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NOTE XXIV.

Sur les progrès de la liberté individuelle en Europe et dans les colonies européennes depuis le milieu du dix-huitième siècle.

(T. III, p. 466.)

Je rangerai suivant les différens pays les faits relatifs à cet objet, sans m'astreindre à un ordre quelconque, et sans y ajouter des détails qui grossiraient trop cette note. Ce ne sera qu'un simple registre de faits, mais qui ne peut manquer d'exciter le plus vif intérêt. J'aurai soin d'indiquer partout les sources où je puise.

Danemarck.

Dans ce royaume, la reine Sophie Magdalène eut la gloire de donner, en 1761, l'exemple aux propriétaires, en affranchissant les paysans de ses domaines et en leur accordant à chacun la propriété du terrain qu'il cultivait.

Quelque temps après, le roi fit la même chose dans ses domaines du Holstein, qui furent divisés en petites propriétés, et vendus, soit aux paysans, soit à d'autres particuliers. Actuellement cette opération est terminée, et le roi n'a plus ni domaines ni serfs dans cette province.

Un grand nombre de propriétaires ont suivi l'exemple de leurs souverains; les uns ont aboli la servitude,

et leurs terres sont cultivées par des fermiers; les autres se sont arrangés avec leurs serfs pour fixer le sens ou les corvées d'une manière équitable.

Pour rendre ces mesures plus générales et les étendre sur toutes les provinces du royaume, une commission fut établie en 1786. Depuis cette époque les droits et les devoirs réciproques des propriétaires et des serfs ont été légalement fixés; le gouvernement favorise de toutes les manières les rachats de gré à gré, et les affranchissemens deviennent d'année en année plus fréquens. Une ordonnance royale de 1792 accorde des avantages considérables aux propriétaires qui consentent à morceler leurs terres et à les vendre aux cultivateurs. (Thaarup, Statistik der Dänischen Monarchie, T. I, p. 148 et 128.)

Autriche.

Joseph II abolit en 1781 la servitude dans toutes les provinces allemandes de la monarchie, ainsi que dans la Gallicie orientale. Le paysan, devenu fermier, peut acquérir des fonds de terre.

François II a étendu ce bienfait sur les habitans de la Gallicie occidentale. (Hassel, Stat. Abriss der Oest. Mon. p. 83.)

Quant à la Hongrie, il y existe un statut qui règle les droits et les charges respectifs du seigneur et du paysan on l'appelle urbarium; il a été fixé par Marie-Thérèse, et confirmé provisoirement par la diète de 1791, jusqu'à ce qu'il en fût rédigé un meilleur.

autrefois esclave >

Par cet urbarium, le paysan, est devenu libre: il peut quitter son domicile et se choisir un autre seigneur ; il est ce qu'on appelle colonus liberæ migrationis. Le terme pour se donner mutuellement congé est fixé par la loi à la Saint-Michel, mais le paysan ne peut quitter qu'à la Saint-Georges; il doit être porteur d'un certificat signé par le seigneur et le juge.

Les charges du paysan qui cultive une métairie sont considérables. Il est obligé à une foule de corvées et de redevances, tant en produits qu'en argent. Le seigneur est son juge en première instance, même dans le cas où le vassal plaide contre lui. Un juge du comte et un assesseur assermenté siégent aux séances, mais simplement comme témoins. Cependant le vassal a le droit d'appeler au jugement des cours supérieures.

Lorsque les talens se réunissent à la bonne conduite, un jeune homme de parens villageois peut aspirer aux emplois dont l'exercice n'est pas interdit aux roturiers par la loi. Quelquefois un pareil individu obtient des lettres de noblesse; alors la carrière des honneurs lui est ouverte sans restriction. (Demian, Tabl. géogr. et polit. de la Hongrie, etc.).

Prusse.

L'esclavage et la servitude sont abolis à jamais dans toute l'étendue de la monarchie prussienne par l'édit royal du 9 octobre 1807. Cette loi est en vigueur depuis la Saint-Martin 1810.

Allemagne.

Dans les années 1770 à 1790, le margrave de Bade, et à son exemple plusieurs autres princes de l'Empire, font disparaître les derniers vestiges de la servitude dans leurs Etats (Shlôzer, Briefwechsel et Staatsanzeigen. Iselin, Annalen der leidenden Menschheit. ).

Les pays qui composaient le ci-devant royaume dé Vestphalie, et dans lesquels il subsistait encore quelques traces de vasselage et de droits féodaux, en furent délivrés, en 1808, par la constitution de ce

royaume.

Suède.

Ce pays n'a jamais connu la servitude; mais elle existait encore, jusque dans ces derniers temps, dans la Pomeranie suédoise. Gustave IV Adolphe l'y abolit par l'édit royal du 4 juillet 1806; elle devait entièrement cesser avec le 1er janvier 1810.

Grand-Duché de Varsovie.

L'esclavage y fut entièrement aboli par la constitution de l'année 1807.

Russie.

Catherine II, dans son instruction pour le nouveau code de lois, proclame le principe de la liberté individuelle. — Elle fait proposer, par la société économique de Saint-Pétersbourg, la question : « S'il est plus avantageux à l'État que le paysan possède en

propre du terrain, ou qu'il n'ait que des biens-meubles? et jusqu'où doit s'étendre cette propriété pour l'avantage de l'Etat?» Elle y joint un prix de mille ducats. — Elle encourage le général Boltin à publier ses recherches sur l'origine de l'esclavage en Russie, et sur la situation actuelle des esclaves et des serfs dans cet empire (a). — Elle augmente le nombre des hommes libres en appelant dans ses États une foule

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(a) Ces recherches se trouvent dans les Remarques que cet officier a publiées sur l'Histoire de Russie, par M. le Clerc (Iримьчанія на Исторію Россіи Гна. Ле Клерка, С. П. Б. 1788. 2 vol. 4). L'auteur tâche de montrer qu'il n'y avait anciennement d'autres esclaves en Russie que ceux que le sort de la guerre avait réduits à cette condition; que le paysan russe était libre jusqu'au temps du tsar Boris Godounof, et qu'il n'a été asservi que depuis cette époque. L'ingénuité avec laquelle l'auteur traite cette matière délicate, et l'énergie avec laquelle il dépeint les abus de l'autorité, font autant d'honneur à son caractère qu'elles sont un monument de gloire pour la souveraine qui encouragea et protegea de si nobles efforts.

Sous le règne du bienfaisant Alexandre, M. de Boltin a trouvé deux successeurs dans cette carrière, M. de Kaïsarof, mort depuis peu, lequel, étudiant à Göttingue, y publia une dissertation latine sous le titre : Dissert. inaug. de manumittendis per Russiam servis, Gott. 1806; et M. le comte de Stroinovsky, sénateur, dont l'ouvrage, écrit en polonais, fut traduit et publié en russe, sous le titre Sur les stipulations qui pourraient se faire entre les propriétaires et les paysans. (О условіяхъ помѣщиковъ съ крестьянами, рочиненіе Графа Стртемѣня - Стройновскасо. Вильна 1809). Tous les deux montrent l'utilité et la nécessité de l'emancipation des esclaves; mais M. de Stroïnovsky entre dans de plus grands détails, et y joint ses observations sur les moyens les plus propres à préparer et à consommer cette grande réforme.

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