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que spéciale, et qui n'avait d'autre garant que la loyauté précaire d'un gouvernement absolu.

En 1795, la paix de Bâle fut conclue entre le roi d'Espagne et la république française. On espéra dès lors que la cour de Madrid emploierait les loisirs et les économies de cette paix à réparer les brêches que la guerre venait de faire à ses finances. Mais bientôt après, une seconde rupture suspendit le retour de ses ressources extérieures, et ajourna encore ses moyens de restauration. Vers le milieu de 1796, ses billets perdaient 10 à 12 pour cent vers la frontière, et 6 à 8 dans la capitale. Il y en avait alors en circulation pour 99 millions de piastres; et loin d'avoir pu s'occuper des moyens d'en diminuer la masse, on avait créé au commencement de 1796 un emprunt de 16 millions de piastres à 5 pour cent.

La guerre avec l'Angleterre acheva d'épuiser l'Espagne. Aux seules apparences d'une rupture avec cette puissance, les vales perdirent 18 pour cent; en 1801 leur perte alla jusqu'à 75 pour cent. La signature des préliminaires avec l'Angleterre les fit cependant remonter. Déjà au mois de mars 1802, ils ne perdaient plus à Cadix que 20 pour cent ; et au mois d'avril on les achetait à Amsterdam à 15 pour cent de perte seu» lement.

Cet heureux effet doit être attribué à la diminution de ces billets. Il y avait en Espagne une quantité prodigieuse de biens-fonds donnés aux églises, les uns avec l'obligation de dire des messes pour l'âme du donateur, les autres consacrés au culte particulier de la vierge et des saints. Trop long-temps la destination de

ces deux espèces de terres les avait fait regarder comme sacrées. Ces terres, paralysées par la piété des fidèles, inaliénables comme tous les biens ecclésiastiques étaient mal administrées et mal cultivées. En novembre bre 1800, le gouvernement les mit en vente, en destinant les sommes qu'on en retirerait, à l'extinction successive des vales. Dans les premiers mois de 1802, ces ventes avaient déjà produit près de 10 millions de piastres. En 1805, il restait encore des vales pour la somme de 120 millions de piastres, et ils perdaient de nouveau 58 pour cent; la cause de cette baisse doit être recherchée dans les nouvelles émissions, nécessitées par la prolongation de la guerre, et dans la situation pénible de l'Espagne durant les dernières années qui précédèrent la chute des Bourbons,

Banques d'Italie.

J'ai déjà cité la banque de Gênes comme la plus ancienne qui existe: il me reste à parler de son sort. Quoique fondée par des actionnaires et sans la participation du gouvernement, elle ne tarda pas à lui payer les concessions qu'elle obtint, par des prêts si énormes que la plupart des revenus publics lui étaient hypothéqués. Le crédit de la banque, déjà miné par ces avances, reçut un échec plus terrible encore par l'invasion des Autrichiens qui eut lieu en 1746; son trésor fut pillé, et elle ne se releva que très-tard de cette infortune.

L'invention des Génois ne pouvait manquer de trou

ver des imitateurs dans toute l'Italie. Rome, Turin et Naples ont eu leurs banques de circulation ou plutôt leur papier-monnaie. La révolution a fait disparaître ces signes; ceux des États du pape se sont con-servés plus long-temps que les autres. Ils existaient dans une telle abondance à Rome, et les espèces y avaient tellement disparu, que tous les paiemens de 5 scudi romani ( 6 r. 85 cop.) et au delà se faisaient par les cédules de la banque du Saint Esprit ou du Mont-de-piété. Ces billets avaient un cours forcé. Ils portaient à la vérité qu'ils étaient payables à vue ; mais les banques n'en remboursaient jamais que la vingtième partie ou 5 pour cent. En 1795 ils perdaient 21 pour cent contre le numéraire du pays. Les biglietti delle regie finanze de Turin souffraient du même discrédit. Naples avait sept banques. Tous les paiemens qui n'étaient pas au-dessous de 10 ducats (10 r. 50 cop.), se faisaient par le moyen de leurs billets, appelés fede di credito. J'ignore si leur valeur s'est mieux conservée que celle des billets de Rome et de Turin.

Banque de Vienne (a).

Cette banque fut fondée par Marie-Thérèse, pendant la guerre de sept ans. Elle émit des billets de confiance (Wiener Stadt-Banco-Zettel) pour 12 millions de flo

(a) Du papier-monnaie, par Sismondi. Journaux et gazettes des états autrichiens.

rins; et l'impératrice qui voulait assurer le crédit de ces billets, exigea qu'une partie des impositions fût toujours payée en papier : en sorte que les contribuables, obligés d'acheter des billets pour satisfaire le fisc, leur donnèrent une valeur supérieure à celle de l'argent.

Les billets de la banque de Vienne remplacèrent. moins les lettres de change du commerce que celles des trésoriers des provinces. Les transports d'argent furent évités, et le service du trésor public se fit avec plus d'économie. L'impératrice profita de ce qu'elle avait créé 12 millions qui ne lui coûtaient rien, pour payer les dettes qu'elle avait contractées envers des créanciers de Gênes. Peu importe de savoir si elle les paya en papier ou en argent. Le papier, si elle en envoya aux Génois, revint dans l'état de lui-même, et les espèces d'or et d'argent sortirent pour le racheter.

Le public ne ressentit aucun inconvénient de ce qu'il y avait de moins 12 millions en espèces dans la circulation, parce que cette somme se trouvait remplacée par des billets de banque qui valaient autant que l'argent; mais le gouvernement ne se trouva pas non plus fort enrichi pour avoir emprunté 12 millions sans intérêt. C'est à quoi se réduisait l'opération de MarieThérèse, et l'épargne de 600,000 florins par année compensait à peine le danger de voir les billets de banque falsifiés.

Mais depuis cette époque on a mis en circulation à plusieurs reprises de nouveaux billets de banque, et chaque fois de nouvelles sommes correspondantes en or et en argent ont été retirées du commerce. Les malheurs du temps plus rapproché de nous obligèrent

l'Autriche de recourir à des ressources extraordinaires pour soutenir la guerre. Le souverain ne voulut pas mettre de nouveaux impôts; il ne se crut pas assuré d'un crédit volontaire : il emprunta donc sur le numéraire, en créant de nouveaux billets de banque; il les multiplia au point de faire disparaître tout le numéraire métallique. Une partie fut peut-être encore exportée; mais une autre, so straite à la circulation, fut mise en réserve; la défiance commençait à s'éveiller, et elle mit à couvert une portion de la fortune pu̟blique.

Cependant la disparition des espèces avait rendu impossible à la banque de rembourser les billets qui lui étaient présentés. Elle fut dispensée en 1797 du paiement en espèces auquel elle s'était obligée; chacun fut contraint à recevoir les billets comme monnaie courante, et dès cet instant, ils cessèrent d'être des billets de confiance, et devinrent un papier

monnaie.

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La multiplication de ce papier au delà des besoins de la circulation et de la somme totale de numéraire qui existait autrefois, devait nécessairement produire leur dépréciation; car dès l'instant que le numéraire superflu ne peut plus s'exporter, il faut bien qu'il baisse de prix. Mais une autre cause est venue ensuite accélérer cette dépréciation, c'est la création d'une monnaie de cuivre sans valeur. Avec un quintal de cuivre coûtant 100 florins de papier, on frappe 2400 pièces de cuivre, portant l'empreinte de quinze kreuzer, en tout 600 florins. Or depuis que les billets ne sont plus remboursables en or et en argent, la mon

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