sa circulation intérieure une disette d'argent qu'elle n'avait jamais connue avant la possession de ses mines d'Amérique; enfin le peuple qui dispensait au monde les trésors du Mexique et du Pérou, fut réduit à employer dans ses transactions domestiques une vile monnaie de cuivre, à laquelle l'édit du souverain prétendit attribuer la valeur de l'argent (a).

Le numéraire circulant dans les pays de la monarchie autrichienne n'est évalué par M. Hassel, en 1807, suivant les meilleurs auteurs nationaux, qu'à la somme modique de 80 millions de florins ou de 52 millions de roubles; encore cette somme comprend-elle une quantité énorme de monnaie de cuivre excessivement surévaluée (b). La cause de cette disette d'espèces est dans le papier-monnaie dont on a inondé le pays, et qui en a chassé la plus grande partie du numéraire métallique qui y circulait autrefois.

M. Krug évalue le numéraire que possédait la monarchie prussienne en 1805, à 60 millions d'écus ou 56 millions de roubles, au plus haut (c). Cette monarchie n'avait alors point de papier-monnaie, mais il circulait différens papiers de crédit.

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Si les états des hôtels de monnaie sur la fabrication des espèces pouvaient fournir une base solide pour calculer le numéraire d'un pays, il serait facile d'évaluer celui que la Russie possède actuellement, car

(a) Garnier, Notes à sa traduction de Smith, T.

V, p.
136.

(b) Hassel, Statistischer Abriss des Oesterreich. Kaiserthums, p. 174. (c) Krug, Betrachtungen über den Nationalreichthum des preussischen Staats. T. I, p. 286.

le tableau que je mets sous vos yeux (a), fait preuve qu'il en a été frappé dans ce pays depuis 1700 jusqu'à la fin de 1811 la somme de 217,897,770 roubles; somme à laquelle il faut ajouter la monnaie de cuivre, dont les différentes émissions pendant cette période allaient en valeur nominale à 107,386,670 roubles, ce qui donne un total de 325,284, 440 roubles. Mais ła Russie est loin d'avoir autant de numéraire. Si l'on considère que la valeur intrinsèque de la monnaie d'argent a changé quatre fois pendant cet espace de temps, et celle de la monnaie de cuivre huit fois (b), et que chacun de ces changemens a nécessité une refonte presque générale des espèces; quand on sait que l'émission du papier-monnaie est allée jusqu'à 577 millions (c), et que cette somme, en remplaçant dans la circulation intérieure une quantité de numéraire égale à sa valeur en argent, en a chassé autant hors du pays; quand on se rappelle ce que le commerce d'Asie absorbe de monnaie; enfin quand on réfléchit sur la rareté des espèces d'or et d'argent, et sur la difficulté qu'on éprouve, même dans les premières villes de commerce, lorsqu'on veut s'en procurer une quantité tant soit peu considérable : on ne peut guère évaluer le numéraire de la Russie au delà de 70 millions de roubles, dont un tiers au moins paraît consister en monnaie de cuivre. De cette quantité de 45 millions en espèces d'or et d'argent, plus de la moitié est retirée de la circulation et ne reparaîtra que lorsque

(a) C'est le no II des tableaux annexés à ce volume. (6) Voyez les tableaux no I et HI.

(c) Voyez le tableau no V.

l'assignat aura regagné une valeur stable; de sorte que presque tous les échanges dans l'intérieur se font par le moyen du papier et de la monnaie de cuivre.

En résumant ces données sur le numéraire des différens pays de l'Europe, vous voyez qu'on peut évaluer

Si la masse totale du numéraire en Europe s'élevait à 2226 millions de roubles, comme M. de Humboldt le suppose (a), il s'ensuivrait que le Portugal, l'Italie, la Suisse, l'Allemagne, la Hollande, la Suède, le Danemarck et la Turquie d'Europe en posséderaient ensemble une quantité de 1299 millions; mais cette évaluation me paraît beaucoup trop forte. Comme plusieurs de ces pays sont inondés de papier-monnaie, ét que dans d'autres la rareté des espèces est visible, il me semble qu'on ne peut guère évaluer la totalité des espèces qui y circulent au delà de 700 millions, ce qui donnerait pour l'Europe entière un total de 1627 millions de roubles.

(a) Essai polit. sur la Nouv. Espagne, T. II, p. 808.

Sur les monnaies de confiance de quelques peuples anciens et moano.dernes, et sur la monnaie de cuivre russe.

LES écrits des anciens contiennent une foule de preuves qu'ils ont connu l'expédient des monnaies de confiance, aussi bien que nos financiers modernes. En voici quelques exemples, rapportés dans le second livre des Économiques, ouvrage qu'on attribue communément à Aristote.

Denis, le tyran de Syracuse, se trouvant dans un besoin d'argent, fit battre de la monnaie d'étain, et la déclara monnaie légale, équivalente à la monnaie d'argent.

«Dans un besoin pareil, Timothée, général des Athéniens, fit battre des monnaies d'airain pour payer ses soldats. Lorsque ceux-ci refusèrent de les accepter, il leur assura que les marchands leur vendraient les marchandises contre cette monnaie, au même prix que si elle était d'argent. Il donna la même assurance aux commerçans et aux détailleurs, ajoutant qu'il recevrait lui-même cette monnaie dans la vente du butin, et qu'il changerait contre de la bonne monnaie la quanque les marchands ne pourraient point employer

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dans ces achats. >>>

Il est souvent question chez les anciens d'une mon

naie de cuir qni était en usage chez les Carthaginois; mais par la description détaillée qu'en donné Eschine dans ses Dialogues sur la richesse, on voit que le cuir servait seulement d'enveloppe à une matière dont la composition était le secret du fabricant, et qu'ensuite le gouvernement y faisait apposer une marque ou un timbre, avant de mettre ces pièces en circulation. « A Carthage, ajoute cet auteur, on se croit riche quand on possède beaucoup de ces pièces; chez nous, au contraire, celui qui en aurait une quantité immense, ne serait pas plus opulent que s'il possédait autant de cailloux (a).

Ces témoignages, qu'on pourrait augmenter de quelques autres, prouvent suffisamment que si les anciens n'ont pas connu le papier-monnaie, il se sont du moins servis de monnaies de confiance, c'est-à-dire de monnaies composées d'un vil métal, auxquelles la loi ou la coutume attribuaient une valeur arbitraire, et qui n'avaient cours que dans le commerce intérieur. Telle paraît encore avoir été, suivant l'opinion d'un historien judicieux, la monnaie de fer qui avait cours à Byzance, à Clazomène, et peut-être encore en d'autres villes de la Grèce (b).

En Angleterre, la monnaie de cuivre est tellement regardée comme signe, que le gouvernement permet aux particuliers de fabriquer des pièces de cuivre qui ne valent pas même celles qu'il émet lui-même; mais

(a) Voyez Heeren's Ideen über die Politik, den Verkehr und den Handel der vornehmsten Völker der alten Welt, T. II, p. 164. (b) Heeren's Ideen, T. III, p. 289.