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Au reste, la partie de Ferrare ci-dessus désignée, et possédée, depuis des siècles, par le siége pontifical, ne lui a pas été restituée, et on ne lui a pas alloué d'indemnité pour cela, quoique, ainsi qu'il vient d'être démontré, ni le traité de Tolentino, ni celui de Paris ne puissent renverser les droits du pape.

Enfin, le congrès a accordé à la maison d'Autriche, au préjudice de la souveraineté et de la neutralité du siége pontifical, le droit de tenir garnison à Ferrare et à Comacchio.

Comme il résulte de ces décrets un grand détriment et préjudice pour le saint-siége et l'Église de Rome, et afin qu'il soit notoire que nonseulement je n'y ai pas accédé et ne les ai pas concédés, mais que je les ai au contraire contredits et combattus, à l'exemple d'autres légats envoyés à des congrès précédents, et particulièrement de Fabio Chigi, évêque de Nardo, envoyé à Münster, qui a réservé par une protestation solennelle contre les décrets dudit congrès, les droits ecclésiastiques et séculiers de l'Église; je proteste, combats et contredis, au nom de Sa Sainteté et du très-saint père, notre pape Pie VII, régnant par la providence divine, dans la meilleure forme et de toute manière que mof. caractère me permet, contre toutes les dispositions faites par le congrès de Vienne au préjudice des domaines, possessions et droits de Sa Sainteté, à l'égard desdits pays, et généralement contre toutes les dispositions préjudiciables à l'Église; et afin que les présentes soient d'autant mieux portées à la connaissance des vivants et de la postérité, j'ai signé de ma main cette ptotestation, l'ai confirmée par l'apposition de mon sceau, et je demande qu'elle soit insérée au protocole des actes de ce congrès.

Fait à Vienne, au palais de la Nonciature, le 14 juin 1815.
Signé E. cardinal Consalvi.

Protestation du cardinal Consalvi, en date du 14 juin.

Moi, Hercule Consalvi, cardinal de la sainte Église romaine, diacre de Sainte-Agathe hors des murs, secrétaire d'État de S. S. Pie VII, et son plénipotentiaire au Congrès de Vienne, à tous et à chacun certifie, par le présent écrit, que je n'ai pas été envoyé au Congrès de Vienne par le Souverain Pontife, seulement pour y prendre soin des États du Saint-Siége Apostolique, mais encore et de l'ordre du Très-Saint Père, pour veiller attentivement et prendre garde à ce que, à l'occasion de la pacification générale et du règlemt des affaires de l'Europe, les églises d'Allemagne et le siége apostolique ne souffrent aucun dommage dans leurs droits, immunité, priviléges, possessions, et princi

palement dans le culte religieux et le salut des âmes; comme aussi pour faire tous mes efforts pour que tout le dommage, tant dans les choses spirituelles que dans les temporelles, causé à l'Eglise d'Allemagne par les dernières révolutions, soit réparé.

Pour atteindre ce but, dès que je sus que, par l'autorité des premiers souverains rassemblés dans cette ville impériale et royale, une commission particulière, chargée de connaître des affaires de l'Allemagne, de les discuter et de les régler, avait été constituée, je présentais, le 17 novembre de l'année passée 1814, à S. A. le prince de Metternich, président de cette commission, les réclamations de Sa Sainteté, qui devaient être mises sous les yeux de ladite commission.

Je me plaignis, dans cette pièce, de toutes les innovations faites en Allemagne ces dernières années, contre l'aveu du Saint Père (ainsi qu'il apparaît par des actes publics), innovations dont plusieurs furent sanctionnées par la plupart des traités, notamment par celui de Ratisbonne en 1803, au détriment des églises, des établissements, des institutions et du Saint Empire romain lui-même, d'où il est résulté de si funestes effets pour les intérêts spirituels et temporels de l'Église, pour le salut des âmes, comme aussi un préjudice considérable aux droits du siége apostolique, reconnus pendant tant de siècles par les empereurs et les autres princes de l'Empire. Invoquant ensuite, au nom de Sa Sainteté, la justice et la sagesse des très-illustres princes, je les priais d'apporter un remède à tant de maux. De plus, je ne cessais de conjurer leurs ambassadeurs d'avoir surtout égard, dans la restauration des affaires de l'Allemagne, objet de leurs travaux, à la religion catholique, au salut des âmes, aux droits des églises germaniques et à ceux du SaintSiége.

En ce qui regarde les affaires ecclésiastiques, la volonté souvent déclarée des princes qui gouvernent l'Allemagne, fait espérer qu'elles pourront être arrangées et réglées conformément aux lois de l'Église.

Mais, en ce qui regarde les possessions temporelles des églises d'Allemagne, la plupart des dispositions que le Congrès a laissées subsister ou a établies, ne pourront qu'affliger profondément le cœur de Sa Sainteté.

En effet, les principautés temporelles dont l'Église d'Allemagne a été dépouillée, n'ont point été rétablies; loin de là, elles ont été cédées à différents princes catholiques et non catholiques. Les biens et revenus du clergé, tant séculier que régulier de l'un et l'autre sexe, qui sont le patrimoine de l'Eglise, sont demeurés en partie aux mains des nouveaux possesseurs, sans aucun concours de l'autorité légitime, ou restent distraits de leurs destinations respectives. Enfin, le Saint Empire romain, justement réputé le centre de l'unité politique, et consacré par la sainteté de la religion, n'est pas relevé de ses ruines.

Comme donc le Saint Père, eu égard à la sollicitude dont il est rempli pour le troupeau du Seigneur, et lié d'ailleurs par le serment qu'il a prêté lors de son élévation au souverain pontificat, non-seulement ne doit pas, de peur de paraître y conniver, passer sous silence le mal ainsi causé aux intérêts temporels des églises germaniques, mal toujours subsistant, et qui, d'un côté, prépare nécessairement à la catholicité les plus graves dommages, de l'autre, lui enlève de nombreux et puissants secours; qu'au contraire, à l'exemple de ses prédécesseurs, lesquels, même pour des dommages de moindre importance, ne négligèrent pas de faire entendre leurs protestations apostoliques, il doit défendre autant qu'il est en lui et conserver intacts les droits et les intérêts de l'Église, moi qui ai été chargé de les représenter dans ce Congrès, fidèle à l'exemple donné par les autres légats du Saint-Siége, notamment par Fabio Chigi, évêque de Nardo, nonce au fameux Congrès de Munster, en Westphalie, moi, dis-je, au nom du Saint-Siége Apostolique et de notre S. P. Pie VII, pape par la Providence divine, proteste et m'élève publiquement par cet écrit, et par tous autres moyens quelconques auxquels je suis tenu et qui m'appartiennent en vertu de ma charge, contre tout ce qui, dans ce Congrès de Vienne, sera établi ou maintenu au préjudice des droits et intérêts des églises d'Allemagne et aussi du Saint-Siége, contre tous les dommages qui en résultent pour la religion et le salut des âmes, et contre ceux que je me suis efforcé de prévenir autant qu'il était en moi; pour plus ample connaissance de quoi être transmise aux absents et à la postérité, j'ai écrit de ma main la présente protestation, je l'ai scellée de mon sceau, et je demande instamment qu'elle soit insérée au protocole des actes du Congrès.

Fait à Vienne, au palais de la nonciature apostolique, le 14 juin 1815. Signé Consalvi.

Note d'envoi aux ministres des huit Puissances signataires du Traité de Paris du 30 mai et de l'acte du 9 juin 1815 de la protestation du cardinal Consalvi. Vienne, 14 juin 1815.

Le soussigné, cardinal secrétaire d'État et ministre plénipotentiaire de Sa Sainteté au Congrès de Vienne, lui a remis, le 23 août 1814, une note par laquelle le saint père avait réclamé le rétablissement dans la totalité de ces domaines, non par des motifs temporels, mais par suite des serments prêtés lors de son exaltation au pontificat, de les défendre et de les conserver.

Les Puissances réunies au Congrès ont, en effet, arrêté de lui rendre

les Marches d'Ancône, de Macerata et de Fermo, les duchés de Camerino, de Bénévent et de Ponte-Corvo, et les légations de Romagne, Bologne et Ferrare, à l'exception de la partie de Ferrare située sur la rive gauche du Pô.

Sa Sainteté le reconnaît avec une vraie gratitude; mais elle ne remplirait pas ses devoirs, si elle ne réclamait aussi les comtés d'Avignon et de Venaissin, et la partie de Ferrare qu'on vient de désigner. Avignon, achetée par le Saint-Siége et possédée depuis cinq cents ans, Venaissin, depuis longtemps en sa possession, sont trop importantes au Saint-Siége par l'antiquité de leur possession et les souvenirs qui y sont attachés, par le nombre de leurs habitants et la richesse de leurs. produits, pour ne pas protester contre leur rétention.

Cette Assemblée nationale elle-même, qui, deux fois, reconnut l'inadmissibilité de l'incorporation de ces provinces à la France, et qui, néanmoins, les ravit finalement au Saint-Siége, résolut néanmoins de lui en donner une indemnité, en insérant dans un décret ces mots : Le pouvoir exécutif sera prié de faire ouvrir des négociations avec la Cour de Rome, pour les indemnités et les dédommagements qui pourront lui être dus. Les monarques d'Europe auxquels Pie VI adressa ses plaintes, manifestèrent hautement leurs sentiments à cet égard. L'immortelle Catherine II déclara qu'elle coopérerait à la restitution des possessions dont une force illégitime avait privé la cour de Rome; le sage empereur Léopold II déclara que rien n'était plus juste, et qu'il importait à tous les souverains qu'une telle conduite ne fût pas sanctifiée par la prescription; le vertueux Louis XVI promit de rendre au pape Avignon et Venaissin, dès qu'il le pourrait.

Le Traité de Tolentino, par lequel on arracha à Pie VI la cession de ces provinces, ne peut offrir un titre légal pour les retenir. D'abord le Saint-Siége ne peut pas en rester dépouillé par un motif qui déjà a été rejeté par tous les autres princes qui s'étaient également vus forcés de faire avec la force des Traités de cession; mais il y a d'autres raisons pour prouver la non-admissibilité de ce Traité. Une attaque non provoquée contre un État faible qui avait déclaré être neutre, ne peut, d'après le droit des gens, être appelée une guerre légitime, et un Traité qui a été la suite d'une telle attaque, est essentiellement nul et non

avenu.

Mais quand même on viendrait à déclarer valable un tel Traité, il n'en est pas moins certain que le Traité de Tolentino a promis au SaintSiége le maintien de ses autres possessions, eu égard aux cessions qu'il avait faites. Mais puisque la Puissance qui avait fait cette promesse, s'est, nonobstant cela, emparée de tout le reste de ses possessions pontificales, elle a, par là, renversé elle-même et pleinement annulé le Traité de Tolentino. On ne peut pas répondre que la violation d'un

Traité en suspend seulement les effets, mais ne le détruit pas. Grotius dit que les articles d'un Traité n'ont qu'une force conditionnelle, et que la non-exécution des conditions rend le Traité nul. Vattel dit : « Lorsque les Traités renferment des promesses réciproques et parfaites, la partie lésée au principal, a l'option de forcer la partie qui a violé le Traité, à l'exécution de ses engagements, ou de déclarer le Traité rompu; » et ailleurs « La violation d'un Traité de la part d'une des parties, donne à l'autre le droit de déclarer le Traité annulé. »

Ces principes trouvent encore mieux leur application, lorsque la rupture des Traités est poussée jusqu'à l'entière destruction de l'autre partie. Dans ce cas, la partie détruite n'a plus d'obligation envers son destructeur, de même que celui-ci n'a pas de droit sur l'autre. Vattel dit : « Lorsqu'un État a été détruit ou subjugué par un conquérant, tous ses Traités périssent avec l'autorité publique qui les a conclus. » Il est vrai que le siége pontifical s'est relevé, mais sans le concours du gouvernement qui l'avait renversé, et sans qu'il eût été conclu avec lui, un nouveau Traité pour cela. Ainsi, à l'égard de ce gouvernement, toutes choses restent dans l'ancien état; c'est-à-dire le Traité de Tolentino, détruit de fait par le gouvernement français, est resté détruit et sans effet.

Si donc, d'après les autorités citées, les Traités violés, même dans le cas où aucune des Parties Contractantes n'est totalement détruite, ne sont pas seulement suspendus, mais qu'ils expirent entièrement, jusqu'à ce que, par de nouvelles conventions, ils soient rappelés à la vie, on demande seulement : Quels nouveaux Traités ont été conclus entre le gouvernement français et les papes Pie VI et Pie VII? Aucun.

Mais s'il en avait été conclu, ce dernier Traité et non celui de Tolentino devrait servir de règle pour les rapports entre le Saint-Siége et la France. Mais Sa Sainteté présentement régnante n'a cessé de protester, depuis le commencement de son pontificat, contre le Traité de Tolentino, tant à cause de sa nullité interne qu'à cause de sa destruction, par le fait du gouvernement français même; et a ainsi parfaitement sauvé les droits du Saint-Siége tant contre la France que contre d'autres qui voudraient agir au nom de la France.

Les Puissances alliées elles-mêmes ont, par le troisième acte du Traité de Paris du 30 mai 1814, tacitement reconnu la nullité du Traité de Tolentino; car si elles y assurent à la France la possession d'Avignon et du Venaissin, cela prouve clairement qu'elles ne regardaient pas ledit Traité comme un titre valable pour acquérir ces provinces. Mais ce Traité de Paris, qui a été conclu sans la participation du Saint-Siége, ne peut préjudicier en rien à ses droits. Ce point a été le contenu des notes pontificales, adressées aux Cours de Paris, de Londres et de Vienne, aux ministres des Puissances alliées et au Con

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