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de leur valeur, la réduction de leur somme n'a pu s'opérer qu'en réduisant la somme des escomptes de la banque et celle des avances journellement faites par elle au gouvernement contre ses obligations (exchequer-bills).

Cependant, l'augmentation de valeur des billets de banque paraît avoir eu lieu dans une plus grande proportion que la réduction de la somme de ses billets, qui, après s'être élevée au delà de 30 millions sterling, était encore, au 26 août 1820, suivant un état publié par la banque même, de 24,453,380 liv. sterling. Il est vrai que les billets émis par les banques de province ont pu être réduits dans une proportion plus forte.

Il faut cependant qu'une autre cause ait coopéré, avec la diminution de la somme des billets, à la réintégration de leur valeur. Cette cause peut se trouver dans l'augmentation de la population des Iles britauniques (population qui n'a cessé de croître) et dans la masse des transactions qui, ayant augmenté, a exigé une plus grande quantité de l'agent intermédiaire des transactions. Toute marchandise (la monnaie comme les autres) prend d'autant plus de valeur qu'on en met moins dans la circulation, et que les besoins de la société en réclament davantage. Ces deux causes ont ici concouru au même but.

Quel en a été l'effet relatif à l'économie sociale en Angleterre?

La monnaie courante d'Angleterre (billets de banque) ayant augmenté de valeur dans la proportion de 100 à 150 environ, toutes les personnes qui ont contracté l'engagement de payer 100,pendant la déprécia

tion, n'ont pu s'acquitter qu'en payant 150 depuis la réintégration. Elles s'obligeaient à payer une valeur à elles connue sous le nom de 100 livres sterling, et elles ont été obligées, sous le même nom, de payer une valeur beaucoup plus forte que la valeur stipulée. Ainsi, un fermier qui s'est engagé envers son propriétaire, à payer à ce dernier pendant 18 ans (terme de beaucoup de locations en Angleterre) un fermage de 100 livres sterling, valeur du moment du contrat, paie maintenant, sous le même nom de 100 liv. sterl., une valeur égale à 150 livres. Et, comme les denrées ont baissé en proportion de la plus-value des monnaies, et même au delà, il ne vend plus son blé que 45 shil. le quarter, tandis que le prix commun de l'époque à laquelle il a passé son bail, était 75 shil. le quarter. Aussi la plupart des fermiers ont été ruinés, et une fois ruinés, les propriétaires fonciers n'en ont rien pu tirer, et, à leur tour, ont perdu leur revenu.

L'inverse a eu lieu par rapport aux fonctionnaires publics; leurs traitemens avaient été élevés en raison de la dépréciation de la monnaie, et ils n'ont pas été baissés en raison de sa restauration. L'abus des places, et surtout celui des pensions et des sinécures, ou places sans fonctions, se sont donc accrus dans la proportion de 2 à 3. Les rentiers qui avaient prêté une monnaie dépréciée, ont reçu leurs intérêts en une monnaie restaurée ; c'est comme si, après avoir prêté un principal de 200 liv. sterl., ils recevaient l'intérêt de 300 liv.

Les rentes les traitemens et les pensions formantles des dépenses de l'État, et n'ayant pas subi de diminution sensible, les impôts n'ont pas sensiblement

diminué en raison de la restauration de la monnaie. Mais avec quoi les producteurs paient-ils l'impôt ? avec leurs profits, leurs salaires, qui ont diminué en proportion de la baisse des produits. De là de grands désordres de fortune dans la classe des propriétaires fonciers, et dans presque toutes les classes laborieuses de la société. Tellement que la réintégration de la valeur monétaire, a été plus funeste à l'Angleterre que sa dépréciation; plus funeste que n'avait été pour la France le discrédit complet des assignats.

L'Angleterre se tirera de cette crise, parce que son industrie est immense, et ses mines de charbon de terre cent fois plus lucratives pour elle que les mines d'or et d'argent ne le sont pour le Nouveau Monde; mais avec de telles sources de prospérité, que serait une telle nation, si elle était gouvernée à bon marché ! J.-B. S.

Système de Law (a).

PENDANT le cours du dix-huitième siècle, la nation française a été deux fois la victime du papier-monnaie: d'abord sous la régence du duc d'Orléans par le fameux système de Law; ensuite pendant la révolution par les assignats.

(a) Il existe un grand nombre d'ouvrages sur le système : j'ai consulté ceux de Melon et de Dutot, qui en sont les partisans, ainsi que l'exposition que Steuart et Ganilh en ont donnée, l'un dans son Économie politique, l'autre dans son Essai sur le revenu public; cependant, si j'ai réussi à présenter d'une manière concise et simple ce chaos d'idées et d'événemens, j'en suis surtout redevable à l'excellent ouvrage de Duverney, Examen des réflexions [de Dutot] sur les finances et le commerce. A la Haie, 1740. 2 v. in-8.

L'histoire du système embrasse un si grand nombre de faits, et ces faits sont tellement compliqués, qu'il est difficile de trouver un fil qui puisse conduire à travers ce labyrinthe: mais comme il vous importe moins de connoître le détail historique du système que d'en saisir l'esprit et les conséquences, je me bornerai aux seuls événemens qui ont de l'intérêt sous ce rapport, et je négligerai toutes les circonstances qui ne sont pas indispensables pour cet objet, quelque curieuses qu'elles puissent être.

La France, à la mort de Louis XIV, se trouva chargée d'une dette publique de 3111 millions de livres tournois, portant un intérêt de 86 millions. Il n'y avait de libre pour faire face à cette dette, que l'excédant du revenu sur la dépense ordinaire en temps de paix; or cet excédant n'était que de 9 millions. Le régent nomma une commission, le Visa, laquelle, par les opérations les plus arbitraires, réduisit le principal de la dette à 2000 millions, et les intérêts à 80; cependant le gouvernement ne fut pas plus en état de payer la dette réduite qu'il n'avait pu la payer avant sa réduction.

Dans cette crise, Law, Écossais d'origine, présenta au régent un projet pour libérer l'État du fardeau de cette dette immense par le moyen du crédit et sans blesser les intérêts de personne. Avant d'entrer dans les détails de ce projet et de son exécution, il est nécessaire de développer les principes de son auteur sur la nature et les effets du crédit. Cette analise nous sera d'autant plus utile, que les idées de Law sur cet objet sont encore très-répandues en Europe, et qu'une

infinité de personnes de tout rang partagent les 'erreurs du fameux système, tout en témoignant la plus grande horreur pour les mesures qui en ont été la suite.

Le numéraire, disait Law, et disent encore aujourd'hui ses disciples, le numéraire n'est qu'un signe qui représente les richesses dans la circulation. L'or,l'argent, le bronze, le cuir, les billets, les coquilles et toutes les autres matières dont on se sert pour évaluer ou me surer les richesses réelles, ne sont que des richesses de confiance ou d'opinion qui forment ce qu'on appelle le crédit. Un louis d'or, un écu, sont des billets dont l'effigie du prince est la signature; et comme les choses ne reçoivent leur valeur que des usages auxquels on les emploie, il est indifférent de se servir d'un louis, d'un billet de pareille somme, ou même de coquilles pour représenter toutes les autres valeurs.

Ai-je besoin, Messeigneurs, de réfuter ce sophisme? Vous voyez que Law rangeait dans la même classe le numéraire métalique et le numéraire fictif ou de convention: or il y a cette différence essentielle entre eux, que l'un a une valeur directe et nécessaire, et que l'autre n'en a pas. Ainsi, le premier n'est point un signe, mais une richesse réelle; l'autre au contraire n'est jamais qu'un signe (a). Le numéraire métallique n'a guère besoin de confiance ou de crédit pour conserver sa valeur, parce qu'il est lui-même une richesse; tandis que le numéraire fictif n'existe que par le crédit, c'est-à-dire par la persuasion qu'il pourra être échangé contre du numéraire métallique ou contre

(a) Voyez liv. V, ch. V.

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