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papier-monnaie se soit faite chez les Mongols : au contraire cette invention étant si facile à faire, et les avantages momentanés qu'elle présente étant si séduisans pour tous les gouvernemens, il est très-probable qu'on l'a mis en usage long-temps avant cette époque. L'idée de substituer un signe fictif au numéraire qui a une valeur intrinsèque, cette idée peut très-bien venir à des peuples grossiers et barbares, comme vous en avez vu des exemples dans la note XIIIo.

Banques privées en Angleterre et en Écosse (a).

De même que le papier-monnaie a précédé les banques publiques de circulation, celles-ci sont antérieures à l'établissement des banques privées. La banque de Gênes fut établie, comme je viens de le dire, en 1407; et les premières banques privées de la GrandeBretagne, du seul pays où il y en a, ne datent que depuis le commencement du siècle dernier.

Cependant, de toutes les institutions de ce genre, les banques privées sont celles qui présentent le plus d'avantages et le moins de dangers. Quand les banques sont l'ouvrage, non des gouvernemens, mais des particuliers, elles n'ont point en vue l'augmentation de la richesse nationale ni celle du revenu de l'État : leur unique but est de procurer un gain à leurs entrepre

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(a) Recherches sur la nature et les effets du crédit du papier dans la Grande-Bretagne, par Henri Thornton, ch. VII. Tableau de la Grande-Bretagne, par Baert, t. IV, p. 130. Smith, vol. I, p. 444.

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neurs en fournissant des secours au commerce. Elles ne font d'autre opération que celle de l'escompte, et leurs billets sont payables par elles en argent à la volonté du porteur. Tout leur bénéfice consiste à se faire payer l'intérêt de leur papier comme s'il était un capital réel; mais leur activité est limitée par le nombre et la somme des lettres de change qu'elles peuvent escompter. Vous savez, Messeigneurs, qu'un banquier ne peut sans perte dépasser la somme des lettres de change que le commerce a réellement besoin de faire escompter; qu'il ne peut étendre plus loin sa faculté de créer un capital imaginaire. Une caisse d'escompte, renfermée dans de telles limites, ne peut jamais présenter de très-grands avantages à ses entrepreneurs : c'est une bonne opération mercantile ; mais elle n'est point assez lucrative pour que le souverain doive être, jaloux de ses bénéfices.

Telles sont les banques particulières établies en Angleterre et en Écosse (a). L'usage déjà ancien et général parmi les gros négocians et les grands propriétaires de ce pays, de ne garder jamais de fonds chez soi, mais de les déposer chez des banquiers sur lesquels on tire toutes les fois qu'on a un paiement à faire, soutient ces banques, et procure à la Grande-Bretagne le bienfait d'une immense circulation de fonds qui, sans elles, resteraient morts. Il n'y a presque pas de ville tant soit peu considérable qui n'en ait; en 1800, on en comptait 386 dans toute la Grande-Bretagne.

(a) Celles de Londres sont appelées Banking houses, et celles des provinces Country Banks.

En général, ces banques se conduisent sagement. Elles y sont forcées par leur propre intérêt, leur succès étant fondé sur le crédit, qui ne'se soutient que par la plus grande prudence. Il n'est cependant pas sans exemple que quelques-unes fassent mal leurs affaires. On se rappelera long-temps en Angleterre la fameuse banqueroute de Fordyce et Colebrook en 1772, qui en entraîna 72 après elle, arrêta tout d'un coup la circulation par la forte atteinte qu'elle porta au crédit, et dont toutes les branches de commerce se sont ressenties plusieurs années. De pareils accidens sont d'autant plus fâcheux qu'ils ruinent non-seulement beaucoup de marchands, mais tombent encore sur un grand nombre d'ouvriers qui ont été payés en papier.

Les banques d'Écosse sont encore plus utiles que celles d'Angleterre. Le commerce d'Écosse ayant beaucoup moins d'étendue à l'époque où ces banques furent établies, qu'il n'en a aujourd'hui, elles auraient fait très-peu d'affaires si elles eussent borné leurs opérations à l'escompte des lettres de change. Elles imaginèrent donc une autre méthode d'émettre leurs billets, en accordant des comptes courans. Les crédits de ce genre sont usités chez les banquiers de tous les pays; mais les facilités que les banques d'Écosse donnent pour le remboursement, paraissent être la cause principale, tant du grand commerce qu'elles font, des grands avantages que le pays en a retiré. Celui qui a un crédit de ce genre sur une de ces banques, et qui emprunte par exemple 1000 livres sur ce crédit, peut rembourser la somme petit à petit, par 20 et 30 livres à la fois, la banque lui faisant le décompte d'une

que

partie proportionnée de l'intérêt de la somme principale. Au moyen de ces comptes courans, le marchand et la banque peuvent étendre sans imprudence, l'un son commerce, et l'autre ses opérations de banque.

Banque publique d'Angleterre (a).

La Grande-Bretagne est le seul pays de l'Europe où il y ait des banques particulières; dans tous les autres États les affaires de banque sont concentrées dans un seul établissement, sinon fondé par le gouvernement, du moins avoué et privilégiée par lui. Cependant les banques publiques sont bien plus exposées à dégénérer que les banques privées. Tant que les compagnies de banque existent isolées, leurs opérations paraissent insignifiantes; dès qu'elles forment un seul et grand établissement, ils excitent l'attention du gouvernement, leurs profits paraissent plus considérables; et, dès lors, la protection spéciale dont elles jouissent, ou les priviléges qu'elles sollicitent, doivent être achetés par des complaisances qui les dénaturent et qui minent insensiblement leur crédit. Malheureusement

(a) Smith, vol. I, p. 479. Steuart, Écon. polit, liv. IV, part. II. Baert, Tabl. de la Gr. Bret. tom. IV, p. 121. Garnier, dans sa Trad. de Smith, note XVIII. Büsch, Schriften über Banken und Münzwesen. Thornton, Recherches sur le crédit du papier dans la Gr. Bret. Allardyce, An Adress to the Proprietors of the Bank of England. Les faits les plus récens sont tirés de différens journaux et papiers publics.

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les prétentions du gouvernement se trouvent d'accord avec l'intérêt des actionnaires, le premier ayant presque toujours besoin d'emprunter, et les autres ne de. mandant pas mieux que de prêter. D'ailleurs les priviléges que les banques publiques obtiennent, sînt souvent nuisibles aux banques particulières. Enfin le trésor d'une banque publique est plus exposé à devenir la proie de l'ennemi, que ne le sont les fonds éparṣ d'un grand nombre de banques privées.

L'histoire de la banque d'Angleterre ( Bank of England) prouve que ces dangers ne sont rien moins qu'illusoires. Ce grand et célèbre établissement n'eut d'autre origine que la détresse du gouvernement. Il fut fondé en 1694 par une société d'actionnaires qui prêtèrent à l'État 1,200,000 liv. sterl. à 8 pour cent, ou, pour parler avec plus d'exactitude, moyennant une annuité de 100,000 liv. La banque ayant émis des billets pour toute la somme prêtée, elle rassembla un second fonds de 300,000 liv. sterl. pour subvenir au paiement de ses billets. Depuis, son fonds métallique s'est accru au point de former aujourd'hui une somme de 11,642,400 liv.; mais tout ce capital a été successivement prêté au gouvernement, et même 44,400 liv. au delà. A chaque expiration de sa chartre, la banque a dû en acheter la prolongation par de nouveaux prêts, et presque chaque prêt a été suivi de nouvelles concessions favorables à la banque.

En 1700, elle obtint du parlement la déclaration que durant sa chartre aucune compagnie ne serait incorporée, c'est-à-dire légalement constituée, avec la faculté de mettre des billets au porteur en circulation.

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