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puisqu'il résulte de la disposition de l'article 2 que l'enfant né sur le territoire Ottoman de parents étrangers est étranger comme eux; que la présomption établie par l'article 9 entendu en ce sens est donc conforme aux principes généralement admis;

Que, de ce qui précède, il faut conclure que la nouvelle législation Ottomane sur la nationalité est, dans son ensemble et dans toutes ses parties, en harmonie avec les règles et les dispositions consacrées par la législation des nations civilisées; que, par conséquent, il est impossible d'y voir une atteinte quelconque aux principes du droit international;

Considérant, sur la seconde question, que les capitulations et les usages qui en sont le complément, en réglant les rapports entre la Porte Ottomane, la France et plusieurs Nations européennes, ont eu pour but d'assurer aux étrangers résidant sur le territoire Ottoman ou qui s'y trouvent temporairement une protection efficace contre la perception de certains impôts et contre des mesures qui pourraient porter atteinte à leur liberté personnelle ou à leurs intérêts pécuniaires; que notamment ils imposent des restrictions et des limites à la juridiction et à l'autorité des officiers publics et des tribunaux sur des faits accomplis dans l'étendue du territoire Ottoman, soit en matière civile, soit en matière criminelle;

Que, pour qu'il résultât de la loi nouvelle une atteinte aux droits et priviléges conférés par les capitulations et les usages, il faudrait ou que cette loi, en reconnaissant la qualité d'étranger à certains individus, leur enlevât, en tout ou en partie, les priviléges qui leur sont actuellement attribués, ou bien que, par une disposition rétroactive, elle retirât la qualité d'étrangers à ceux qui l'auraient régulièrement obtenue en vertu de la législation antérieure;

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Qu'on devrait également considérer comme une atteinte indirecte aux capitulations toute disposition qui aurait pour effet d'imposer à certaines catégories d'étrangers la nationalité Ottomane contrairement à leur volonté ;

Considérant qu'aucune disposition de ce genre ne se trouve dans la loi du 19 janvier 1869;

Que d'abord elle ne modifie sur aucun point les droits et les priviléges que les capitulations confèrent aux étrangers;

Qu'en second lieu, aucune expression employée dans la rédaction ne peut avoir pour effet de donner à ses dispositions un effet rétroactif; que, d'ailleurs, le Gouvernement Ottoman a solennellement déclaré dans plusieurs actes, notamment dans la circulaire du 26 mars 1869, explicative de la loi du 19 janvier, que cette loi ne devait s'appliquer qu'à l'avenir et ne pourrait modifier en aucune manière les qualités et les droits antérieurement acquis;

Qu'enfin la nationalité Ottomane n'est imposée par la loi nouvelle à aucun étranger contrairement à sa volonté; que les articles 2, 3, 4 et 7 ne la font résulter que de déclarations expresses faites spontanément par les parties intéressées; que l'article 8 n'admet même pas que la volonté du père puisse imposer à ses enfants la nationalité qu'il a luimême obtenue;

Qu'ainsi les capitulations et les usages conserveront, après la publication de la loi du 19 janvier 1869, toute l'autorité qu'ils avaient précédemment;

Est d'avis :

Que la loi du 19 janvier 1869 n'a rien de contraire au droit international en général, et qu'elle ne porte aucune atteinte aux droits et priviléges reconnus par les capitulations et consacrés par les usages.

N° 24.

Le marquis de La Valette à M. Bourée à Constantinople.

Paris, le 27 mai 1869

Monsieur, vos dernières dépêches présentent sous un jour favorable les rapports qui se sont établis entre le Gouvernement Ottoman et le nouveau Ministre de Grèce à Constantinople. Nous nous en sommes félicités dans l'espoir que la question de nationalité soulevée par la rupture des relations pourrait être traitée directement entre les deux Cabinets sans l'interposition des grandes Cours. Nous verrions avec satisfaction qu'il en fût ainsi. Rien ne peut en effet contribuer davantage à l'affermissement de la paix en Orient que la bonne intelligence des deux Gouvernements réglant eux-mêmes les intérêts spéciaux qui les divisent, et nous serions les premiers à nous réjouir s'ils parvenaient à se passer du concours des autres Puissances pour aplanir leur différend actuel. Nous nous plaisons à croire que, dans cette affaire, nous pourrons nous borner à de simples bons offices ou même à des conseils amicaux et bienveillants donnés aux deux parties.

Les Agents grecs à Londres et à Paris ont été chargés de sonder à cet égard nos dispositions, et les sentiments qu'ils m'ont manisfestés témoignent d'un progrès certain dans les voies de la modération. Le Cabinet d'Athènes demande que les effets de la nouvelle loi turque sur la nationalité soient subordonnés à la décision des autres Puissances; mais il s'en rapporte implicitement à la résolution qu'elles

auront prise. Nous applaudissons d'autant plus volontiers à la détermination du Cabinet d'Athènes sur ces deux points que nous n'aurions pas pu le suivre sur un autre terrain. Nous avons tout d'abord repoussé l'idée suggérée par M. Rangabé de prendre pour point de départ les protocoles de Londres de 1830 dont la mise en cause tendait à provoquer l'intervention officielle des Puissances garantes; nous n'avions pas moins de répugnance à participer à une intervention officielle à propos de la loi ottomane sur la nationalité, qui nous paraissait dès lors et qui depuis a été déclarée par notre Comité du contentieux parfaitement conforme aux principes généraux du droit ainsi qu'aux priviléges résultant pour nous des capitulations. Cette question, aussi bien que celle des protocoles, se trouve donc aujourd'hui en dehors du débat, et les points sur lesquels le Cabinet grec insiste sont au nombre de trois. Il demande le règlement de la question de nationalité d'après ce qui se pratique en Turquie à l'égard des autres Gouvernements, ou au moins la vérification de la nationalité d'après les principes consignés dans l'arrangement de 1863 entre la Russie et la Porte. Il réclame la jouissance provisoire des droits de la nationalité helléniqué pour tous ceux qui l'ont obtenue, jusqu'à l'examen de leurs titres, ainsi que la révocation de toutes les mesures prises et de tous les changements de nationalité qui ont eu lieu pendant la rupture des relations.

J'ai déjà eu l'occasion de vous faire connaître ma pensée en termes généraux dès le lendemain de la clôture de la conférence. J'ai dit que nous établissions une distinction entre les Hellènes véritablement nationalisés Grecs qui avaient accepté la nationalité ottomane pour échapper aux mesures d'expulsion et ceux qui n'avaient fait dans ces mêmes circonstances que renoncer à des titres sans valeur pour redevenir ce qu'en droit ils n'avaient pas cessé d'être, c'est-à-dire des sujets Ottomans.. Dans le premier cas, nous reconnaissions la légitimité des vœux de la Grèce et nous étions prêts à l'aider de notre influence; mais nous ne pouvions lui prêter le même appui dans le second cas, et je ne vois aucun motif de modifier le langage que j'ai tenu alors. Agréez, etc.

Signe LA VALETTE.

N° 25.

Le baron Baude au marquis de Moustier.

Athènes, le 10 juin 1869.

(Extrait.) Monsieur le Marquis, j'ai reçu les dépêches que Votre Excellence m'a fait l'honneur de m'adresser, relativement à la question de la nationalité en Turquie, et j'ai lu avec beaucoup d'intérêt l'avis du Comité du contentieux sur la loi ottomane du 19 janvier 1869. J'ai donné connaissance de ses conclusions à M. Th. Delyanni; il n'y a fait aucune objection: mais il a constaté que nos jurisconsultes avaient soigneusement pris acte des déclarations du Gouvernement Ottoman portant que cette loi ne devait s'appliquer qu'à l'avenir et ne pouvait modifier, en aucune manière, les qualités et les droits antérieurement acquis. Dans l'état actuel des choses, il semble que la question peut être limitée à une loyale vérification des titres de nationalité antérieurs à la loi du 19 janvier 1869, et la Porte se montre prête à y procéder, d'accord avec les autorités helléniques. Veuillez agréer, etc.

Signé BAUDE.

3o LES CAPITULATIONS EN ÉGYPTE.

N° 26.

Rapport présenté par Nubar-Pacha à Son Altesse le Khédive, sur la réforme judiciaire en Égypte.

(Communiqué, en août 1867, au marquis de Moustier,
Ministre des affaires étrangères.)

La juridiction qui régit les Européens en Égypte, qui détermine leurs relations avec le Gouvernement, ainsi qu'avec les habitants du pays, n'a plus pour base les capitulations. De ces capitulations il n'existe plus que le nom; elles ont été remplacées par une législation coutumière, arbitraire, résultat du caractère de chaque chef d'Agence, législation basée sur des antécédents plus ou moins abusifs, que la force des choses, la pression d'un côté, le désir de faciliter l'établissement des étrangers de l'autre, ont introduite en Égypte, et qui laisse actuellement le Gouvernement sans force et la population sans justice régulière dans ses rapports avec les Européens.

Cet état de choses ne profite à personne, pas plus aux intérêts généraux des Puissances qu'à la population honnête du pays, indigène ou étrangère; il s'exerce au détriment de l'Égypte, au détriment du Gouvernement, à l'avantage de ceux qui se sont fait un métier de l'exploiter.

Le besoin d'une réforme se fait vivement sentir; la colonie européenne augmentant, les Agences étrangères elles-mêmes en comprennent la nécessité; elles la réclament. Le Gouvernement et les Consulats sont d'accord sur le principe de cette nécessité ; le désaccord ne commence que lorsqu'on arrive aux moyens de mettre le principe en pratique on ne veut tenir aucun compte des capitulations; les abus introduits sont présentés comme des lois et des principes dont on ne saurait s'écarter; en un mot, on demande le but, qui est la justice; mais comme on repousse les moyens, il en résulte que l'Égypte présente un État où l'indigène, soit demandeur, soit défendeur, ne pouvant trouver justice, est en définitive dépouillé, heureux encore s'il n'abandonne que sa maison à son locataire! Le Gouvernement se voit assailli de procès que les Consuls eux-mêmes ne peuvent s'empêcher souvent de qualifier de scandaleux. La population se défie de l'Européen; le Gouvernement, qui voit pourtant le progrès dans ce même Européen, est obligé, par peur d'en être la victime, de le tenir éloigné. Les exemples ne manquent pas; il serait long de les énumérer; il suffit seulement de savoir que le Gouvernement, dans l'espace de quatre ans, a payé pour 72 millions d'indemnités. Mais il faut aussi ajouter que, payées sous la pression consulaire, ces indemnités sont qualifiées et représentées par ceux-là mêmes qui ont exercé la pression comme des actes d'une générosité sans exemple de la part de Son Altesse. Si le malencore se limitait là! Mais le Gouvernement, qui sent que le progrès ne peut lui venir que de l'Europe, qui aspire à l'introduction de cet élément civilisateur, qui veut lui confier ses grands travaux, base de son agriculture et de son commerce, qui veut appeler des capitaux en leur présentant un emploi rémunérateur, le Gouvernement, dis-je, est réduit à l'impuissance, et il se voit obligé d'abandonner le pays à lui-même. De tous les travaux confiés aux Européens, le bassin de radoub de Suez, seul, est terminé; tous les autres sont ou inachevés, ou non encore commencés, et, tels qu'ils sont, ont donné et donnent encore lieu à des indemnités.

La manière dont la justice s'exerce tend à démoraliser le pays; tous les efforts de Son Altesse seront brisés contre l'envahissement de cette démoralisation, et l'Arabe, forcé de voir l'Europe à travers l'Européen qui l'exploite, répugne au progrès de l'Occident et accuse le ViceRoi et son Gouvernement de faiblesse et d'erreur. Depuis plus de quarante ans, l'Européen jouit du droit de propriété en Égypte; il

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