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celui d'importation se fait de la manière suivante. Les marchandises étrangères sont en partie commandées par les marchands russes, qui pour cet effet s'adressent aux commissionnaires étrangers; en partie elles sont envoyées en commission par les étrangers à ces mêmes commissionnaires, dont les marchands russes les achètent. Dans l'un et l'autre cas elles ne se vendaient autrefois qu'à des termes de 6, de 12 et de 18 mois, et les prix étaient en conséquence de ces délais. Aujourd'hui, que l'opulence des marchands russes leur permet d'acheter argent comptant, ce crédit est beaucoup moins recherché. Toutefois les détailleurs s'en servent encore presque généralement : les draps, les soieries, les toiles, les étoffes de laine et de coton, les vins, etc., se vendent encore toujours à 12 mois de crédit; il arrive même que des marchands achètent à de pareilles conditions des marchandises d'un débit prompt et facile, pour se procurer par leur vente des fonds qu'ils emploient à l'achat de produits du pays, ou à d'autres entreprises dont le bénéfice les dédommage des intérêts que leur coûte le crédit.

mn

NOTE XV.

Sur les principales banques de dépôt.
(T. II, p. 358. ).

POUR compléter la théorie de la monnaie de banque, je crois nécessaire d'ajouter à ce chapitre quelques notices historiques sur les principales banques de dépôt qui ont fleuri en Europe. Ces faits, Messeigneurs, serviront à confirmer les principes que je viens d'exposer; ils ne peuvent d'ailleurs manquer d'exciter votre curiosité, puisqu'ils concernent des établissemens devenus célèbres dans toute l'Europe, et qui ont exercé une grande influence sur le commerce que fait cette partie du monde,

Banque de Venise (a).

C'est la première qui ait existé en Europe; mais on ne connaît avec certitude ni la date ni le motif de son établissement. Les historiens de Venise racontent qu'en 1171 la république, qui avait alors deux guerres difficiles à soutenir, préleva un emprunt forcé sur les citoyens les plus opulens, pour lequel elle leur ga

(a) Büsch, Schriften über Banken und Münzwesen. Ganilh, Des divers systèmes d'Écon. polit. tom. II, p. 133.

rantit une rente perpétuelle de quatre pour cent. Les prêteurs créèrent une chambre qu'ils chargèrent du soin de recevoir les intérêts et de les distribuer. Ce fut cette chambre qui, dans la suite, forma la banque de Venise: mais à quelle époque et sur quelle base ? C'est ce que les historiens nous laissent ignorer. Au défaut de données historiques, voici ce qu'on peut raisonnablement conjecturer sur ce sujet.

Comme les intérêts de l'emprunt étaient toujours exactement payés, chaque créance inscrite sur les livres de la chambre des prêteurs pouvait être regardée comme un capital fructifiant, et dès lors ces inscriptions, ou le droit de percevoir l'intérêt, devaient souvent se transporter d'un citoyen à l'autre. Cette pratique, par suite, devait faire sentir à tous les prêteurs, combien il était simple et facile de solder leurs comptes entre eux par des transferts sur ces livres, et du moment qu'on s'aperçut des avantages que le commerce pouvait retirer de cette méthode de solder les comptes, la monnaie de banque était inventée.

Quoi qu'il en soit, la chambre des prêteurs devint réellement une banque de dépôt, dont les opérations consistaient à effectuer le paiement de lettres de change et de contrats entre particuliers. En 1423 ses revenus s'élevaient à environ 1,250,000 roubles, et se composaient en grande partie des intérêts qui lui étaient payés par le gouvernement. Quoique établie sans fonds, ses inscriptions jouissaient jusque dans ces derniers temps d'un tel crédit, que l'argent de banque portait constamment un agiot sur la monnaie

courante. L'invasion des Français en 1797 mit un terme à cette prospérité. L'État cessant d'exister, sa garantie, et par suite le crédit de la banque, s'évanouirent comme un songe.

Banque d'Amsterdam (a).

Cette banque fut fondée en 1609, dans des vues purement commerciales; et nullement pour subvenir aux besoins de l'État (6). Amsterdam était alors une ville d'entrepôt, une foire perpétuelle, où se faisait l'échange des produits de tous les peuples et de tous les climats. Ce commerce immense lui apportait de tous les coins de l'Europe des monnaies, souvent usées et rognées, ce qui réduisait la valeur de sa monnaie courante à environ 9 pour cent au-dessous de la bonne monnaie neuve sortant de la fabrication. Celle-ci ne paraissait pas plus tôt dans le commerce, qu'elle était fondue ou exportée. Les marchands n'en pouvaient jamais trouver assez pour acquitter leurs lettres de change; et la valeur de ces lettres devint variable jusqu'à un certain point, en dépit de tous les règlemens qu'on fit pour l'empêcher.

Ce fut uniquement pour porter remède à ces in

(a) Smith, vol. II, p. 219. Steuart, Écon. polit. liv. IV, part. II. Garnier, dans sa Trad. de Smith, note XXIV. Büsch, Schriften über Banken und Münzwesen.

(b) A cette époque, les Provinces-Unies venaient de conclure avec l'Espagne une trêve de 12 années.

convéniens et pour fixer la valeur de la monnaie du pays, que les commerçans d'Amsterdam établirent une banque sur le modèle de celle de Venise. Elle forma son capital originaire de ducatons d'Espagne. C'était une monnaie d'argent que l'Espagne avait fait frapper pour soutenir la guerre contre la Hollande, et que le cours du commerce avait fait refluer dans le pays qu'elle devait servir à combattre. L'argent de Hollande consistait en florins et en stuvers. Dans le commerce, le ducaton valait trois florins et 3 stuvers, ou 63 stuvers: la banque, pour simplifier le calcul, ne le reçut que pour 3 florins, ou 60 stuvers. Telle fut l'origine de l'agiot de la monnaie de banque contre la monnaie courante cet agiot était de 5 pour cent ; car 3 sur 60 font 5 sur cent.

Dans la suite la banque reçut les monnaies étrangères aussi bien que les monnaies du pays, les espèces usées et rognées comme les bonnes et les neuves, toutes sur le pied de leur valeur intrinsèque; sa monnaie de banque était payable en bonne monnaie du pays, au titre et au poids légal, déduction faite des frais du monnayage et des autres dépenses indispensables de l'administration. Pour la valeur qui restait après cette légère déduction, elle donnait un crédit sur ses livres, qui fut appelé argent de banque.

Il fut statué, dès l'établissement de la banque, que toutes les lettres de change tirées sur Amsterdam ou négociées dans cette ville, de la valeur de 600 florins et au delà, seraient payées en argent de banque; ce qui ôta à la fois toute espèce d'incertitude de la valeur

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