le cinquième état, qui est celui des parfaits. « L'a>> mour pour Dieu seul considéré en lui-même sans » aucun mélange de motif intéressé ni de crainte ni » d'espérance, est le pur amour, ou la parfaite cha» rité (1).» Le plus pur amour n'est donc rien dans mon livre au-dessus de la charité commune même aux imparfaits. Il est vrai seulement que les actes de charité, sans sortir jamais de leur espèce, sont plus fréquens et à un plus haut degré dans les parfaits que dans les imparfaits. Le cinquième état d'amour dans mon livre n'est distingué du quatrième qu'en deux choses. La première, que les parfaits, dans le cinquième état, ne font plus d'ordinaire des actes délibérés d'amour naturel d'euxmêmes, en quoi consiste l'intérêt propre ou mercenarité. La seconde, que tous les actes des vertus sont alors «< unis dans la seule charité, en tant qu'elle » les anime, et qu'elle en commande l'exercice. >> Ainsi dès qu'on a posé le fondement de la charité, telle qu'elle est définie par presque toute l'Ecole, je n'ai plus besoin, pour rendre mon systême complet, que d'exclure l'amour naturel et délibéré, qui fait l'intérêt propre ou mercenarité, tant de fois exclu par les Pères, et de réunir les actes de toutes les vertus dans la seule charité en tant qu'elle en commande les actes pour la vie la plus parfaite, selon notre XIII Article d'Issy. M. de Meaux, qui entendoit par le terme de charité l'amour de la béatitude en Dieu, donnoit à ce XIIIe Article d'Issy un sens bien différent du mien. Il vouloit seulement dire que l'amour de la béatitude est le motif principal de tout acte vertueux que la (1) Explic. des Max. p. 15. raison peut produire. Pour moi, en m'attachant à la définition de la charité enseignée par presque toute l'Ecole, je concluois que les actes de toutes les vertus et de l'espérance en particulier étant d'ordinaire unis dans la seule charité, qui est l'amour de Dieu en lui-même indépendamment de la béatitude, ils étoient élevés et perfectionnés par elle, en sorte qu'ils passoient dans son espèce, et prenoient son espèce sans perdre la leur propre, comme saint Thomas l'assure (1). D'où je concluois qu'en cette vie la plus parfaite, toutes les vertus étoient l'exercice du pur amour, non-seulement par l'exclusion de l'intérêt propre ou mercenarité, qui est un amour naturel, mais encore en ce que les actes moins parfaits des autres vertus, sans perdre leur propre spécification, étoient perfectionnés et élevés à l'espèce de la charité par la charité même qui les commandoit. Dès qu'on veut réduire toute la vie intérieure et la charité même à l'amour de la béatitude, ce fondement de tout mon systême est renversé. Mais si au contraire on admet la définition de la charité enscignée par presque toute l'Ecole, mon systême n'a plus besoin que de notre xin Article d'Issy. Si cette vie la plus parfaite exclut les actes surnaturels des vertus qui ne seroient pas commandés par la charité, à combien plus forte raison doit-elle exclure les actes délibérés d'un amour naturel de nous-mêmes. J'ai donc eu raison de défendre la notion commune de la charité ouvertement attaquée par M. de Meaux; puisqu'il ne pourroit la renverser sans détruire tout mon systême, et qu'il ne peut l'admettre (1) III. Part. quæst. LXXXV, art. 11, ad 1. 2. 2. quæst. CLIV, art, x. sans me laisser aussitôt trouver tout mon systême dans notre XIII Article d'Issy. Je ne me joue donc point des théologiens; c'est M. de Meaux qui voudroit leur faire perdre de vue tous les efforts que nous allons voir qu'il fait pour saper leur doctrine par les fondemens. II. OBJECT. M. de Meaux dit que je me plains de ce qu'il rend la charité intéressée ou mercenaire, et que c'est moi qui tombe dans l'inconvénient que je lui reproche, puisque je dis dans mon livre que l'amour du quatrième état est la charité, et que j'appelle néanmoins cet amour intéressé ou mercenaire. REP. Presque toute l'Ecole enseigne que l'espérance est intéressée et moins parfaite que la charité, précisément à cause qu'elle désire Dieu pour soi en tant que béatifiant, et comme sa béatitude ou récompense (1). Or est-il que M. de Meaux veut que la charité désire Dieu en tant que béatifiant pour nous, et qu'il ne soit pas possible à la charité de se désintéresser à l'égard de la béatitude (2). Donc la charité de M. de Meaux est aussi intéressée que l'espérance de presque toute l'Ecole. Donc la charité, qui selon saint Paul est plus grande que les deux autres vertus théologales, n'est point selon M. de Meaux plus parfaite que l'espérance de presque toute l'Ecole; et l'amour parfait, selon ce prélat, (2) Instr. sur les Etats d'orais. (1) Summ. doctr. cité plus haut. déjà cité. n'a rien au-dessus de l'amour, que presque toute l'Ecole croit insuffisant, quand il est seul, pour justifier. J'ai donc eu raison de me plaindre que ce prélat dégrade la charité. Pour moi, je ne tombe point dans l'inconvénient que je lui reproche. Mon quatrième amour est évidemment, non un seul acte passager, mais un état habituel qui comprend l'exercice distinct de toutes les vertus. J'ai dit de ce quatrième amour, en le définissant: « On nomme cet état un état » de charité (1). » Rien n'est plus formel et plus décisif que ces paroles de mon livre. Cet état d'amour est celui des justes imparfaits, que les Pères ont nommés mercenaires. J'ai traduit le terme de mercenaire par celui d'intéressé, et le mot de mercenarité par celui d'intérêt propre. Les trois prélats ont tous de même pris ces termes, d'intérêt et de mercenarité, dans leur Déclaration précisément comme synonymes, en traduisant mon livre. N'ai-je pas dû conclure, dans un tel langage et sur l'autorité des Pères, qu'il y a des justes qui sont encore intéressés ou mercenaires, et d'autres qui ne le sont plus? Les Pères ont dit que certains mercenaires étoient sauvés, et méritoient la récompense; d'où j'ai conclu qu'ils avoient la charité, avec un reste de mercenarité qui les faisoit nommer mercenaires. Mais quand est-ce que j'ai dit que leur mercenarité ou intérêt propre se trouvoit dans leurs actes de cha-. rité? Je supplie M. de Meaux de rapporter meş propres paroles. Il n'en trouvera aucune qui prouve ce qu'il m'impute. J'ai mis seulement cette imper(1) Max. Expos. p. 8. fection dans leur état d'amour; car j'ai dit : « On » nomme cet état un état de charité. » On ne trouvera nulle part que je l'aie mise dans les actes surnaturels. La charité des imparfaits est toujours, selon moi, toute pure et sans mélange dans ses actes. Elle est toujours «un amour de Dieu en lui-même, » un amour absolu et indépendant de tout rap»port à nous, et par conséquent du motif de notre » béatitude.» Je n'ai pensé que comme les Pères, et je n'ai parlé que comme eux sur la mercenarité, qui reste dans l'état des justes imparfaits, quoique leurs actes de charité soient très-purs. III. OBJECT. M. de Meaux m'accuse de n'entendre pas même la définition, dont je veux me servir. Les théologiens, dit-il (1), enseignent que la charité s'attache à Dieu considéré en lui-même sans aucun rapport à nous; en sorte que, comme ils disent, cela se rapporte uniquement à l'objet spécifique, et qu'ils reconnoissent néanmoins unanimement que les bienfaits de Dieu qui nous regardent, fournissent, pour aimer de plus en plus cette bonté infinie, des attraits secondaires à la vérité, mais néanmoins très-puissans, et une source d'amour inépuisable. RÉP. Qu'est-ce que je n'entends point dans la définition de la charité? Afin que je l'entende mieux, je supplie M. de Meaux d'avoir la bonté de s'expliquer en termes précis. 11 dit qu'elle à des attraits (1) Summ. etc. p. 308. |