, que notre boue a fait ce » que Dieu a fait par elle, y étant uni par

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» un Myftere auffi ineffable qu'incompré» henfible.... Souvenez-vous, ô homme, » que vous n'êtes que boue, & ne foyez »point fuperbe; & que vous êtes uni à » Dieu, & ne foyez pas ingrat d'un si grand honneur (a).

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La Foi nous enfeigne qu'il y a en JefusChrift deux volontés réellement diftinctes, comme il y a deux natures réellement diftinctes; car la volonté eft effentielle aux natures intelligentes & fpirituelles. Mais les deux volontés en Jesus⚫ Chrift ont toujours été fubordonnées l'une à l'autre, c'est-à-dire, que la volonté humaine a toujours été parfaitement foumife à la volonté divine.

Voilà le fond du grand Myftere que Dieu a opéré dans le monde, pour délivrer les hommes de leurs péchés & de la puiffance du démon & de l'enfer, pour les réconcilier avec lui, les rétablir dans la fainteté & la juftice de leur origine, leur redonner droit à la vie éternelle, &

(2) Voluit infirmiora nostra abundantiori gloriâ sublimare, & contraxit fe majeftas, ut quod melius habebat videlicet feipfum limo noftro conjungeret, & in perfona una fibi invicem unirentur Deus & limus, majeftas & infirmitas, tanta vilitas & fublimitas tanta. Nihil enim Deo fublimius, nihil vilius limo; & tamen tantâ dignatione Deus defcendit in limum, tantâque dignitate limus afcendit in Deum, ut quidquid in co Deus fecit, limus feciffe credatur, tam ineffabili quàm incomprehenfibili Sacramento.... Adverte, homo, quia limus es, & non fis fuperbus ; quia Deo conjunctus es, & non fis ingratus. Serm. 3, in Vig. Natal, Dom, n. 6.

même les mettre en poffeffion de cette bienheureuse vie.

CHAPITRE II.

Ce qu'il faut faire, & les difpofitions qu'il faut avoir pour célébrer dignement le Myftere de l'Incarnation, & pour en profiter.

E Myftere de l'Incarnation eft incompréhenfible & ineffable; il renferme une infinité de prodiges & de miracles, qui, à la vérité, surpassent infiniment la portée & l'intelligence de notre efprit; mais qui n'en méritent que plus notre foi, notre admiration, notre adoration, notre amour, notre reconnoiffance. Rien n'eft plus raifonnable que -de croire ce Myftere, quoiqu'on ne le comprenne pas; & ce feroit une folie que de le nier. Quand on a des preuves que Dieu parle, il faut fe foumettre, & croire ce qu'il dit & ce qu'il propofe, foit qu'on le comprenne, foit qu'on ne le comprenne pas. Agir autrement, c'est ne pas connoître Dieu, qui eft la vérité fouveraine; c'eft bleffer la raifon, auffi-bien que la Religion. Notre efprit eft borné. İly a mille chofes que nous croyons certainement, quoique nous ne puiffions les comprendre. Il faut examiner fi Dieu a

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parlé véritablement, pour ne point s'expofer à donner dans l'illusion, & à prendre pour parole & révélation de Dieu ce qui ne l'eft pas; mais quand une fois on eft affuré que Dieu a révélé quelque chofe, comme nous le fommes du Mystere de l'Incarnation, & de toutes les autres vérités que l'Eglife Catholique nous propofe, alors rien n'eft plus raifonnable que de croire les chofes mêmes qu'on ne comprend pas. Dieu a parlé, il ne peut, ni fe tromper, ni nous tromper. Nous fommes fur la terre comme des enfans; nous n'y voyons les chofes que d'une maniere imparfaite & comme en énigme. Nous arriverons un jour à la plénitude de l'âge parfait alors les ombres s'évanouiront, les voiles fe diffiperont, & nous verrons clairement ce que nous ne pouvons encore, ni pénétrer, ni comprendre.

Saint Auguftin s'eft appliqué à réfuter expreffément les prétendues impoffibilités de ce Myftere, qui empêchent les incré dules d'y donner créance : il a fait voir qu'il n'y a rien de plus ridicule que de le traiter d'incroyable, parce qu'il eft incompréhenfible. Ses paroles font fi belles, qu'il ne peut être qu'utile de rapporter l'endroit tout entier. » Le Mystere de l'Incarnation

étonne l'efprit de l'homme; & parce » qu'il ne le comprend pas, peut-être qu'il "ne le croit pas. Mais, s'il méconnoît

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