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sans cesser jamais de désirer le salut avec toute l'étendue des promesses, pendant qu'il approuve qu'on sorte de tous ses intérêts humains et divins,..... nonseulement dans le temps, mais encore dans l'éternité. M. de Meaux, qui n'a pas voulu approuver une impiété manifeste, a donc reconnu la différence qu'il y a entre l'intérêt propre, même divin..... pour l'éternité, et le salut éternel que Dieu nous promet et veut que nous espérions. Pourquoi combat-il dans son confrère une distinction qu'il a lui-même reconnue solide et constante dans le Père Surin?

>>

Quand M. l'archevêque de Paris a approuvé la Vie du F. Laurent faite par son grand - vicaire et dans sa propre maison, il a approuvé qu'on dît que ce frère « s'oublioit et vouloit bien se perdre pour Dieu,.... qu'il ne pensoit plus ni à la vertu ni à » son salut,.... qu'il s'étoit toujours gouverné par >> amour sans intérêt (1). » Si l'intérêt est essentiel à l'espérance, ces paroles signifioient qu'il s'étoit toujours gouverné sans espérance. Ne falloit-il pas condamner ce désespoir au lieu de l'approuver? falloitil en recommander la lecture à toutes les personnes qui désirent acquérir une véritable piété (2), comme celle d'un livre qui les y aidera très-utilement? Falloit-il proposer pour modèle de perfection, le Frère Laurent qui souhaitoit « de cacher à Dieu ce qu'il » faisoit pour lui, afin que n'en recevant point de ré» compense, il eût le plaisir de faire quelque chose » purement pour Dieu (3). » Voilà les exclusions les plus absolues du propre.intérêt. Elles ne regardent point par simple abstraction un acte passager. C'est

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un état d'environ quarante ans. Ce prélat n'a pas pris alors l'exclusion absolue et constante de l'intérêt pour celle du salut et de l'espérance chrétienne. Il a autorisé la différence réelle de ces deux choses. Je n'ai fait que suivre ce qu'il a approuvé après tant de saints. Et ce que ces auteurs disent de l'intérêt, sans y ajouter aucun correctif, je ne l'ai dit que du seul intérêt propre, c'est-à-dire de la propriété, qui est unanimement rejetée comme une imperfection par tous les saints contemplatifs des derniers siècles. Pourquoi m'en faire un crime? Pourquoi confondre dans mon seul livre l'intérêt propre avec le salut, pour m'imputer le plus impie désespoir?

Pourvu qu'on veuille entendre par intérêt propre.. et par motif intéressé dans mon livre une affection naturelle et imparfaite pour les dons promis, comme on l'a entendu dans les auteurs qu'on a approuvés, toutes les difficultés, qui ne naissent que des équivoques sur l'intérêt, s'évanouissent. Selon les Pères et les autres saints il y a des justes qui sont encore mercenaires. Il y en a d'autres plus parfaits qui n'ont plus cette mercenarité et qui sont purement enfans (1). Cette mercenarité, que les Pères retranchent dans les parfaits, est l'intérêt propre, que je retranche aussi en eux. Voyez les passages cités dans ma lettre pastorale (2).

XIII.

DÉCLAR. C'est pourquoi on dit en général que tout motif intéressé est exclu de toutes les vertus des

(1) Voyez l'Explic. des Max. art. 11, p. 23. (2) Ci-dessus, p. 225

et suiv.

ames parfaites; ce qu'on attribue même à saint François de Sales, sans en citer aucun passage, et même contre beaucoup de ses livres.

REP. Saint François de Sales ne parle pas d'ordinaire de l'intérêt propre ou du motif intéressé, parce qu'il disoit, suivant l'usage de son temps, que l'amour étoit pur et net, pour exprimer qu'il étoit désintéressé. Il a néanmoins voulu, en termes absolus, que l'ame ne puisse jamais souffrir aucun mélange du propre intérêt dans l'état de simplicité (1). D'ailleurs toutes ces exclusions sont si absolues et si fréquentes, qu'on ne peut les sauver, qu'en les faisant tomber sur cette affection imparfaite et mercenaire que j'exclus. Les seuls passages cités par M. de Meaux (2) suffisent pour montrer dans les ouvrages de ce grand saint la doctrine de l'amour désintéressé; on n'a qu'à lire ceux que j'ai cités dans ma lettre pastorale (3) pour prouver le désintéressement de l'amour sur le mérite, la perfection et la béatitude. Je donnerai aussi s'il le faut un recueil des passages de ce saint avec une analyse de sa doctrine. Le lecteur sera étonné de la contestation qu'on me fait.

XIV.

DÉCLAR. On peut rapporter aussi au même chef ce qui est dit, que nous voulons Dieu en tant qu'il est notre bien, notre félicité, notre récompense, et même sous cette raison précise, mais non à cause de cette raison précise, que l'objet formel de l'espérance est notre intérêt, savoir Dieu en tant que bon (1) Entret. XII, p. 96. (1) Instr. sur les Etats d'orais. Voyez son 1x liv. — (3) Ci-dessus, p. 212 et suiv.

pour nous, et que le motif n'est pourtant pas intéressé. Ce qui est dire des choses contradictoires, faire un motif qui n'est pas motif, et anéantir l'espérance, qui n'ayant aucune vertu pour exciter l'ame, n'a plus que le nom de cette vertu. Par ces choses et autres, on laisse le nom en détruisant la chose, et on élude ce qui est de la foi, savoir qu'il faut en tout état conserver l'exercice de l'espérance, comme nous l'avons dit dans notre premier et dans notre trente-unième des xxxiv Articles.

RÉP. Les prélats ont pris soin de mettre dans leur version de mes paroles une contradiction apparente, en opposant dans la même ligne raison précise à raison précise. Mais mon livre ne fait point en cet endroit cette opposition des mêmes termes : il la fait seulement entre l'objet formel et le motif, que j'explique aussitôt après. Selon moi, l'objet formel est l'objet extérieur considéré sous l'idée précise de la bonté qui le rend désirable. Selon moi, le motif est le principe intérieur d'amour, qui me détermine à désirer la bonté de cet objet. Je dis que l'objet est mon intérêt, en prenant l'intérêt dans le sens d'un avantage et d'une convenance. Je dis que le motif n'est pas intéressé, parce que je ne cherche point mon avantage par un amour naturel de moi-même, qui me rendroit mercenaire ou intéressé, mais par le principe de grâce, qui fait que je m'aime en Dieu et pour lui plaire; ainsi ces termes, sous cette précision, peuvent être opposés à ces autres, par ce motif précis. Les prélats pouvoient me faire la grâce de croire que j'aurois aperçu la plus grossière de toutes

les contradictions renfermée dans une seule ligne. Mais il est évident, par les deux lignes qui suivent immédiatement l'endroit qu'ils attaquent, que le motif précis, que j'exclus, est le motif intéressé, qui est toujours selon moi le principe d'amour naturel de nous-mêmes. Car je dis l'objet est mon intérêt, mais le motif n'est point intéressé : ainsi il n'y a point de contradiction. Je veux mon bien en tant qu'il est mon bien, mais non par amour naturel et délibéré pour moi. Quand on accuse en matière si importante son confrère de se contredire certis clarisque ac ipsissimis verbis, en ajoutant, non erroris excusatio, sed probatio est, il faudroit au moins ne pas changer ses paroles. Je dois déclarer que j'ai eu aussi en vue dans cet endroit de mon livre un autre point de doc trine qui est dans notre x1 Article d'Issy, et que j'ai toujours marqué sans aucune variation, tant dans ma lettre au Pape, que dans un éclaircissement que je donnai à M. l'évêque de Chartres, et ailleurs. C'est que dans la vie et l'oraison la plus parfaite tous les >> actes essentiels au christianisme sont unis dans la » seule charité, en tant qu'elle anime toutes les vertus >> et en commande l'exercice, selon ce que dit saint » Paul: La charité souffre tout, elle croit tout, elle » espère tout, elle soutient tout. » Cette union de toutes les vertus dans la seule charité, emporte, par le terme de seule, une négation exclusive de tout acte des vertus que la charité ne commanderoit pas. J'ai tempéré dans mon livre cette exclusion qui est absolue dans nos xxxiv Articles, en déclarant que cet état de vie parfaite et d'union des vertus dans la seule charité n'est pas invariable.

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