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son arrêté du 12 brumaire an 11, relatif à deux jugemens du tribunal de première instance de Fontenay, et plus récemment par une ordonnance royale, aussi rendue en conseil d'état, le 18 juillet 1819, dans la cause du sieur Guy contre la Commune d'Agde (1) ; » Attendu qu'il suit des motifs ci-dessus, qu'il a été bien jugé par le tribunal de Béziers, que le jugement par lui rendu dans la présente cause, le 23 novembre 1818, doit être confirmé (2) ».

et

:

Mais ces motifs n'ont pas effrayé le sieur Cazelle il s'est de nouveau pourvu en cassation et par arrêt du 28 janvier 1826. sections réunies sous la présidence de M. le gardedes-sceaux, au rapport de M. Carnot, et sur les conclusions de M. le procureur général Mourre,

« Vu l'édit du mois d'avril 1683, les art. 1, 2, 3, 4 et 5 du tit. 5 de la loi du 10 vendémiaire an 4, et l'arrêté du gouvernement du 17 vendémiaire an 10;

» Considérant qu'en accordant une action civile contre les Communes, pour la réparation des dommages résultant des désordres qui sont commis sur leur territoire, la loi du 10 vendémiaire an 4 a soumis l'exercice de cette action à des formes spéciales et d'exception qui ne peuvent se concilier avec la nécessité d'obtenir l'autorisation prescrite par l'édit de 1683 et par l'arrêt du 17 vendémiaire an 10; d'où il suit qu'en jugeant que le demandeur était non recevable dans son action, pour n'avoir pas fait préalablement autoriser Ja Commune de Montagnac à y défendre, la cour royale de Toulouse a fait une fausse application de l'édit de 1683, et de l'arrêté du 17 vendémiaire an 10, et ouvertement violé les articles cités de la loi du 10 vendémiaire an 4; » Par ces motifs, la cour casse et annulle l'arrêt rendu par la cour royale de Toulouse, le 3 mars 1822... (3) ».

§. III. 10 Dans l'ancien droit, une Commune pouvait-elle, par une transac

(1) La cour royale de Toulouse aurait pu ajouter que telle est aussi la disposition de l'ordonnance du roi du 20 janvier 1819, rapportée au no précédent. Mais encore une fois, la question n'était pas de savoir si la Commune de Montagnac ponvait sans autorisation défendre à l'action du sieur Cazeile; il ne s'agissait que de savoir si le sieur Cazelle avait eu besoin d'une autorisation pour agir contre la Commune accessoirement à l'action que le procureur du roi avait dû intenter d'office.

(2) Jurisprudence de la cour de cassation, tome 22, page 202.

(5) Bulletin civil de la cour de cassation, tome 28, page 39.

tion non légalement autorisée par l'autorité législative, abandonner un immeuble dont elle avait la possession immémoriale?

2o Y a-t-il lieu à garantie, lorsque, sur une demande justement formée avant la loi du 28 août 1792, mais adoptée par un jugement postérieur à cette loi et motivé sur elle, le tiers-acquéreur d'un bien illégalement abandonné par une Commune à son ci-devant seigneur, en a été évincé au profit de cette Com

mune?

3o Le maire d'une Commune, assigné. en délaissement d'un bien dont elle s'est emparée sans titre, peut-il valablement acquiescer à la demande ? Le peut-il spécialement, lorsqu'il y est autorisé par une délibération du conseil municipal, approuvée par le conseil de préfecture?

I. Sur les deux premières questions, V. le plaidoyer du 13 et l'arrêt du 27 pluviôse an 11, rapportés à l'article Fait du souverain.

II. Sur la troisième question, voici ce que j'ai dit à l'audience de la section des requêtes, le 17 novembre 1813, en portant la parole sur une affaire dont je parlerai encore à l'article Délits forestiers, §. 13:

« Le premier moyen de cassation que vous propose la Commune d'Agnos contre l'arrêt de la cour d'appel de Pau, du 22 juillet 1812, qui la condamne à réparer les dégradations commises dans le bois du Bédat, consiste à dire que cet arrêt viole les lois qui défendent aux Communes d'aliéner et de transiger sans l'autorisation du gouvernement.

» Pour appuyer ce moyen, la Commune d'Agnos vous dit qu'elle avait été autorisée par un arrêté de l'administration du département des Basses-Pyrénées, du 6 floréal an 5, à disputer devant les tribunaux, au sieur Courrèges, la propriété du bois de Bédat; que, cet arrêté subsistant, elle n'aurait pu être déchue légalement de ses prétentions à la propriété du bois de Bédat, que par l'effet d'un jugement qui les eût déclarées mal fondées; que cependant elle s'en trouve déchue par le seul effet de l'acquiescement de son maire aux conclusions du sieur Courrèges qui tendaient à le faire maintenir dans la propriété du bois litigieux; et qu'en donnant un tel effet à cet acquiescement, la cour d'appel de Pau a violé les lois qui défendent aux Communes d'aliéner leurs droits immobiliers, si elles n'y sont autorisées par un décret du corps législatif, et de transiger sur ces mêmes

droits, si elles n'y sont autorisées par un décret du chef du gouvernement.

» Mais 10 La Commune d'Agnos est-elle recevable à vous proposer ce moyen?

» La cour d'appel de Pau n'a fait, en maintenant les héritiers du sieur Courrèges dans la propriété du bois de Bédat, que renouveler la disposition du jugement du tribunal de première instance d'Oléron, du 16 prairial an 12, qui avait retenu acte au maire d'Agnos de son acquiescement à ce que le sieur Courrèges fút maintenu dans cette propriété,

» Or, cette disposition était demeurée sans appel de la part de la Commune d'Agnos; elle était par conséquent passée en force de chose jugée. La Commune d'Agnos ne pouvait donc pas l'attaquer, et en effet elle ne l'attaquait pas devant la cour d'appel de Pau ; elle ne peut donc pas aujourd'hui se plaindre de ce que la cour d'appel de Pau a renouvelé cette disposition par son arrêt.

» 20 Ce n'est pas de son propre mouvement, c'est d'après la délibération du conseil municipal de la Commune d'Agnos, du 27 prairial an 9, homologuée par le conseil de préfecture, le 26 messidor suivant, que le maire de cette Commune a donné l'acquiescement dont il s'agit.

» Or, où est-il écrit qu'un administrateur ne peut pas, avec l'autorisation qui lui est nécessaire pour soutenir une prétention en justice, se désister de cette même préten

tion ?

>> Suivant la Commune d'Agnos, se désister d'une prétention à des droits immobiliers, c'est aliéner, ou au moins transiger. Or, pour aliéner des droits immobiliers, et pour transiger sur des droits de la même nature, l'autorisation du conseil de préfecture ne suffit pas à un maire : il lui faut, ou un décret du corps législatif, ou un décret du chef de l'État.

» Mais ce ne sont là que de vaines subtilités.

» Toute loi d'exception à part et de droit commun, le pouvoir qui est compétent pour autoriser un administrateur à former ou à combattre une demande en justice, l'est nécessairement aussi pour l'autoriser, soit à se désister d'une demande d'abord intentée mal à propos, soit à acquiescer à une demande d'abord combattue injustement. Cela résulte de la maxime écrite dans la loi 35, D. de regulis juris, nihil tam naturale est quàm eo genere quidque dissolvere quo colligatum est. Et c'est sur ce fondement que l'art. 464 du Code civil place sur la même ligne, par rapport au tuteur, et l'autorisation dont

il a besoin pour soutenir en justice une action relative aux droits immobiliers du mineur, et l'autorisation dont il a besoin pour acquiescer à une demande relative aux mêmes droits; c'est sur ce fondement qu'il déclare le tuteur capable de l'un et de l'autre, moyennant l'autorisation du conseil de famille.

» Assurément, si acquiescer à une demande relative aux droits immobiliers du mineur, c'était aliéner ou transiger, le tuteur ne pourrait pas le faire avec la simple autorisation du conseil de famille; il faudrait, d'après les art. 458 et 467 du Code civil, que la délibération du conseil de famille contenant cette autorisation fût homologuée par le tribunal de première instance, sur les conclusions du ministère public.

» Or, ce qu'est, pour un tuteur, le jugement d'un tribunal de première instance qui homologue une délibération du conseil de famille, le décret du corps législatif, lorsqu'il s'agit d'aliéner, et le décret du chef de l'État, lorsqu'il s'agit de transiger, le sont pour le maire d'une Commune. Ceux-ci ne sont nécessaires au maire, que dans le cas où celui-là est nécessaire au tuteur. Si donc un tuteur peut, avec la simple autorisation du conseil de famille, acquiescer à une demande formée contre son mineur, il faut bien qu'un maire puisse également, avec la simple autorisation du conseil de préfecture, acquiescer à une demande formée contre sa Commune.

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» En effet, on n'aliène ni ne transige lorsqu'on ne fait que reconnaitre que l'on est sans droit à la chose revendiquée. Aliéner, c'est renoncer à des droits certains; transiger c'est renoncer à des droits douteux. Il n'y a donc ni aliénation ni transaction, lorsqu'il n'y a ni certitude ni doute sur les droits auxquels on déclare n'avoir rien à prétendre >>.

Ce moyen écarté, il en restait à la Commune d'Agnos trois autres, dont deux paraissaient avoir déterminé l'admission de sa requête.

Mais l'affaire portée à la section civile, il y est intervenu, le 6 février 1816, au rapport de M. Boyer, un arrêt contradictoire qui a rejeté les quatre moyens de la Commune, et par suite, sa demande en cassation.

Voici comment est motivé le rejet du premier moyen :

« Attendu 1o que le désistement donné en justice par le maire d'Agnos, des prétentions. de sa Commune à la propriété du bois de Bédat, n'a été que la conséquence et l'exécu

tion de la délibération prise à cet égard par le conseil municipal de cette Commune, le 27 prairial an 9, et de l'arrêté du conseil de préfecture du 26 messidor suivant, qui, en homologuant ladite délibération, a autorisé le maire à défendre dans ce sens à l'action du sieur Courrèges contre ladite Commune;

» Qu'il suit de là que la cour royale de Pau a pu, sans contrevenir aux lois relatives à l'autorisation des Communes pour ester en justice et transiger sur leurs droits de propriété, fonder sur le désistement du maire la disposition de son arrêt qui maintient les héritiers Courrèges dans la propriété du bois dont il s'agit ;

» 2o Que le jugement de première instance du 16 prairial an 12 qui, d'après le même motif, avait prononcé la maintenue du sieur Courrèges dans la propriété du bois de Bédat, ayant été frappé d'appel par la Commune d'Agnos, cette Commune n'a proposé, en cause d'appel, aucun grief résultant de cette disposition du jugement; d'où il suit qu'elle s'est rendue non-recevable à critiquer, sur son pourvoi en cassation, la disposition de l'arrêt attaqué qui a confirmé en ce chef la décision des premiers juges... ».

V. l'article Acquiescement, §. 18.

§. IV. Un jugement dans les qualités duquel une Commune figure, non par le ministère de son maire ou adjoint, mais par elle-même, peut-il être annulé sur la demande de la partie qui n'a pas contredit ces qualités ?

V. l'article Usage (droit d'), §. 2.

§. V. 10 Le jugement rendu en faveur d'une Commune qui n'avait pas été autorisée légalement à plaider, et à laquelle on n'avait pas opposé le défaut d'autorisation, peut-il, à raison de ce défaut, être annulé sur la demande de la partie adverse?

2o Les habitans d'une Commune à qui appartient un droit d'usage sur la propriété d'un particulier, peuvent-ils individuellement le réclamer en justice? La Commune en corps n'a-t-elle pas, seule et exclusivement, qualité pour intenter ou soutenir une action de cette nature, par l'organe de son maire?

30 Une Commune qui a été autorisée, sous la loi du 2 octobre 1793, concernant les biens communaux, à intenter une action devant des arbitres forcés, a-t-elle besoin, depuis la loi du 9 ventóse an 4, d'une autorisation nouvelle pour reporter

cette action devant les tribunaux ordinaires ?

4o L'autorisation accordée à une Commune pour intenter ou soutenir une action, s'étend-elle à tous les incidens auxquels cette action peut donner lieu ? S'étend-elle notamment à une demande en péremption formée contre la Com

mune?

5o Les Communes sont-elles soumises, comme les particuliers, à la disposition de l'art. 173 du Code de procédure civile, suivant laquelle les nullités d'exploit se couvrent par les défenses au fond?

I. Sur la première question, on peut dire, pour la négative, qu'il en doit être d'une Commune qui plaide sans l'autorisation du conseil de préfecture, comme d'un mineur qui plaide sans l'autorisation de son tuteur

ou curateur.

Si le mineur, dépourvu de tuteur ou de curateur, obtient gain de cause, sans que son adversaire lui ait opposé l'incapacité résultant de sa minorité, le jugement n'en sera pas moins valable; et son adversaire ne pourra pas pour faire prononcer la nullité de ce jugement, rétorquer contre le mineur une règle qui n'a été introduite que pour son avantage, et pour d'autant mieux assurer la défense de ses droits. Ainsi le décide expressément la loi 14, C. de procurationibus : non eò minùs, dit-elle, sententia adversùs te lata juris ratione subsistit, quòd adversaria tua minor vigenti quinque annis constituta, causam suam marito sine curatore agendam mandavit. Minoribus enim ætas in damnis subvenire, non in rebus prosperè gestis obesse

consuevit.

Il doit donc, ce me semble, en être de même d'une Commune qui a obtenu un jugement favorable, parceque, comme le mineur, une Commune n'est jamais incapable d'améliorer sa condition.

Une loi expresse paraît venir à l'appui de cette observation. L'art. 4 de la loi du 4 germinal an 2 porte que, « si c'est par le fait de » l'une des parties qu'a été omise ou violée » une forme prescrite à peine de nullité, >> cette omission ou violation ne peut donner » ouverture à la cassation que lorsqu'elle a » été alléguée par l'autre partie devant le » tribunal dont celle-ci prétend faire annuler » le jugement pour n'y avoir pas eu égard ». Ici, c'est par le fait de la Commune qu'a été omise la formalité qui lui était nécessaire, d'après la loi, pour être admise à plaider; et cette omission n'ayant pas été alléguée par

l'adversaire de la Commune, celui-ci ne paraît pas recevable à s'en faire un moyen de cassation.

La loi qui impose aux Communes l'obligation de se faire autoriser pour plaider devant les tribunaux, n'est pas plus impérative que celle qui veut que le ministère public soit entendu dans toutes les affaires dans lesquelles les Communes sont parties. Or, la loi du 4 germinal an 2 dit encore, art. 5, « qu'il ne » peut y avoir lieu à cassation, au préjudice » des mineurs, des interdits, des abens in» défendus, des femmes mariées, des Com» munes, ou de la république, sous prétexte » que le commissaire national n'aurait pas » été entendu dans les affaires qui les inté» ressent et qui ont été jugées à leur avantage ». C'est bien dire, en d'autres termes, que les Communcs ne peuvent jamais souffrir de l'inobservation des lois faites en leur faveur; et de là il paraít résulter assez clairement que le défaut d'autorisation ne peut pas être, après coup, opposé à une Commune, pour invalider des procédures dont le résultat est à son avantage.

C'est aussi la conséquence qu'en a tirée sur mes conclusions, et d'après les mêmes raisons que je ne fais ici que répéter, un arrêt de la section criminelle, da 27 messidor an 8, rendu sur la demande de Jean Gounel, en cassation d'un arrêt de la cour de justice criminelle du département de l'Hérault, confirmatif d'un jugement du tribunal correctionnel de Montpellier.

Dans le fait, un troupeau appartenant à Jean Gonnel s'était introduit, sous la garde de son berger nommé Azéma, dans un bois taillis appartenant à la Commune de Marles, et y avait causé du dommage. ty

Un mandat d'amener avait été, en conséquence, décerné contre Azéma; et le directeur du jury de Montpellier avait rendu une ordonnance qui, en renvoyant le prévenu à l'audience du tribunal correctionnel, avait ordonné la mise en cause de Jcan Gonnel, comme civilement responsable du délit de son berger.

L'agent municipal de la Commune de Marles était intervenu, et sans autre mission que sa qualité, sans autorisation quelconque, il s'était porté partie civile, à l'effet d'obtenir la réparation du dommage causé au bois

taillis.

Les choses en cet état, jugement du 24 brumaire an 8, qui déclare constant le fait du dommage causé, par le troupeau de Jean Gonnel, au bois taillis de la Commune de Marles, dans la troisième année de sa crois

sance; déclare pareillement constant le fait de l'ordre donné par Jean Gonnel à son berger Azéma, de faire paître son troupeau dans ce bois; condamne, en conséquence, d'après l'art. 38 du tit. 2 de la loi du 28 septembre 1791, sur la police rurale, le berger Azéma à une amende de 300 francs, à raison de 3 francs par bête à laine, et 50 francs de dommages-intérêts envers la Commune de Marles; et d'après l'art. 7 de la même loi, déclare Jean Gonnel responsable civilement de ces condamnations.

Appel de ce jugement de la part de Jean Gonnel, à la cour criminelle du département

de l'Hérault.

Là, pour la première fois, Jean Gonnel excipe, contre l'agent municipal de la Commune de Marles, du défaut d'autorisation de l'administration centrale du département.

Mais sans s'arrêter à ce moyen, la cour criminelle confirme le jugement du tribunal correctionnel.

Jean Gonnel se pourvoit en cassation, et se prévaut surtout de ce qu'en cause d'appel, il a allégué le défaut d'autorisation de l'agent municipal.

Mais par arrêt du 27 messidor an 8, au rapport de M. Busschop, la section criminelle a rejeté sa demande, « attendu qu'en première >> instance devant le tribunal correctionnel, » le réclamant n'a point contesté sur le » défaut d'autorisation de la part des autori>>tés administratives dont devait être muni » l'agent municipal de la Commune; que,

par cela, le réclamant ayant reconnu ledit » agent habile à poursuivre l'action en dom>>mages-intérêts, au nom de la commune il n'a pu ensuite se faire un moyen d'appel

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» dudit défaut d'autorisation ».

Je sais bien, et je ne l'ai pas dissimulé en portant la parole sur cette affaire, que la cour de cassation s'est fait, dès l'année 1796, une jurisprudence toute différente, et qui n'a jamais varié depuis, relativement aux sentences arbitrales qui, sous le régime de l'arbitrage forcé, avaient adjugé aux Communes une foule de propriétés sur lesquelles elles n'avaient aucun droit.

Mais cette jurisprudence, plus politique que légale, plus juste que régulière, peutelle être tirée à conséquence pour les jugemens rendus autrement qu'en arbitrage forcé?

De grandes injustices avaient été commises par des arbitres ignorans ou prévenus; et pour les réparer, il fallait sortir du cercle des règles communes. La cour de cassation l'a fait, et tous les hommes sages ont applaudi à son équitable hardiesse.

Mais en même temps, la cour de cassation a senti (c'est du moins ce que paraît prouver l'arrêt du 28 messidor an 8) que, dans les matières ordinaires, il fallait revenir aux vrais principes; et elle a fait elle-même à ces matières l'application de la loi romaine qui dit: Quod contrà rationem juris introductum est, non est producendum ad consequentias.

Je dois pourtant remarquer que, depuis l'arrêt du 27 messidor an 8, il en est venu à ma connaissance deux autres qui, en 1798, avaient déclaré nuls, même des jugemens rendus par des tribunaux ordinaires, au profit de Communes non autorisées.

La Commune de Sigy s'était pourvue contre Marie-Élisabeth Defremont, veuve Detrye, en délaissement de plusieurs portions de terres à labour et de bois, qu'elle prétendait avoir été usurpées sur elle par les auteurs de celle-ci.

Le 2 vendémiaire an 4, époque où l'arbitrage forcé était aboli de droit, des arbitres nommés dans le temps où cette manière de juger avait encore lieu, rendent par défaut une sentence qui prononce en faveur de la Commune.

La veuve Detrye forme opposition à cette sentence devant le tribunal civil du département de la Seine-Inférieure, qui la déboute par un jugement du 19 prairial an 4.

Sur l'appel, jugemens du tribunal civil du département de l'Oise, l'un par défaut, du 15 messidor, l'autre contradictoire, du 25 fructidor suivant, qui confirment celui du tribunal de la Seine-Inférieure.

La veuve Dutrye se pourvoit en cassation, et se fonde principalement sur les art. 54 et 56 de la loi du 14 décembre 1789, qu'elle soutient avoir été violés, en ce que la commune a intenté et suivi son action, sans y avoir été légalement autorisée.

La Commune répond 1o qu'elle a été autorisée par une délibération de son conseil général, homologuée par le district de Gournay; 2o que la veuve Detrye a défendu au fond devant les tribunaux de première instance et d'appel, sans relever le défaut d'autorisation; qu'ainsi, elle est non-recevable à en tirer un moyen de cassation.

Le 28 brumaire an 6, sur les conclusions de M. Abrial, arrêt qui,

« Vu les art. 54 et 56 de la loi du 14 décembre 1789;

» Et attendu que les habitans de la commune de Sigy n'ont intenté et suivi leur action qu'en vertu d'une délibération du conseil général, non revêtue de l'approbation de l'administration ou du directoire du dépar

tement; que ce vice radical a infecté de nullité tous les actes de la procédure et tous les jugemens qui en ont été la suite ; et que cette nullité étant absolue et de droit public, le silence des parties n'a pu la couvrir;

>> Casse et annulle le jugement arbitral du 2 vendémiaire an 4, ceux rendus par les tribunaux civils des départemens de la SeineInférieure et de l'Oise, les 19 prairial, 15 messidor et 25 fructidor suivans; remet les parties au même état où elles étaient avant lesdits jugemens ».

Les Communes d'Ar et de Berg avaient plaidé l'une contre l'autre devant le tribunal du district de Bitche, sans que celle-ci eût été autorisée à cet effet; et il était intervenu ressort, des 5 juillet 1792, 4 et 15 mars 1793, en ce tribunal trois jugemens en dernier

dont la Commune d'An demandait la cassation.

Le 19 thermidor an 6, sur les conclusions de M. Roux, arrêt qui,

« Vu les art. 54 et 56 de la loi du 14 décembre 1789;

» Et attendu que les habitans de la Commune de Berg ont été admis, par le tribunal du district de Bitche, à plaider sans y être autorisés de la manière voulue par ces articles; que les jugemens attaqués sont nuls...; » Casse et annulle.....

La question s'est représentée depuis, sur une demande en cassation formée par le mineur Lambertye contre un arrêt de la cour d'appel de Nancy, du 8 thermidor an 9, confirmatif d'un jugement du tribunal civil du département de la Meurthe, du 9 thermidor an 7, rendu en faveur de la Commune de Moriviller.

Le mineur Lambertye attaquait cet arrêt comme contraire, dans la forme, aux art. 54 et 56 de la loi du 14 décembre 1789; et pour le prouver, il soutenait que la Commune de Moriviller n'avait été autorisée à plaider contre lui, ni par la ci-devant administration centrale, ni par le conseil de préfecture du département de la Meurthe.

« Ce point de fait (ai-je dit à l'audience de la section civile, le 5 nivôse an :2) n'est contredit ni par la Commune de Moriviller qui fait défaut, ni par aucune énonciation des deux jugemens que vous avez sous les yeux; et cependant il pourrait n'être pas vrai. La Commune de Moriviller pourrait avoir été autorisée sans que l'un ou l'autre jugement en fit mention; et dans ce cas, leur silence sur l'autorisation viendrait précisément de ce que l'autorisation elle-même

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