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Que le reflet suave et bleu de ses prunelles.
Puis refoulant la nuit des cheveux, la clarté
Du front me révéla le baiser arrêté

Sur les lèvres, et de désir je palpitai.

Cependant m'apparut neigeuse, essentielle,
'D'un corps parfait et nu la jeune grâce frêle,
Et des épaules aux talons de grandes ailes
L'enveloppaient; et lors je fus tout pénétré
De sa lumière, et je souffris, et je pleurai :

C'est toi l'Amour, vraiment c'est toi l'Amour! — Or il Tenait indolemment entre ses mains débiles

Mon cœur pesant, et dit :- Suis-je l'Amour, vraiment ?
Vraiment je suis l'Amour, et je vais, ton tourment,
De larmes devant toi ton chemin parsemant.
Et je suis autre chose et plus, pour ton malheur,
Que l'Amour, et je suis vraiment ta destinée !

Or je vis dans ses mains une torche allumée
Et je sentis que je brûlais à son ardeur.
Par la flamme attirés des êtres se pressaient
Autour de moi. Pour m'avilir de leur présence
Leurs mains infâmes, leurs bouches me caressaient,
Et je n'essayais point, sûr de mon impuissance
De bannir leur armée, et j'allais devant eux,
Comme pour les fuir, moi, leur prisonnier honteux.

Mais quand au bord du ciel l'aube s'étant posée
De ces démons la horde se fut dispersée,
L'enfant, plus transparent de la clarté naissante,
Plus triste, me parla d'une voix affaiblie ;

Et depuis lors, ta voix est la plainte incessante
Que porte vers mes lèvres mon cœur qui n'oublie,
Enfant ! Tu me disais :

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Vois, et regrette, car,

Souvenir parmi d'autres souvenirs épars,

Je vais m'évanouir dans la nuit qui s'achève,

Et déjà le grand vent du départ me soulève.

Si tu lus de l'amour dans mes yeux, c'est qu'autour
De toi je fus le vain désir et tout l'Amour

En qui pour l'avenir l'être se perpétue.

J'attendais ton appel et ta bouche s'est tue.

Pleure je suis ton fils vraiment, et rien de plus.
Pleure je suis ce fils dont tu n'a pas voulu.

De ma flamme une foule hostile s'est nourrie
Dont les baisers indélébiles t'ont flétri.

Etant l'Amour, je fus ta destinée aussi.

Ah, dans tes bras, pourquoi ne m'as-tu point saisi?

Car ton sourire serait fort de mon sourire,
Car ma fragile vie augmenterait ta vie.
Je serais ton laurier, ton épée et ta lyre,
Je serais le dieu frêle en toi qui se confie.
Au lieu que désormais tu descends dans la nuit,
Faible, sans flambeau qui te guide, et sans appui.
Et vois, si loin de nous, ce geste de tendresse,
Ecoute, et pleure encore, ce sanglot continu.
Ce geste te fut cher, cette voix t'est connue,
Et de quel univers dont tout t'est inconnu,
Vers toi s'est détournée en tardive détresse
Celle qui fut ton ardente et vierge maîtresse?
Et maintenant je la rejoins; elle m'appelle.
Hélas, tu ne renaitras pas en moi par elle,
Et moi, ton effigie en des sommeils rêvée,
Te ressemblant, je serai l'être inachevé !...

Le soleil se levant ton image pâlit.
Et je fermai les yeux comme pour m'endormir.
Mais avec toi m'a fui pour ne plus revenir
Ma meilleure âme. Et je me suis enseveli
Dans la nuit sans égale de ton souvenir,
Et je t'écoute, et je te cherche, impardonné.
Mon enfant trop chéri, mon enfant jamais né...

ROBERT SCHeffer

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Georges Seurat, mort en 1891 à trente-deux ans, auteur d'une quantité notable d'objets d'art dessins et peintures qui ne s'oublieront plus, inventeur d'une technique, fournit plus d'un thème à des réflexions.

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Sur l'invention même il semble que tout ait été dit. Grâce à quelqu'un qui n'a laissé dans l'ombre que la part qu'il y eut (1). On souhaiterait aux découvertes qui fécondent surtout la stupidité, selon la proportion naturelle des matrices offertes, mais d'ailleurs à tous les métiers, des historiographes non moins avertis, aussi peu troublés par leur science quand ils l'exposent, capables d'autant de méthode et d'exactitude où l'éloquence se vivifie. Comme fut Paul Signac, pour

(1) PAUL SIGNAC: D'Eugène Delacroix au Néo-impressionnisme, un vol. in-16, Editions de La revue blanche.

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