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A LA DOCTRINE DU CARDINAL DE BÉRULLE

SUR L'ÉTAT PASSIF

LES points contenus en ce second degré (*) doivent être soigneusement pesés de l'ame, d'autant que le discernement d'iceux est difficile, et le danger bien éminent de tomber en l'une ou en l'autre des extrémités cotées. Elle appréhendera donc telles choses, implorera humblement la grâce divine, se disposera à en recevoir les avertissemens intérieurs de son devoir, et surtout en prendra l'avis de personne expérimentée, qui prenne garde d'une part qu'elle ne résiste avec pertinacité à l'invitation que Dieu lui fait de monter plus haut, comme il arrive à l'ame qui est propriétairement fondée, assurée, et appuyée en

(*) Ce passage est tiré du chapitre în du Traité de l'Abnégation intérieure, où le pieux cardinal traite de l'abnégation par rapport aux biens spirituels. Dans les §§. v et vi de ce chapitre, l'auteur parle des ames arrivées à l'état de perfection appelé par les Mystiques Etat passif, dans lequel une ame est habituellement conduite par une inspiration ou une grâce spéciale, qui la porte aux actes essentiels du christianisme, et généralement à tous les actes de perfection que Dieu lui demande, en sorte qu'elle n'a plus ordinairement besoin de s'y exciter par les moyens ordinaires, mais qu'il lui suffit de suivre paisiblement l'inspiration qui la conduit. Dans le §. VII, auquel Fénélon souscrivit, l'auteur, pour prévenir l'abus qu'on pourroit faire de cette doctrine, observe qu'il y a très-peu d'ames qui arrivent à l'état de perfection dont il vient de parler, et que personne ne doit se comporter comme y étant arrivé, sans avoir pris l'avis d'un directeur expérimenté. (Edit. de Vers.)

elle-même, en ses actes et vertus; et d'autre part à ce qu'elle satisfasse à l'avis donné par Jésus-Christ en la parabole des invités aux noces, en ne s'élevant en un lieu plus haut que ne mérite sa condition, avant que Dieu l'y appelle et invite; comme il advient en premier lieu à ceux qui se veulent élever par-dessus leurs opérations avant que Dieu les attire suffisamment ; et en second lieu à ceux qui veulent même se priver de cette activité de la partie suprême, avant que leur disposition et l'efficace de la grâce le requièrent; et en troisième lieu à ceux qui veulent se perpétuer en l'un ou en l'autre de ces degrés sans rentrer en eux-mêmes, après que l'infusion divine est ces ée; car il ne suffit de ne monter en ces degrés de soi-même, ains par la grâce de Dieu : mais aussi après que Dieu nous a élevés, il ne faut s'y tenir et y persévérer de soi-même, ains pour l'ordinaire retourner à l'usage de nos fonctions sitôt que la liberté nous en est rendue et de rechef s'en dépouiller quand Dieu survient avec nouvelle intraction, conservant ainsi la vie de l'esprit par un perpétuel flux et reflux de notre ame par ses infusions, jusques à ce qu'il lui plaise disposer l'ame à une telle perfection de vertu et d'élévation intérieure, qu'il en ait pris totale possession à perpétuité, sans remise et relâche quelconque, et sans jamais plus lui rendre la faculté d'agir par elle-même, qui est un moyen par lequel elle peut conjecturer ce que Dieu demande d'elle en ce point. Mais d'autant que cette grâce est très rare et particulière, et ne se donne qu'après de très-grandes habitudes de vertu, et que ce seroit un abus très - dangereux, que de présumer

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faussement de l'avoir; il me sembleroit bon que l'ame observât telle exaction en ceci, que d'elle-même elle se contînt fort longuement en la mortification des passions et exercice de vertu, tant qu'elle pourroit; et que jamais elle ne présumât de se comporter comme si elle avoit acquis cette grâce, qu'après qu'un trèsexpérimenté directeur lui en auroit donné conseil.

Je déclare, comme si j'allois mourir dans ce moment, que je n'ai jamais cru ni ne veux croire rien, sur les voies intérieures, au-delà du sens précis de ces paroles de M. le cardinal de Bérulle; j'en fais comme ma profession de foi sur ces matières. J'ajoute que, quoiqu'il me paroisse que cette doctrine est celle de saint Jean de la Croix et de saint François de Sales, je suis prêt à la condamner si on l'exige de moi. A Versailles, 8 février 1695.

FR. DE FÉNÉLON, n. archev. de Cambrai.

ARTICLES

SUR LES ÉTATS D'ORAISON.

I.

Tour chrétien en tout état, quoique non à tout moment, est obligé de conserver l'exercice de la foi, de l'espérance et de la charité, et d'en produire des actes comme de trois vertus distinguées.

II.

Tout chrétien est obligé d'avoir la foi explicite en Dieu tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, rémunérateur de ceux qui le cherchent, et en ses autres attributs également révélés; et à faire des actes de cette foi en tout état, quoique non à tout moment.

III.

Tout chrétien est pareillement obligé à la foi explicite en Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, et à faire des actes de cette foi en tout état, quoique non à tout

moment.

IV.

Tout chrétien est de même obligé à la foi explicite en Jésus-Christ Dieu et homme, comme médiateur, sans lequel on ne peut approcher de Dieu, et à faire des actes de cette foi en tout état, quoique non à tout moment.

V.

Tout chrétien en tout état, quoique non à tout moment, est obligé de vouloir, désirer et demander explicitement son salut éternel, comme chose que Dieu veut, et qu'il veut que nous voulions pour sa gloire.

VI.

Dieu veut que tout chrétien en tout état, quoique non à tout moment, lui demande expressément la rémission de ses péchés, la grâce de n'en plus commettre, la persévérance dans le bien, l'augmentation des vertus, et toute autre chose requise pour le salut éternel.

VII.

En tout état le chrétien a la concupiscence à combattre, quoique non toujours également ; ce qui l'oblige en tout état, quoique non à tout moment, à demander force contre les tentations.

VIII.

Toutes ces propositions sont de la foi catholique, expressément contenues dans le Symbole des apôtres et dans l'Oraison dominicale, qui est la prière commune et journalière de tous les enfans de Dieu (*): ou même expressément définies par l'Eglise, comme celle de la demande de la rémission des péchés et du don de persévérance, et celle du combat de la convoitise

(*) Qui est la prière commune et journalière de tous les enfans de Dieu. Ces mots ne sont point dans le projet proposé par Bossuet. (Edit. de Vers.)

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