Page images
PDF
EPUB

rête qu'à «< l'idée purement intellectuelle et abstraite » de l'être qui est sans bornes et sans restriction,» alors elle est négative. Mais quand elle admet les autres objets que la pure foi nous peut présenter, (et selon mon livre elle les peut admettre tous) alors elle n'est point négative, quoiqu'elle soit toujours pure et directe. M. de Meaux reconnoît que la contemplation ne s'occupe quelquefois, comme je l'ai dit, que de l'idée purement intellectuelle et abstraite de l'étre qui est sans bornes et sans restriction. Voici comme il s'explique sur ce sujet (1): « On fait ici » une objection qu'il ne faut pas dissimuler. C'est » que les Scolastiques demeurent d'accord que la » plus parfaite contemplation de la nature divine est » celle où on la regarde selon les notions les moins » resserrées, comme celles d'être, de vérité, de » bonté, de perfection; tant à cause que ces notions » sont en effet celles qui sont les plus pures, les plus » intellectuelles, les plus abstraites, les plus élevées » au-dessus de ces images corporelles que l'Ecole >> appelle fantômes; qu'à cause aussi que par leur » universalité elles font en quelque façon mieux en» tendre l'universelle perfection de Dieu dans toute » son étendue, que ne font les idées plus particu» lières et plus restreintes de juste, de sage, de saint. » C'est l'excellente doctrine de Scot et de Suarez; et j'avoue que dans ces idées Dieu est l'être même. » Dieu est la bonté, ou, comme il parle à Moïse, il >> est tout le bien. On lui attribue davantage d'une » certaine manière les perfections infinies qui sont >> comprises confusément et universellement dans ces (1) Instr. sur les Etats d'orais. liv. 11, n. 16: tom. xxvII, p. 97.

>> notions abstraites. Par où aussi on excite plus cette >> admiration, cet étonnement, ce silence par où » commence la contemplation, et qui fait dire à Da» vid: 0 Seigneur, notre Seigneur! que votre nom » est admirable dans toute la terre; et encore: Le » silence est votre louange. » Cette contemplation, selon M. de Meaux, est une contemplation de la nature divine,.... où on la regarde selon les notions les moins resserrées, comme celle d'étre, de vérité, de bonté, de perfection; donc cette contemplation ne regarde pas l'humanité de Jésus-Christ. Ce prélat dit encore, que les notions abstraites qui sont l'objet de cette contemplation font en quelque façon mieux entendre l'universelle perfection de Dieu dans son étendue, que ne font les idées plus particulières et plus restreintes de juste, de sage, de saint: donc la vue particulière de la justice, de la sagesse et de la bonté de Dieu, et par conséquent de ses attributs ne sont point l'objet de cette espèce de contemplation. Aussi M. de Meaux dit, que dans cette contemplation les perfections infinies, c'est-à-dire les attributs, sont comprises confusément et universellement dans ces notions abstraites qui sont les seuls objets de la contemplation dont il s'agit ici, qui est celle que je nomme négative après saint Denis et tant d'auteurs spirituels, et que M. de Meaux nomme la plus parfaite contemplation de la nature divine. Il dit que cette doctrine est excellente. C'est l'excellente doctrine de Scot et de Suarez. Les deux autres prélats ont approuvé le livre de M. de Meaux. Cette doctrine est donc reconnue excellente par les trois auteurs de la Déclaration.

Si on les accusoit d'enseigner que la contemplation ne s'occupe point, comme ils le disent contre moi, des autres objets, c'est-à-dire des attributs, des personnes divines, et de l'humanité même de JésusChrist, parce qu'ils autorisent une contemplation de la nature divine,.... où on la regarde selon les notions les moins resserrées, comme celles d'étre, de vérité, etc. ils répondroient : Nous ne parlons point de la contemplation dans toute son étendue, mais seulement d'un exercice particulier de la contemplation qui a pour objet les idées les plus abstraites de la divinité et les plus universelles. Mais, outre cet exercice particulier de la contemplation, elle en a d'autres où elle s'occupe de la vue distincte des attributs, et des idées plus particulières et plus restreintes de juste, de sage, de saint. Dans ces autres exercices, elle s'occupe aussi des personnes divines, de l'humanité de Jésus-Christ et de tous les objets que la foi nous présente. Cette réponse seroit sans doute décisive; mais la justice demande qu'ils la reçoivent de moi pour répondre à la même accusation qu'ils me font, puisque dans l'Article xxvIF® de mon livre, dont il s'agit ici, je ne réduis la contemplation pure et directe à s'occuper de l'idée purement intellectuelle et abstraite de l'étre qui est sans bornes et sans restriction, que quand elle est négative, c'est-à-dire, quand elle est cet exercice particulier dont parle M. de Meaux. Mais je dis, dans cet Article, que la même nature de contemplation, pure et directe, peut avoir pour objets distincts lous les attributs de Dieu.... C'est ce que M. de Meaux appelle les idées plus particulières et plus restreintes

de juste, de sage, de saint. J'y enseigne que cette simplicité d'idée n'empêche pas que l'ame contemplative ne contemple encore distinctement les trois personnes divines (1);... enfin que cette simplicité n'exclut point la vue distincte de l'humanité de Jésus-Christ et de tous les mystères, parce que la pure contemplation (c'est-à-dire la plus parfaite) admet d'autres idées avec celles de la divinité; elle admet tous les objets que la pure foi nous peut présenter, Quand cette contemplation ne s'occupe que de l'idée purement intellectuelle et abstraite de l'étre qui est sans bornes et sans restriction, alors on la nomme négative. Quand elle s'occupe de tous les autres objets que la pure foi nous peut présenter, elle est toujours la même contemplation pure et directe, parce que la manière d'opérer est la même, mais on ne la nomme plus négative.

XXXII.

DÉCLAR. Que la contemplation ne s'occupe point de l'humanité même de Jésus-Christ par son propre choix, mais seulement quand Dieu la lui présente ; et qu'elle ne s'en occupe que par l'inspiration et par l'impression d'une grâce singulière ; parce que l'ame ne s'occupe point volontairement de ces objets : comme s'il ne suffisoit pas, pour s'en occuper, que la chose soit bonne par elle-même, que l'Ecriture nous y invite, et que la volonté y tende par son propre choix suivant une grâce commune.

REP. Quand on fait une si horrible accusation, (1) Art. xxvII, pag. 188.

il faut rapporter les pároles formelles d'un auteur. Où est-ce que j'ai dit que l'ame contemplative, dans l'actuelle contemplation, ne s'occupoit point de Jésus-Christ par son propre choix? L'ai-je dit, et doit-on me le faire dire quand je ne l'ai dit nulle part?

[ocr errors]

J'ai dit seulement que la contemplation négative << ne s'occupe volontairement d'aucune image sen»sible (1). » Mais ai-je dit de toute contemplation qu'elle ne s'occupe jamais volontairement de l'humanité de Jésus-Christ? J'ai dit au contraire que « la simplicité de la contemplation n'exclut point la vue » distincte de l'humanité de Jésus-Christ et de tous » ses mystères, parce que la pure contemplation ad» met d'autres idées avec celles de la divinité (2). » Si j'ai exclu sur les choses divines les images sensibles, j'explique aussitôt que cette exclusion consiste en ce que l'ame «< ne considère plus les mystères de Jésus» Christ par un travail méthodique et sensible de » l'imagination, pour s'en imprimer des traces dans » le cerveau, et pour s'en attendrir avec consolation; » qu'elle ne s'en occupe plus par une opération dis>> cursive et par un raisonnement suivi, pour tirer » des conclusions de chaque mystère. Mais elle voit » d'une vue simple et amoureuse tous ces divers ob>> jets comme certifiés et rendus présens par la pure » foi. Ainsi l'ame peut exercer dans la plus haute >>> contemplation les actes de la foi la plus expli» cite (3). » Voilà la plus haute contemplation, où l'ame voit Jésus-Christ et ses mystères d'une manière

(1) Art. xxvII, p. 186. (2) Ibid. p. 188. (3) Ibid. p. 189

et 190.

« PreviousContinue »