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46; que par conséquent le tribunal civil du département de Lot-et-Garonne ne pouvait étendre à la donation dont il s'agit, l'exception portée dans ce dernier article;

» D'où il suit qu'en maintenant cette donation, ce tribunal a violé les art. 1 et 2 de l'ordonnance de 1731, et fait une fausse application de l'art. 46 de cette ordonnance; » Par ces motifs, le tribunal casse et annulle.....».

S. V. Questions sur l'art. 1395 du Code civil, concernant l'irrévocabilité des conventions matrimoniales.

I. Quels étaient, avant le Code civil, les principes qui régissaient cette matière ?

Dans les conclusions du 12 germinal an 13 qui sont rapportées dans le Répertoire de juris prudence, aux mots Conventions matrimoniales, §. 2, j'ai établique, dans le droit romain, les pactes dotaux pouvaient être révoqués ou modifiés, après la célébration du mariage, du consentement des époux ; que la convention par laquelle ils les révoquaient ou modifiaient, n'avait entre eux que l'effet d'une donation entre mari et femme, et que, comme les donations entre mari et femme étaient toujours révocables de la part de l'époux donateur, chacun des époux demeurait toute sa vie maître de revenir aux pactes dọtaux qui avaient précédé le mariage et de s'y tenir malgré l'autre.

J'y ai établi en même temps que, dans ceux des pays coutumiers où les avantages, soit directs, soit indirects, entre époux étaient prohibés pendant le mariage, et sauf quelques exceptions locales, les conventions matrimoniales étaient tellement irrévocables, que les changemens qui y étaient faits pendant leur union, restaient absolument sans effet.

J'ai ajouté que l'irrévocabilité des conventions matrimoniales était également reçue, tant dans ceux des pays coutumiers où il était permis aux époux de s'avantager, que dans les pays de droit écrit, où, suivant les lois romaines, les avantages entre époux yalaient comme donations à cause de mort.

Mais, sur ce dernier point, je n'ai pas expliqué toute ma pensée, parceque la cause sur laquelle je portais la parole, se présentant dans une coutume qui prohibait expressement les avantages directs et indirects entre époux, elle ne comportait, de ma part, aucune espèce de développement sur la jurisprudence de ces pays; et je dois y suppléer ici sommairement.

D'abord, quant aux pays de droit écrit, tout ce qu'en disent Serres à l'endroit que j'ai cité et le président Maynard auquel il renvoie, se réduit à ces trois assertions :

« Les donations ou institutions contractuelles faites en faveur du mariage, sont si fort irrévocables, qu'il n'y peut être dérogé par aucune convention postérieure des parties, non plus qu'à aucun article des conventions matrimoniales concernant l'avantage des mariés ou de leurs enfans :

>> Ces changemens ou ces dérogations sont appelées des contre-lettrès, parcequ'elles se font contre la lettre du Contrat de mariage :

» Et on les casse sur ce fondement que tout ce qui est porté par les Contrats de mariage, est immuable, suivant la coutume générale de ce royaume ».

Il résulte bien de là que la jurisprudence des pays de droit écrit n'admettait pas plus que celles des pays coutumiers, les contrelettres par lesquelles il était dérogé aux Contrats de mariage.

Il en résulte bien aussi que les époux ne pouvaient pas plus dans les pays de droit écrit que dans les pays coutumiers, renoncer efficacement et d'une manière irrévocable aux donations et aux institutions contractuelles qui avaient été stipulées en leur faveur par des tiers dans leur Contrat de mariage, ou qu'ils y avaient stipulées en faveur les uns des autres.

Mais je ne vois là rien dont on puisse conclure que, dans les pays de droit écrit, les époux n'eussent pas la faculté de s'avantager réciproquement par une dérogation, toujours révocable de la part de chacun d'eux, à leurs conventions matrimoniales.

A l'égard de ceux des pays coutumiers où les avantages étaient permis entre mari et femme, on y a tenu long-temps pour maxime que le Contrat de mariage formait, pour les familles des deux époux, une loi tellement irrévocable, que les deux époux ne pouvaient y déroger en faveur l'un de l'autre, soit par des conventions arrêtées entre eux d'un commun accord, soit par des dispositions séparées.

Mais en examinant de près cette maxime, on a fini par reconnaître qu'entendue dans un sens aussi absolu, elle était contraire à tous les principes.

Et d'abord, il a été jugé par un grand nombre d'arrêts cités dans les conclusions du 18 fructidor an 13, qui sont rapportées à l'article Testament, sect. 3, du Répertoire de Jurisprudence, que les clauses d'un Contrat de

mariage par lesquelles les époux avaient réciproquement stipulé propres et reversibles à leurs héritiers respectifs, des objets qui étaient de nature à entrer en communauté, n'apportaient aucun obstacle à ce que l'un d'eux disposât de ces objets au profit de l'autre; et par conséquent à ce qu'il dérogeât à la convention matrimoniale qui en promettait le retour à ses héritiers, sans cependant leur conférer à cet égard aucun droit que l'on pût regarder comme véritablement acquis.

Cependant alors même, cédant à l'ancien préjugé, on exceptait de cette faculté le cas où les époux avaient expressément renoncé, en se mariant, à celle de s'avantager l'un l'autre ; et on l'en exceptait par deux considérations : l'une, qu'en renonçant à la faculté de s'avantager, les futurs époux ne faisaient, avant la loi du 17 nivôse an 2, que se replacer dans les termes du droit commun qui prohibait les donations entre le mari et la femme, et que le retour au droit commun est toujours facile, facilis est reditus ad jus commune; l'autre, que l'on devait regarder d'un œil favorable la précaution par laquelle des futurs époux, en renonçant à la faculté de se faire aucun avantage singulier ou réciproque, se prémunissaient à l'avance contre les séductions ou violences qu'ils auraient pu, dans la suite, exercer l'un envers l'autre pour pouiller leurs héritiers respectifs.

Mais ces deux considérations ayant été neutralisées par la disposition de la loi du 17 nivôse an 2 qui permettait aux époux de s'avantager, et convertissait par là un droit commun, ce qui n'était précédemment qu'une dérogation à la jurisprudence la plus générale du royaume, on est revenu à des idées plus saines; et il a été depuis constamment jugé que les époux pouvaient se jouer à leur gré de la défense qu'ils s'étaient faite à euxmêmes par leurs conventions matrimoniales, de s'avantager réciproquement pendant le mariage (1).

II. Que fait, à cet égard, l'art. 1395 du Code civil, en consacrant de nouveau le principe que les conventions matrimoniales ne peuvent recevoir aucun changement pendant le mariage?

Dans les conclusions du 12 germinal an 13,

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citées au no précédent, j'ai dit que, beaucoup plus sévère que le droit romain sur la stabilité des conventions matrimoniales, le Code civil, art. 1395, prohibe absolument toute révocation de Contrat de mariage, quoique d'ailleurs il autorise les donations entre mari et femme; ce qui signifiait bien clairement que les changemens faits par les époux, en faveur l'un de l'autre, pendant le mariage, à leurs conventions matrimoniales, n'ont pas même entr'eux l'effet de donations à cause de mort; mais je ne l'ai dit qu'en courant et sans avoir examiné la question, parcequ'elle était étrangère à la cause qui m'occupait.

Je n'hésiterais cependant pas à tenir encore aujourd'hui le même langage, s'il était possible de prendre isolément la disposition de l'art. 1395; car dans cette hypothèse, et d'après la manière dont je me crois fondé à dire qu'en thèse générale, la particule ne, placée dans une loi avant le mot peut, emporte nullité de plein droit (1), il n'y aurait aucun doute que les conventions substituées pendant le mariage à celles qui en ont précédé la célébration, ne fussent dénuées de toute espèce d'effet.

Mais isoler cette disposition, ce serait oublier la règle de droit, ou plutôt du bon sens, que la loi 24, D. de legibus, prescrit aux magistrats et aux jurisconsultes incivile est, nisi totá lege perspectá, uná aliquá particulá ejus propositá, judicare vel respondere.

Il faut donc concilier cette disposition avec celle de l'art. 1096 qui permet aux époux de se faire, pendant le mariage, telles donations qu'ils jugent à propos, pourvu qu'elles n'entament pas les réserves légales des héritiers en ligne directe, et à la charge qu'elles seront toujours révocables, lors même qu'elles seraient qualifiées entre-vifs.

Or, il n'y a évidemment, pour concilier ces deux dispositions, qu'un seul moyen : c'est de dire avec M. Toullier, liv. 3, tit. 5, chap. 2, no 37, que l'art. 1395 signifie et rien de plus, que les conventions matrimoniales ne peuvent pas, pendant le mariage, être remplacées ni modifiées par d autres conventions proprement dites, ou, ce qui est la même chose, par d'autres conventions qui aient un effet irrévocablement obligatoire, mais qu'elles peuvent l'être par d'autres conventions dont chacun des époux peut se désister à son gré sans le consentement de

(1) V. l'article Nullité, §. 8.

35.

274 CONTRAT ENTRE ÉPOUX, CONTRAT JUDICIAIRE, §. I ET II.

l'autre, et qui ne valent, de la part de cha-
cun d'eux,
révocables.

, que comme dispositions toujours

III. Mais ne faut-il pas, dans l'application de cette doctrine, distinguer, quant à la forme, le cas où, par les conventions qui seraient substituées pendant le mariage aux conventions matrimoniales, il n'y aurait d'avantagé que l'un des époux, d'avec celui où la substitution des uns aux autres emporterait avantage en faveur des deux époux à la fois ?

Ce qui paraît nécessiter une distinction entre ces deux cas, c'est qu'aux termes de l'art. 1097 du Code civil, les époux ne peuvent, pendant le mariage, se faire, ni par acte entre-vifs, ni par testamens, aucune donation mutuelle et réciproque par le même acte.

Il résulte en effet de cette disposition que, si, par les conventions qui sont substituées pendant le mariage, aux conventions matrimoniales, les époux se font des donations mutuelles, ces donations sont nulles dans la forme, et que, lors même qu'elles ne sont pas révoquées, elles laissent aux conventions matrimoniales tout leur effet primitif.

Ce n'est donc pas par des actes rédigés en forme de conventions synallagmatiques, mais par des actes séparés et qualifiés de donations entre-vifs ou de testamens, que les deux époux peuvent déroger, chacun de son côté, aux donations mutuelles qu'ils se sont faites par leurs conventions matrimoniales.

§. VI. Avant la publication du Code civil, les donations et les promesses faites aux futurs époux, par Contrat de mariage, dans la coutume du haut quartier de Gueldres, étaient-elles sujettes à la règle, donner et retenir ne vaut ? Était-il nécessaire qu'elles fussent suivies de tradition dans l'an et jour? V. l'article Remploi, §. 4.

§. VII. La faveur des Contrats de mariage s'étend-elle jusqu'aux actes particuliers par lesquels, postérieurement aux Contrats de mariage proprement dits, des donations ou promesses sont faites aux futurs époux, en considération de leur mariage?

V. l'article Remploi, §. 4.

S. VIII. Dans quels cas et pour quels effets les dispositions des statuts et des lois sous l'empire desquelles a été passé un Contrat de mariage, sont-elles cen

sées avoir été tacitement stipulées dans ce Contrat?

V. les conclusions du 28 messidor an 12, rapportées à l'article Tiers coutumier.

§. IX. Autres questions relatives aux Contrats de mariage.

V. les articles Communauté de biens entre époux, Conquêts, Continuation de communauté, Délivrance, Donation, Dot, Douaire, Gains de survie, Institution contractuelle et Société d'acquéts.

CONTRAT ENTRE ÉPOUX. Le droit romain laissait-il aux époux la faculté de contracter ensemble à titre onéreux ?

V. le plaidoyer du 30 germinal an 10, rapporté aux mots Séparations de biens, §. 1.

CONTRAT JUDICIAIRE. §. I. Comment se forme le Contrat judiciaire? Peut-il être résilié par l'une des parties, malgré l'autre?

V. le plaidoyer du 23 floréal an 9, rapporté aux mots Effets public, §. 1; celui du 6 fructidor an 10, rapporté à l'article Opposition (tierce), §. 3, et le Répertoire de jurisprudence, aux mots Contrat judiciaire.

§. II. Lorsque le Contrat judiciaire est formé, soit par un expédient signé des parties et de leurs avoués, soit par des conclusions signifiées respectivement avec les mêmes signatures, l'une des parties peut-elle le résilier malgré l'autre, tant que le juge n'en a pas donné acte ?

Je me suis prononcé pour la négative dans le Répertoire de jurisprudence, aux mots Contrat judiciaire; et quoique j'y persiste, je crois devoir y revenir ici pour répondre à Pigeau, qui soutient le contraire dans son Traité de la procédure civile, tome 1, page 461.

Il commence par dire que, sous l'ancien droit, on considérait la transaction par forme d'expédient comme révocable jusqu'à la réception de l'expédient par le juge.

Et je conviens avec lui, non pas que tel était l'ancien droit, mais que tel était l'ancienne routine de plusieurs tribunaux.

Mais sur quoi se fondait-on pour juger ainsi? Sur une mauvaise interprétation de la loi 17, C. de fide instrumentorum.

Par cette loi, disait-on, il est décidé textuellement que, lorsqu'en concluant une vente ou un échange, on est convenu d'en passer l'acte devant notaires, le contrat n'est parfait que par l'entier accomplissement de toutes

les formalités requises pour que l'acte notarié acquière lui-même toute sa perfection; et que chacune des parties est maîtresse de se rétracter, non seulement tant que l'acte n'a pas été rédigé par le notaire et signé par toutes les parties, mais encore tant que le notaire ne l'a pas revêtu de sa propre signature. Il résulte donc de cette loi que, par cela seul qu'en arrêtant une convention, on a exprimé l'intention de la passer devant notaire, on est censé avoir voulu n'être lié que par la perfection de l'acte notarié. Or, le même motif s'applique à la transaction que des parties plaidantes passent entre elles sous la forme d'un expédient. En lui donnant cette forme, elles manifestent clairement l'intention de la faire revêtir du sceau de la justice. La transaction est donc imparfaite tant que la justice n'y a pas apposé son sceau; elle ne devient donc irrévocable que par le jugement qui en donne acte aux parties, ou, en d'autres termes, que par la réception de l'expédient.

Cette conséquence eût été sans réplique, si le principe en eût été vrai, s'il eût été bien constant que stipuler, en arrêtant les bases et toutes les clauses d'un contrat, qu'il en serait dressé acte devant notaire, c'était implicitement convenir que l'on demeurait libre de se dédire tant que l'acte notarié n'aurait pas été dressé et revêtu de toutes ses formes constitutives.

Mais la loi 17, D. de fide instrumentorum, ne disait pas cela, ou du moins elle ne le disait pas en termes assez positifs pour qu'on l'entendit dans un sens aussi contraire aux premières notions du juste et de l'injuste; et non seulement les plus judicieux interprètes s'accordaient à en restreindre la disposition au cas où les parties auraient fait de la rédaction notariée de leurs conventions, une condition expresse du lien qu'elles formaient réciproquement; mais c'était ainsi qu'on le jugeait avant le Code civil, et aux preuves que j'en ai rapportées dans le Répertoire de jurisprudence, aux mots Acte notarié, no 8, et l'ente, sect. 1, §. I no 7, se joint encore l'autorité de Pothier, qui, dans son Traité des obligations, no 11, s'exprimait

ainsi :

« Quoique le consentement des parties suffise pour la perfection des contrats consensuels, néanmoins, si les parties, en contractant une vente, ou un louage, ou quelqu'autre espèce de marché, sont convenus d'en passer un acte pardevant notaires, avec intention que le marché ne serait parfait et conclu que lorsque l'acte aurait reçu sa forme entière,

par la signature des parties et du notaire, le contrat ne recevra effectivement sa perfection que lorsque l'acte du notaire aura reçu la sienne; et les parties, quoique d'accord sur les conditions du marché, pourront licitement se dédire avant que l'acte ait été signé. C'est la décision de la fameuse loi Contractus, 17, C. de fide instrumentorum, qui se trouve aussi aux Institutes, titre de contrahendá emptione. Mais si, en ce cas, l'acte ou l'instrument est requis pour la perfection du contrat, ce n'est pas par la nature du contrat, qui de soi n'exige pour sa perfection que le seul consentement des parties; c'est parceque les parties contractantes l'ont voulu, et qu'il est permis aux parties qui contractent de faire dépendre leur obligation de telle condition que bon leur semble.

» Observez que la convention qu'il sera passé acte devant notaires d'un marché, ne fait pas par elle-même dépendre de cet acte la perfection du marché ; il faut qu'il paraisse que l'intention des parties, en faisant cette convention, a été de l'en faire dépendre. C'est pourquoi il a été jugé, par un arrêt de 1595, rapporté par Mornac, qu'une partie ne pouvait se dédire d'un traité de vente fait sous les signatures des parties, quoiqu'il y eût la clause qu'il en serait passé acte pardevant notaires, et que cet acte n'eût pas encore été passé; parcequ'on ne pouvait pas conclure de cette clause seule que les parties eussent voulu faire dépendre de l'acte devant notaires la perfection de leur marché, cette clause ayant pu être ajoutée seulement pour en assurer davantage l'exécution, par les hypothèques que donne un acte devant notaire, et à cause du risque qu'un acte sous signatures privées court de s'égarer».

Que faisaient donc les tribunaux, qui, dans l'ancienne jurisprudence, jugeaient, d'une part, que les traités dont il avait été convenu qu'il serait dressé acte devant notaires, ne laissaient pas de lier les parties, quoiqu'un notaire ne les eût pas encore rédigées de nouveau en forme authentique, ou qu'il eût commis une nullité dans la nouvelle rédaction qu'il en avait faite; et, de l'autre, que les expédiens signés par les parties, étaient toujours révocables tant que le juge ne les avait pas reçus? Bien évidemment ils se contredisaient eux-mêmes, et c'est assez dire que leur manière de juger, parfaitement exacte sur le premier point, ne peut plus être suivie sur le second.

Aussi, pour soutenir que l'on doit encore aujourd'hui, comme sous l'ancienne jurisprudence, regarder les expédiens signés des

1

parties comme révocables jusqu'à leur réception en justice, Pigeau est-il réduit à supposer que la jurisprudence actuelle, d'accord avec l'ancienne, attribue à la seule convention de renouveler devant notaire le traité que l'on passe sous seing-privé, l'effet de tenir le lien obligatoire de ce traité en suspens jusqu'à la perfection de l'acte notarié. Voici

ses termes :

« Pour décider cette question, il faut examiner si des parties ayant signé un acte devant notaire, chacune d'elles peut, avant que le notaire ait signé, se désister de l'acte et s'opposer à ce que le notaire signe; en un mot, si la signature du notaire est nécessaire pour former le lien. On doit juger pour l'affirmative, parceque les parties ayant voulu traiter devant notaire, elles ont voulu n'être liées qu'après la perfection du contrat, qui n'est acquise que par la signature du notaire. Ainsi, appliquant les mêmes principes au contrat qui se fait par un jugement, on doit décider que le jugement passé de concert n'étant complet que par l'adoption qu'en fait le juge, jusque là chacune des parties peut se désister.

» Il est vrai que la loi du 25 ventôse an 11, après avoir dit, dans l'art. 14, que l'acte sera signé du notaire, et par l'art. 68, que, faute par le notaire d'avoir signé, l'acte sera nul, ajoute dans ce dernier article, que l'acte vaudra comme écrit privé, s'il est signé des parties; que l'art. 1318 du Code civil dit la même chose des actes devant notaires, lorsqu'il y a défaut de forme; d'où l'on peut conclure que, dès que l'acte est signé des parties, le lien est formé sans l'intervention du notaire ; qu'il en doit être de même de l'expédient signé des parties, et non encore reçu par le juge.

» La réponse à cette objection est qu'il faut bien distinguer deux cas qui paraissent semblables, mais qui sont bien différens.

» Le premier de ces cas est celui prévu par la loi du 25 ventôse et l'art. 1318 du Code civil, où les parties ayant signé devant notaire, se retirent de chez cet officier, persistant dans leur acte, et dans la persuasion que le notaire le signera. S'il ne le fait pas, la loi, considérant que les parties ont cru et voulu être liées, et qu'elles ont pris leurs arrangemens en conséquence, décide que l'acte vaudra s'il est signé d'clles, à cause de l'opinion où elles ont été que l'acte était complet, et, pour ne pas jeter le désordre dans leurs affaires en renversant les arrangemens qu'elles ont pris d'après cette opinion.

» Mais dans le second cas, c'est-à-dire, lorsque les parties ne se sont pas encore re

tirées de chez le notaire, et que cet officier n'a pas encore signé, les parties n'étant pas dans l'opinion que l'acte est parfait, étant, au contraire, dans la persuasion qu'il ne l'est pas, et n'ayant encore pris aucuns arrangemens en conséquence de l'existence d'un lien qui n'est pas encore formé, il faut décider que chacune d'elles peut encore se dédire; et appliquant ces principes à l'expédient, on doit dire que, tant que l'expédient n'est pas adopté par le juge, chacune des parties peut le révoquer et s'opposer à la réception ».

Rien de plus juste que ce raisonnement, si, indépendamment des dispositions de l'art. 68 de la loi du 27 ventôse an 11 et de l'art. 1318 du Code civil, qui portent sur le cas où les parties ont réalisé, autant qu'il a été en elles, leur convention de faire rédiger par un notaire le traité qu'elles avaient conclu entre elles, il n'existait pas un principe général d'après lequel, comme l'a dit l'orateur du gouvernement dans l'exposé des motifs du titre du Contrat de Vente du Code civil, que la rédaction d'une convention privée en contrat public ne peut être réputée essentielle qu'autant qu'il aurait été déclaré par les parties que, jusqu'à cette rédaction, leur premier acte demeurerait aux termes d'un simple projet. Mais ce principe existe par luimême, il existe dans la législation actuelle, comme il existait dans l'ancienne, et il suffit seul pour nécessiter le rejet du système de Pigeau, qui est d'ailleurs formellement condamné par M. Carré, dans ses Questions sur la procédure civile, no 2313.

que

CONTRAT PIGNORATIF. § I. Avant la loi du 2 octobre 1789 eût permis le prêt à intérêt, le ministère public pouvait-il, d'of fice, faire déclarer qu'un contrat de vente à

réméré avec relocation au vendeur, n'était, à raison de la vilité du prix qui y était stipulé, qu'un Contrat pignoratif, lorsque le vendeur lui-même ne se plaignait ni de dol, ni de fraude, ni d'usure ?

Voici une espèce dans laquelle le parlement de Paris s'est prononcé, en 1782, pour la négative.

Le 8 novembre 1769, Devaux acquiert de Leturcq et de sa femme, sept journaux de terres labourables, moyennant 800 livres, sous la faculté de réméré pendant 9 ans.

En même temps et par le même acte, il leur donne, à titre de ferme, pour 9 années consécutives, et moyennant 8 setiers de blé par an, mesure de Péronne, les sept journaux de terre qu'ils viennent de lui vendre.

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