Page images
PDF
EPUB

sur toute autre considération, il est certain que les écrits apologétiques de Fénélon suffisent pour apprendre à un lecteur attentif tout le sujet de la contestation. D'ailleurs, pour suppléer en quelque manière au livre des Maximes, nous donnerons immédiatement après notre Avertissement, l'Analyse raisonnée de cet ouvrage, et de toute la controverse du Quiétisme. Cette Analyse, en même temps qu'elle servira d'introduction à la lecture des nombreux écrits de Fénélon sur cette matière, nous dispensera d'entrer sur chacun d'eux en particulier dans des détails qui nous meneroient beaucoup trop loin, et qui nous obligeroient souvent à des répétitions ennuyeuses.

Voici la liste de ces ouvrages, que nous plaçons, autant qu'il est possible, selon l'ordre chronologique de leur première publication, en ayant soin néanmoins d'en rapprocher quelques-uns qui s'expliquent et se soutiennent mutuellement.

I. Diverses Pièces relatives aux conférences d'Issy, savoir:

1o Déclaration signée par M. l'abbé de Fénélon, le 22 juin 1694.

2o Mémoire adressé à M. l'évêque de Châlons, pendant les conférences d'Issy.

30 Acte d'adhésion à la doctrine du cardinal de Bérulle sur l'état passif.

4o Articles arrêtés à Issy, le 10 mars 1695. 50 Projet d'addition sur l'état passif.

L'objet des conférences d'Issy, ainsi nommées

FÉN. IV.

*

a.

parce qu'elles furent tenues à Issy, dans la maison de campagne du séminaire de Saint-Sulpice, fut, comme on sait, l'examen de la doctrine et des écrits de madame Guyon, qui excitoient déjà depuis quelque temps l'attention des supérieurs ecclésiastiques (1). Impatiente des contradictions qu'elle éprouvoit, et de la rigueur avec laquelle on pesoit toutes ses expressions, madame Guyon avoit demandé des commissaires pour examiner sa doctrine et ses mœurs. Sa demande sur le dernier point fut écartée, parce que la régularité de sa conduite ne paroissoit être attaquée que par des bruits sans fondement. Mais sa doctrine paroissant avec raison suspecte et dangereuse, on nomma, vers le mois de juin 1694, trois commissaires pour la discuter, savoir, MM. Bossuet, évêque de Meaux; de Noailles (2), évêque de Châlons; et Tronson, supérieur général de la compagnie de Saint-Sulpice. Madame Guyon elle-même avoit demandé les deux derniers, dont l'esprit doux et conciliant lui paroissoit propre à servir de contrepoids à la sévérité de l'évêque de Meaux.

La Déclaration que nous plaçons à la tête des Pièces relatives aux conférences d'Issy, fut un des premiers résultats de la nomination des trois commissaires. Plein de respect pour les vertus et

(1) Hist. de Fénelon, liv. 11, n. 17, etc. tom. 1o. Hist. de Bossuet, liv. x, n. 8: tom. 111.

(2) M. de Noailles, évêque de Châlons, qui joua un si grand rôle dans l'affaire du Quiétisme, fut nommé à l'archevêché de Paris le 19 août 1695, et honoré en 1700 de la pourpre romaine.

la piété qui avoient concilié à madame Guyon l'estime et l'amitié des personnes les plus distinguées de la Cour, Fénélon voyoit avec peine un orage se former contre elle. La sévérité avec laquelle on condamnoit les expressions exagérées qu'une dévotion tendre et affectueuse inspiroit à cette dame, lui paroissoit procéder d'un attachement excessif au langage rigoureux de l'Ecole. Il craignoit d'ailleurs qu'en s'élevant si hautement contre le langage passionné d'une ame fervente, on ne condamnât par inattention les sentimens même des saints, et leur doctrine sur le pur amour. Ce fut donc pour dissiper les soupçons que faisoit naître son attachement à madame Guyon, qu'il signa, le 22 juin 1694, un acte par lequel il s'engageoit à souscrire sans équivoque et sans restriction à tout ce qui seroit décidé sur les voies intérieures, par les trois commissaires qui venoient d'être nommés. Nous n'avons point le manuscrit original de cet acte; mais nous le publions d'après une copie écrite par le secrétaire de M. Tronson. D'ailleurs il est rapporté en grande partie par M. Tronson lui-même, dans une lettre à l'évêque de Chartres, du 22 juin 1694, que l'on trouvera dans la Correspondance de Fénélon sur le Quiétisme.

Pour tirer de leurs conférences des résultats plus. utiles, les commissaires ne se contentèrent pas de faire expliquer madame Guyon sur les passages de ses écrits qui offroient un sens répréhen

sible; ils conçurent encore le dessein d'opposer

erreurs de la nouvelle mysticité quelques maximes doctrinales, propres à empêcher l'abus qu'on pourroit faire des expressions exagérées qui se rencontrent assez souvent dans les auteurs mystiques.

Pendant les premiers mois, Fénélon ne fut pas appelé aux conférences, quoiqu'il y prît un vif intérêt, tant pour sa propre justification, que pour celle de madame Guyon. Mais l'évêque de Meaux, qui avoit été jusqu'alors assez étranger à la lecture des auteurs mystiques, le pria de lui en faire des extraits; ce qu'il exécuta volontiers, dans le dessein d'établir la véritable doctrine sur l'amour pur, et de montrer que les anciens mystiques n'ayant pas moins exagéré que les modernes, il ne falloit prendre à la rigueur ni les uns ni les autres. Il écrivit même à Bossuet, dès le commencement des conférences, une lettre dans laquelle il lui faisoit remarquer que toutes les difficultés dont il s'agissoit pouvoient se rapporter à trois chefs, savoir l'amour désintéressé, communément admis dans les écoles catholiques; la contemplation, ou l'oraison passive par état, et les épreuves, ou les tentations de l'état passif (1). Enfin sa nomination à l'archevêché de Cambrai, qui eut lieu le 4 février 1695, fit naître l'idée de l'associer aux conférences; et il y fut en effet admis

:

(1) Lettre à Bossuet, du 28 juillet 1694 OEuvr. de Bossuet, tom. XL, p. 100.

dès-lors en qualité de juge, comme il convenoit à son nouveau caractère.

Déjà Bossuet avoit rédigé en trente articles un corps de doctrine sur les voies intéricures, qu'il envoya, comme un simple projet, à Fénélon ainsi qu'aux deux autres commissaires (1). Celui-ci ne tarda pas à observer que ce projet sembloit insuffisant pour sauver la doctrine du pur amour, et pour lever toutes les équivoques sur les trois points dont nous venons de parler. Plusieurs de ses observations ayant paru donner de l'inquiétude aux autres commissaires, il crut devoir expliquer par écrit ses véritables sentimens, et il remit à cet effet à l'évêque de Châlons le Mémoire que nous avons placé à la suite de la Déclaration. Il insistoit fortement, dans ce Mémoire, pour obtenir les additions relatives à la doctrine de l'amour désintéressé, et à la nature de l'oraison passive. Il déclaroit en finissant que si les commissaires ne croyoient pas pouvoir se rendre à ses observations, il signeroit les xxx Articles par déférence, parce qu'il les croyoit vrais, mais contre sa persuasion, parce qu'il les croyoit insuffisans; que si l'on admettoit les modifications qu'il proposoit, il étoit prêt à les signer de son sang. Ce fut vraisemblablement aussi pour assurer les commissaires de

(1) Nous avons sous les yeux une cop'e de ces xxx Articles, avec le títre suivant, dont la dernière partie est écrite de la main de Fénélon : Les xxx Articles proposés d'abord par M. de Meaux, et auxquels on fit des additions pour me contenter. Les Articles XII, XIII, xxx et xxxiv de la rédaction présente manquent dans ce projet.

« PreviousContinue »