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décidé la même chose, entre le chapitre de Saint-Hilaire de Poitiers et la communauté des habitans de Fontenay.

Le 1er octobre 1768, il est intervenu, à la chambre des vacations, un arrêt qui a pareillement ordonné que les quatre principaux habitans d'une communauté d'habitans, seraient contraints chacun pour un quart du montant d'un exécutoire de 1,168 livres, obtenu par le nommé Béru, contre la communauté même. Comme cet arrêt avait été rendu sur requête, les quatre particuliers y ont formé opposition; mais par arrêt prononcé à l'audience de la deuxième chambre des enquêtes, le 25 février 1769, ils en ont été déboutés avec dépens.

Remarquez, à ce sujet, que les particuliers contre lesquels étaient ainsi prononcées des condamnations, faute par la communauté de payer ses dettes, n'en étaient pas tenus solidairement, quand la solidarité n'était pas exprimée formellement dans l'arrêt. C'est ce qui a été jugé par arrêt du 6 mai 1758, à la deuxième chambre des enquêtes, entre la communauté des habitans de Mareuil, et les quatre principaux habitans de la Commune de Morizel. M. l'avocat-général Lepelletier de Saint-Fargeau, sur les conclusions duquel il a été rendu, en a cité un autre de 1751, qui, dans un cas semblable, avait également déchargé de la solidarité.

et

Un autre point non moins remarquable, qu'a précisément jugé l'arrêt du 31 mai 1766 dont nous parlions tout à l'heure, c'est que les habitans condamnés et contraints en leur nom pour la dette de la communauté, n'étaient pas obligés d'attendre, pour leur remboursement, l'époque de l'assiette et de la collecte de la taille; mais que chaque habitant derait être contraint tout de suite au marc la livre de la taille, suivant sa cote; et qu'à cet effet, les collecteurs en charge étaient tenus de leur communiquer leurs rôles.

La cour des aides de Paris avait suivi jusqu'en 1715 l'usage du parlement, de faire contraindre quelques habitans pour toute la communauté, lorsque celle-ci était en retard d'acquitter ses dettes ou de satisfaire aux condamnations prononcées contre elle. Mais depuis, elle n'avait laissé aux créanciers que la voie de faire réimposer le montant de leurs créances avec la taille, sans même pouvoir en faire dresser un rôle séparé. Elle avait cependant conservé l'ancienne forme pour les cas de rébellion, et elle rendait alors les contraintes solidaires contre les principaux habitans.

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La jurisprudence du conseil était conforme à celle de la cour des aides de Paris.

Par arrêt du 24 octobre 1780, rapporté dans la Gazette des tribunaux, tome 15, page 49, le conseil a jugé, au profit des habitans de Saint-Jean-sur-Moine, élection de Laval, contre Mouillé de la Rétrie, lieutenant de la maréchaussée de Château-Gonthier, « qu'on ne peut attaquer les quatre >> principaux habitans, pour payer seuls les >> condamnations prononcées contre toute » une paroisse; mais qu'on doit s'adresser au commissaire départi en chaque géné» ralité, pour obtenir, par la voie du rejet, » la répartition de la dette commune sur le » général des habitans ».

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C'est ce qu'a encore jugé depuis un arrêt dont voici l'espèce.

Le parlement de Flandre avait condamné, le 30 juin 1784, les mayeur, échevins, syndics, corps et communauté du village d'Élincourt, en Cambrésis, à 12,500 livres de dommages-intérêts envers le sicur de Sars de Prémont, seigneur du lieu, pour avoir suspendu pendant plusieurs années, par un procès jugé à son avantage, l'exercice de la banalité de son moulin.

En vertu de cet arrêt, et le 5 juillet suivant, le sieur de Sars a fait faire commandement au sieur Maroniez, syndic de la communauté, de lui payer dans la huitaine la somme de 12,500 livres.

Le 17 du même mois, sur le défaut de satisfaire à ce commandement, le sieur de Sars a fait saisir les meubles du sieur Maroniez.

Le sieur Maroniez s'est pourvu au parlement, par une requête expositive qu'il n'était pas condamné en son nom; qu'il ne devait rien comme particulier; que le sieur de Sars n'avait pas d'autre voie que celle de s'adresser à l'intendant, pour obtenir, par le moyen du rejet, l'imposition du montant de sa créance sur tous les habitans d'Élincourt.

Sur cette requête, arrêt dụ 26 juillet, qui accorde des défenses de passer outre à l'exécution, et ordonne aux parties de comparaître pour instruire la cause.

Cependant, dès ce jour-là même, les meubles et effets du sieur Maroniez se vendaient publiquement à Élincourt.

Le sieur Maroniez a demandé la nullité de cette vente. Je le défendais, et je comptais bien sur un succès complet.

Mais le sieur de Sars ayant exposé « que » la communauté étant condamnée, il fallait » bien que la condamnation fût exécutée par »> ses membres; que la communauté n'était

» qu'un être idéal; que c'étaient les habitans

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qui la composaient ; et que par conséquent

> ils étaient tous responsables de ses dettes; que d'ailleurs Maroniez, comme syndic, ⚫ avait dû faire ses diligences pour qu'il se » trouvât, dans la caisse de la communauté, » des deniers suffisans pour satisfaire à l'ar» rêt du 30 juin; que ne les ayant pas faites, » il devait s'imputer à lui-même les poursui»tes qu'il souffrait en son nom » ; il est intervenu, le 14 août 1784, un arrêt qui a débouté le sieur Maroniez de ses demandes, et a ordonné que l'exécution commencée serait para chevée.

Le sieur Maroniez et d'autres particuliers

le sieur de Sars avait fait également exéque cuter après cet arrêt, se sont pourvus au conseil; et, dès le 7 décembre suivant, ils y ont obtenu un arrêt qui « casse et annulle » l'arrêt du parlement de Douai, du 14 août » 1784, ensemble toutes les saisies, ventes > et adjudications de meubles et effets, et » toutes autres poursuites qui ont eu lieu

avant et après ledit arrêt, contre les sieurs » Jean-Jacques Maroniez, Jacques Noyelle, » Charles-François d'Elbart, Claire et Jean» Louis Maroniez, comme aussi celles qui » auraient pu avoir été faites depuis contre > aucuns habitans que ce soit de la commu› nauté d'Elincourt, pour raison des dom>mages et intérêts et dépens adjugés au sieur » de Sars de Prémont, par arrêt dudit par»lement, du 30 juin de la même année 1784, » contre les mayeur, échevins, syndics, > corps et communauté dudit Elincourt; sauf > audit sieur de Sars à se pourvoir par les » voies de droit, pour répéter, contre ladite » communauté d'habitans, les dommages et » intérêts dont il s'agit; condamne ledit sieur de Sars à rendre et restituer auxdits sieurs » Jean-Jacques Maroniez, Jacques Noyelle, » Charles-François d'Elbart, Claire et Jean» Louis Maroniez, toutes les sommes qu'ils » auraient pu payer en vertu dudit arrêt...., » ensemble les intérêts desdites sommes, à » compter du jour des paiemens et de la date » des procès-verbaux de vente; condamne ⚫ pareillement ledit sieur de Sars aux dom⚫mages intérêts desdits sieurs Jean-Jacques • Maroniez, Jacques Noyelle, Charles-Fran»çois d'Elbart, etc. ».

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penses des Communes doivent être acquittées; que les tribunaux ont consommé leur » pouvoir, lorsqu'ils ont prononcé dès con» damnations contre des Communes autori»sées à plaider; qu'aucune loi ne leur attribue le droit de répartir le montant des condamnations entre les habitans, et » qu'enfin la loi du 10 vendémiaire an 4, tit. 5, art. 8 et 9, attribue textuellement » aux municipalités la répartition, entre les » habitans, des dommages et intérêts aux» quels les Communes auront été con» damnées ».

C'est d'après ces conclusions, que l'arrêté dont il s'agit, statuant sur un conflit de juridiction élevé entre le tribunal de première instance de Fontenay, et le préfet du département de la Vendée, déclare comme nonavenues les dispositions de deux jugemens du tribunal de Fontenay, qui ordonnaient que dix des principaux habitans de la Commune de Nailliers seraient tenus de faire l'avance des condamnations prononcées contre cette Commune.

Le même arrêté ajoute : « Si, pour l'exécu tion des condamnations prononcées, il y a » lieu de faire une répartition entre les habi» tans, il y sera pourvu par l'autorité admi>nistrative».

II. La seconde question s'est présentée dans l'espèce suivante.

Les Communes de Valois et Haut-Valois étaient poursuivies, dans la personne de leur maire, par le sieur Bresson et la dame Normand, pour le paiement des arrérages d'une redevance qui était le prix de la concession d'un droit d'usage dans une forêt.

Elles avaient soutenu que cette redevance était de nature féodale et par conséquent abolie par l'art. 1 de la loi du 17 juillet 1793; et le tribunal civil de Mirecourt l'avait ainsi jugé.

Mais sur l'appel, la cour de Nancy, trouvant qu'il n'y avait rien de féodal dans la redevance, avait condamné les deux Communes à la payer ; et se fondant sur deux arrêts du conseil de 1754 et 1775, qui avaient ordonné aux syndics de l'une et de l'autre, de dresser chaque année le rôle des redevables, et de percevoir de chacun d'eux sa quotepart pour la verser, dans les mains des créanciers, elle avait condamné les maires, en leur qualité, à fournir aux créanciers l'état des habitans qui avaient joui du droit d'usage, afin que les créanciers pussent se faire payer directement par ceux-ci.

Les maires n'ayant pas satisfait à cet arrêt, il en était intervenu un autre par lequel la

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cour d'appel de Nancy leur avait enjoint d'y satisfaire dans le mois, à peine d'une amende de 10 francs par chaque jour de retard. Mais les maires s'étant pourvus en cassation, arrêt du 23 octobre 1809, au rapport de M. Audier-Massillon, par lequel,

« Les demandes formées par les cit. Ripert et Martin, contre la Commune d'Arles ( ai-je dit, en concluant sur cette affaire), avaient, devant le tribunal de première instance du département des Bouches-du Rhône, ainsi que devant le tribunal d'appel d'Aix, deux

« Vu l'art. 13 du tit. 2 de la loi du 24 objets absolument distincts.

août 1790;

Et attendu que la cour d'appel de Nancy, en ordonnant aux maires des Communes de Valois et Haut-Valois de dresser un rôle de redevables et de le remettre au sieur Bresson et à la dame Normand, leur a imposé une obligation à laquelle ils ne sont pas assujétis par les lois qui ont réglé et déterminé leurs fonctions;

» Que, si ce rôle était nécessaire pour assurer le paiement de la redevance dont il s'agit, l'ordre de l'expédier et de le dresser ne pouvait être donné que par l'autorité administrative, seule compétente pour décider ce que les maires doivent faire comme administrateurs des Communes ;

» D'où il suit que la cour d'appel a violé l'article précité, et excédé ses pouvoirs ; » La cour casse et annulle.... ».

§. II. 10 La disposition de l'édit du mois d'août 1683, qui défend aux créanciers des Communes de les actionner en justice, sans en avoir préalablement obtenu la permission de l'autorité administrative, a-t-elle encore force de loi?

2o Si elle a encore force de loi, en résulte-t-il que c'est comme incompétemment rendus, et nòn comme la violant, que doivent être attaqués les jugemens qui y contreviennent?

3o En résulte-t-il, pour l'autorité administrative, le pouvoir de statuer ellemême sur le fond des prétentions des créanciers, et par suite de refuser à ceuxci, en cas qu'elle les trouve mal fondées, l'autorisation nécessaire pour les faire valoir en justice?

4o Est-elle applicable aux poursuites dirigées contre une Commune, à l'effet d'obtenir, en vertu de la loi du 10 vendémiaire an 4, la réparation des dégats commis dans son territoire par des attroupemens armés ?

I. La première question a été agitée à la cour de cassation, section des requêtes, le 15 messidor an 10, à l'occasion du recours en cassation exercé par la Commune d'Arles, contre un arrêt de la cour d'appel d'Aix, qui la condamnait à payer diverses sommes aux sieurs Ripert et Martin.

Les cit. Ripert et Martin demandaient d'abord le paiement de 180 setiers de blé qu'ils avaient, disaient-ils, prêtés à la Com. mune d'Arles, en ventôse et germinal an 3; et ce prêt était avoué par la Commune ellemême.

» Ainsi, à cet égard, nul doute que le pouvoir judiciaire ne fût compétent; mais il ne pouvait exercer sa compétence qu'après le préliminaire pi escrit par l'édit du mois d'août 1683.

» Cet édit, comme vous le savez, fait défense « aux créanciers des communautés » d'intenter contre elles, en la personne des > maires et échevins, syndics, capitouls, jurats et consuls, aucunes actions, même pour emprunts légitimes, qu'après qu'ils ■ en auront obtenu la permission par écrit des sieurs intendans et commissaires dépar tis en chacune généralité, dont ils feront › donner copie, avec l'exploit de demande, à peine de nullité de toutes les procédures » qui pourraient être faites au préjudice, et des jugemens rendus en conséquence ».

› Vous savez encore que, par l'arrêté du gouvernement consulaire, du 17 vendémiaire dernier, il est dit : « Les consuls de la répu→

blique, vu l'édit du mois d'août 1683..... » sur le rapport du ministre de l'intérieur, » le conseil d'état entendu, arrêtent les

créanciers des Communes ne pourront in» tenter contre elles aucune action, qu'après » qu'ils auront obtenu la permission par écrit » du conseil de préfecture, sous les peines » portées par l'édit du mois d'août 1683 ».,

Sans doute, on n'objectera pas que les poursuites des cit. Ripert et Martin ont été intentées avant que cet arrêté fût pris et promulgué. Cet arrêté n'existait pas encore, au moment où les cit. Ripert et Martin ont l'édit du mois d'août 1683 était dans toute sa, fait assigner la Commune d'Arles; mais alors, force; et l'arrêté, en ordonnant son exécution pour l'avenir, ne lui a rien ôté de son autorité pour le passé.

» Dans notre espèce, ni le cit. Ripert, ni le cit. Martin, avant de se pourvoir en justice contre la Commune d'Arles, en paiement des 180 setiers de blé qu'ils lui avaient prêtés, n'ont rempli la formalité administrative que leur prescrivait l'édit du mois d'août 1683;

ils n'ont donc pas valablement saisi les tribunaux de leur action; les tribunaux devaient donc les déclarer non-recevables, quant à présent.

» Voilà pour le premier chef des demandes des cit. Ripert et Martı.

le

» Le cit. Martin demandait, en outre, paiement de 540 autres setiers de blé, qu'il soutenait avoir livrés forcément à la Commune d'Arles, en thermidor an 3; et cela, en vertu de réquisitions arrêtées par la municipalité de cette Commune.

» Là-dessus, il se présente d'abord une question de fait. Est-ce en vertu de réquisitions proprement dites, ou sur de simples invitations, que le cit. Martin a fourni à la Commune d'Arles les 540 setiers dont il s'agit?

» Si c'est sur de simples invitations, il n'y a eu entre la Commune et le cit. Martin qu'un marché volontaire; et dès-la, il n'y a rien dans cette affaire qui la différencie d'avec celle des 180 setiers prêtés en ventôse et germinal an 3.

» Et dans le fait, les délibérations représentées par la Commune, ne portent pas d'autre caractère que celui de simples invi

tations.

» Mais tout porte à croire, ou plutôt il est prouvé par les jugemens mêmes dont se plaint la Commune, que les extraits qui sont produits de ces délibérations, sont incomplets; et que ce n'est pas par de simples invitations; mais par des réquisitions véritables, que le cit. Martin a été amené à fournir à la Commune d'Arles les 540 setiers de blé dont il réclame le paiement : Considérant

a

(porte le jugement de première instance) » qu'il est constaté par le quatre réquisitions produites par ledit Martin, sous la date des 11 et 21 thermidor an 3, que ledit » Martin a été requis, lesdits jours, de four› nir 1470 setiers de blé, pour être vendus » au public, avec déclaration que, faute d'y » satisfaire de suite, un officier municipal se transportera dans ses greniers, procédera » à la vente, et en lui rendant compte du ⚫ produit, retiendra la somme de 100 livres » à titres d'amende; et que de pareils ordres » sont de véritables réquisitions impératives; » qu'ils ne peuvent être considérés comme une simple invitation ».

Le jugement du tribunal d'appel ne contredit pas ces assertions; il les confirme au contraire assez positivement, lorsqu'il dit : « Les 10 et 11 du même mois (thermidor »an 3), le cit. Martin avait été frappé de deux réquisitions, par lesquelles il était

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requis de garder à la disposition de la mu»nicipalité d'Arles, tous les blés, orges et

seigle qu'il avait de disponibles; et qu'il » ne peut y avoir eu vente libre et de gré à ⚫ gré, là où il y avait déjà eu RÉQUISITION ⚫ FORCÉE ».

» C'est donc, on ne peut en douter, c'est en vertu de réquisitions proprement dites, c'est en vertu d'actes administratifs, que le cit. Martin a fourni à la municipalité d'Arles les 540 setiers de blé dont il a depuis demandé le paiement à la commune.

» Et cela seul nous conduit nécessairement à dire que sa demande ne pouvait pas être portée devant les tribunaux ; qu'elle était uniquement du ressort de l'autorité administrative; et qu'en l'accueillant, qu'en y faisant droit, malgré le déclinatoire proposé par la Commune, le tribunal d'appel d'Aix a violé ouvertement la loi du 15 fructidor an 3.

» Inutile, d'après cela, de nous occuper des autres moyens de cassation de la Communes d'Arles.

Nous estimons, en conséquence, qu'il y a lieu de convertir en réglement de juges, la demande en cassation formée par la Commune d'Arles, ce faisant, sans avoir égard aux jugemens rendus entre les parties, lesquels demeureront nuls et comme non-avenus, renvoyer les cit. Ripert et Martin à se pourvoir devant l'autorité administrative, ainsi qu'il appartiendra; ordonner que l'amende consignée par la Commune d'Arles lui sera restituée ».

Sur ces conclusions, arrêt du 19 messidor an 10, au rapport de M. Delacoste, par lequel,

" Considérant que l'art. 13 du tit. 2 de la loi du 24 août 1790 veut que les fonctions judiciaires soient distinctes et demeurent toujours séparées des fonctions administratives, et défend aux juges de citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions;

» Considérant que l'art. 61 de la loi du 14 décembre 1789, en conservant à tout citoyen le pouvoir de présenter contre les officiers municipaux la dénonciation des délits d'administration dont il prétendra qu'ils se sont rendus coupables, exige qu'avant de présenter cette dénonciation devant les tribunaux, il soit tenu de la soumettre à l'administration du département, qui renvoie, s'il y a lieu, devant les tribunaux qui en doivent connaitre ;

» Et que l'art. 11 du décret du 14 novembre 1790 décide qu'aucun administrateur ne peut être traduit devant les tribunaux pour raison

de ses fonctions, à moins qu'il n'y ait été renvoyé par l'autorité supérieure ;

» Considérant que la loi du 28 pluviôse an 8, art. 4, place dans les attributions des conseils de préfecture les exécutions d'arrêtés des corps administratifs, et notamment les demandes et contestatations concernant les indemnités dues aux particuliers;

Attendu qu'il résulte des pièces produites, que la totalité des grains fournis par divers propriétaires de la Commune d'Arles, dans le cours de l'an 3, à la Commune d'Arles, l'ont été en exécution d'arrêtés pris par le conseil général de la Commune, en prairial

et thermidor de la même année, que ces blés ont été versés dans le grenier public, et livrés à un trésorier nommé par une commission des subsistances publiques;

» Attendu que, sous tous les rapports, l'incompétence du tribunal était prononcée par les lois; qu'en effet, si les 167 et demi setiers de blé avaient été livrés à titre de -vente ordinaire, faite par le cit. Martin à la commune d'Arles, et si le prix en était encore dû, malgré le paiement de 33,890 livres assignats, c'était une dette de Commune, une demande concernant des indemnités dues à des particuliers par un corps administratif, et, comme telle, attribuée par la loi aux conseils

de préfecture (1); si la même demande est considérée, comme portant sur les 270 setiers formant le dixième de la récolte, c'était une réclamation contre des arrêtés pris administrativement, réclamation qui ne pouvait être portée dans les tribunaux judiciaires, sans avoir été préalablement soumise à l'autorité administrative, et par elle renvoyée devant les tribunaux qui en devaient connaître ;

» Considérant que la Commune d'Arles a opposé devant les premiers juges, par l'organe de ceux de ses officiers municipaux qui étaient en fonctions lors des arrêtés pris en l'an 3, cette incompétence;

Que, sur l'appel, la question de compétence a été posée et décidée affirmativement pour le tribunal, et par lui;

» Par ces motifs, le tribunal, convertissant les fins du pourvoi contre le jugement du tribunal d'appel séant à Aix, du 5 fructidor an 9, en fins de réglemens de juges, aunulle ledit jugement, comme rendu par juges in

(1) On voit qu'il y a ici une erreur très-grave de rédaction sans doute, le conseil de préfecture devait prendre connaissance de cette dette, mais à quelle fin? Uniquement pour autoriser les sieurs Ripert et Martin à en poursuivre le paiement devant les tribunaux. . les nos a et 5 de ce paragraphe.

compétens, et renvoie, par réglement de juges, la cause et les parties, sur la demande des cit. Martin et Ripert contre la Commune d'Arles, devant l'autorité administrative à qui il appartient d'en connaitre..... ».

Le Code de procédure civile ne déroge-t-il pas à la règle établie ou plutôt rappelée par l'arrêté du 17 vendémiaire an 10?

2

D'une part, il dit bien, art. 1032, que les Communes et les établissemens publics seront tenus, pour former une demande en justice de se conformer aux lois administratives; qui ont des demandes à former contre les Commais il ne prescrit rien de particulier à ceux munes. D'un autre côté, par l'art. 1041, il abroge toutes lois, coutumes, usages et réglemens relatifs à la procédure civile. Il semblerait donc que l'on dût regarder la règle dont il s'agit comme abrogée.

Mais ce n'est là qu'une fausse apparence. Le Code de procédure civile ne renouvelle pas plus les dispositions de la loi du 5 novembre 1790, concernant les préliminaires à observer par ceux qui ont dés actions a exercer contre l'État (1), qu'il ne renouvelle les dispositions de l'arrêté du 17 vendémiaire an 10, concernant les préliminaires à observer par ceux qui ont des actions pécuniaires à intenter contre les Communes. Or, il est universellement recounu que les dispositions citées de la loi du 5 novembre 1790 ne sont pas abrogées par l'art. 1041 du Code de procédure civile; et pourquoi ne le sont-elles pas? Parcequ'elles forment, pour les actions à intenter contre l'État, un réglement tout-à-fait spécial, parcequ'il est de principe que les lois spéciales survivent aux lois générales, même dans les points sur lesquels celles-ci leur sont opposées (2). Il en doit donc être de même des dispositions de l'arrêté du 17 vendémiaire

an 10.

II. S'il fallait, sur la seconde question, s'en tenir aux conclusions et à l'arrêt de la cour de cassation du 15 messidor an 10, rapportés au no précédent, il ne serait pas douteux que ce ne serait pas comme violant l'édit de 1683, mais comme entaché d'incompétence, que devrait être attaqué un jugement qui, par contravention à cette loi, condamnerait une Commune au paiement d'une créance dont les poursuites judiciaires n'auraient pas été préalablement autorisées par le conseil de préfecture.

(1) V. l'article Nation, S. 2. (2) V. l'article Délits ruraux, §. 1.

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