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ils le prétendent, de la confession des péchés véniels, mais seulement de l'obligation précise de cette confession. Elles doivent même, dans la discipline présente, confesser, etc. Où est-ce que ces prélats ont trouvé qu'il faille attribuer à la discipline ancienne l'obligation précise de confesser les péchés véniels? Pour moi je n'en trouve aucune obligation précise et rigoureuse, même dans la discipline des derniers siècles, que par le commandement de l'Eglise qui engage ses enfans à se confesser au moins une fois chaque année. Les ames qui pendant une année entière n'ont point commis de péché mortel, sont dans ce cas obligées à se confesser de leurs péchés véniels. Voilà ce qui m'a fait dire que ces ames peuvent utilement et doivent même, dans la discipline présente, confesser leurs fautes vénielles, etc. Elles le doivent au moins une fois l'an, elles le peuvent utilement dans tous les autres temps convenables. Elles scandaliseroient les autres, et se priveroient témérairement d'un grand bien si elles y manquoient. Les prélats ont donc pris la confession en général pour l'obligation précise de se confesser, et ils m'imputent la négation exclusive seulement, tantùm, dont il n'y a aucune trace dans mon livre.

XXVIII.

DÉCLAR. Ce livre contredit ouvertement nos Articles vii et viii tirés des conciles, quand il représente dans un très-petit nombre d'ames la concupiscence parfaitement purifiée, ses effets sensibles suspendus, et la chair déjà entièrement soumise à l'esprit.

RÉP. J'ai dit, il est vrai, « qu'il ne faut supposer

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» ces épreuves extrêmes que dans un très-petit » nombre d'ames très-pures et très-mortifiées, en qui » la chair est depuis long-temps soumise à l'esprit, » et qui ont pratiqué solidement toutes les vertus évangéliques (1). » J'ajoute bientôt après, « qu'il y >> a très-peu d'ames qui soient arrivées à cette per» fection, où il n'y a plus à purifier que les restes d'in»térêt propre mêlés avec l'amour divin (2). » On veut conclure de là que j'ai voulu insinuer qu'il y a des ames si parfaites qu'elles n'ont plus de concupiscence; mais je demande si ceux qui soumettent leur concupiscence depuis long-temps n'ont point eu pendant ce temps de concupiscence à soumettre? Leur concupiscence n'est soumise qu'à cause qu'ils ont la fidélité de la soumettre et d'en réprimer les moindres soulèvemens dans leur naissance. Quand un prince tient dans la soumission une nation ennemie dont il a conquis les provinces, s'ensuit-il de là que cette nation n'a plus aucune inclination à secouer le joug? Nullement. Mais c'est que la vigilance, la sagesse et l'autorité du prince ne laissent aucune occasion à ce peuple de se soulever. Tout de même, selon moi, la chair n'est entièrement soumise à l'esprit dans ces ames très-pures, malgré son inclination à la révolte, qu'à cause que ces ames sont très-mortifiées, c'est-à-dire, très-fidèles à mortifier la chair. Il est vrai que « les effets sensibles de la concupiscence » peuvent être suspendus ou ralentis par la grâce » médicinale (3) » dans ces ames. Saint Augustin parlant des ames pacifiques n'a-t-il pas dit qu'elles (1) Art. vIII vrai, p. 76. -- (2) Ibid. p. 78. (3) Art. xxxvii vrai, P. 238.

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>> arrangent tous leurs mouvemens et les règlent >> par la raison : omnes animi sui motus componen» tes et subjicientes rationi? » Ne dit-il pas «< qu'elles >> tiennent toutes les concupiscences de la chair » domptées : carnalesque concupiscentias habentes » edomitas (1)? » Ne dit-il pas que «< tout est réglé en » elles: in quo ita ordinata sunt omnia? » Ne dit-il pas que «< la raison y commande, et que rien ne lui » résiste hoc imperet, cæteris non reluctantibus ? » Telle est, dit-il, la paix donnée sur la terre aux » hommes de bonne volonté. Telle est la vie du sage parfait et consommé. » Ce Père a-t-il voulu nier la résistance de la concupiscence? a-t-il voulu qu'elle fût éteinte dans les parfaits? Personne n'a été plus opposé que lui à cette doctrine. Pour moi, je n'ai pas même dit comme lui absolument que rien ne résiste plus cæteris non reluctantibus. Saint Bonaventure a parlé d'une manière incomparablement plus forte que moi, quand il a dit de saint François d'Assise (2): <«< La langueur ou la paresse n'ont plus de lieu dans » les ames que l'aiguillon de l'amour presse toujours » pour les plus grandes choses. Il y avoit en lui une » si grande concorde de la chair avec l'esprit, et une » telle promptitude dans l'obéissance de l'une à » l'autre, que quand l'esprit tâchoit d'atteindre à la » plus haute sainteté, la chair non-seulement ne ré>>sistoit point, mais encore tâchoit de prévenir l'es» prit. Neque enim languor vel desidia locum habet, » ubi amoris stimulus semper ad majora perurget. » Tanta autem in eo carnis ad spiritum erat con

(1) De serm. Domini in monte, lib. 1, cap. 1 et ill, n. 9, 10: tom. II, part. 11, p. 167. — (2) Vita B. Franc. cap. xiv.

»cordia, tanta obedientiæ promptitudo, quòd cùm » ille niteretur ad omnem sanctitatem pertingere, » ipsa non solùm non repugnaret, sed et præcurrere

» niteretur. »

Pour moi j'ai dit que ces ames ont le fond de la concupiscence. J'ai ajouté, qu'elles « peuvent pécher >> mortellement et s'égarer d'une manière terrible, >> qu'elles commettent même des péchés véniels, pour lesquels elles disent chaque jour unanimement avec >> toute l'Eglise: Remettez-nous nos offenses, etc. (1) »

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J'ai dit encore ailleurs : « Cette ame n'a pas l'in» tégrité originelle, parce qu'elle n'est exempte ni » des fautes quotidiennes, ni de la concupiscence,

qui sont incompatibles avec cette intégrité (2). » J'ai dit au même endroit que « la concupiscence qui >> demeure toujours en cette vie n'est point incom»patible avec l'entière pureté, puisqu'elle n'est point » un péché, ni une souillure de l'ame (3). » Enfin je dis: Ces ames « sont dans une pureté entière, c'est» à-dire, sans aucune souillure de péché, excepté » les péchés quotidiens, que l'exercice de l'amour » peut effacer aussitôt. » Par-là il est aisé d'entendre comment ces ames n'ont plus rien à purifier que les restes d'intérêt propre. L'amour peut effacer aussitôt les péchés quotidiens. Alors l'épreuve ne trouve plus à purifier que les restes d'amour naturel ou intérêt propre. La concupiscence n'est pas une impureté ou une souillure, c'est-à-dire un péché. Quand Jésus-Christ dit que rien de souillé n'entrera au royaume du ciel, il parle de l'état des ames dans le moment où elles vont sortir de cette vie. Alors elles

(1) Art. xxxvii, p. 238. — (2) Art. XL1 vrai, p. 254. — (3) P. 255.

ont la concupiscence, et la concupiscence qu'elles ont jusqu'à ce moment ne les empêche point d'entrer au royaume du ciel, si elles sont d'ailleurs purifiées de tout péché. La concupiscence n'est donc qu'une foiblesse de l'ame, une diminution de l'homme, une privation de son intégrité primitive. Une ame peut donc, sans cesser de ressentir la concupiscence, être si parfaite qu'il n'y aura plus à purifier en elle, que les restes d'intérêt propre, excepté les péchés quotidiens que l'exercice de l'amour peut effacer aussitôt. Quand le fond de la concupiscence demeure, et que les effets sensibles ne sont que suspendus ou ralentis avec une incertitude continuelle si ces effets sensibles reviendront tout-à-coup; quand cette suspension ou ralentissement des effets sensibles n'empêche pas les péchés quotidiens, peut-on dire de la concupiscence que la concupiscence est parfaitement purifiée; perfectè purgata?

Pour juger combien je suis éloigné de vouloir diminuer dans l'homme la crainte de la concupiscence, la défiance de lui-même, et la vigilance contre ses passions, on n'a qu'à lire mes paroles. J'ai condamné, dans l'Article faux, celles-ci : « La concupiscence est » éteinte en elle, ou bien elle y est dans une suspen» sion si insensible qu'on ne doit plus croire qu'elle » puisse se réveiller tout-à-coup (1).»

Voici la condamnation de cette doctrine : « Parler >> ainsi c'est induire les ames dans la tentation; c'est » les remplir d'un orgueil funeste; c'est enseigner la >> doctrine des démons; c'est oublier que la concu>>piscence est toujours ou agissante, ou ralentie, ou (1) Art. xxxvII, p. 237.

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