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1807.

et la baïonnette d'une armée nombreuse,
aguerrie, exaltée par l'idée qu'elle étoit
invincible. Ils eurent vingt-cinq officiers
généraux tués, pris ou blessés, et lais-
sèrent quatre-vingts pièces de canon et
seize mille morts sur le champ de bataille.
Cette fois-ci la victoire ne fut
pas incer-

taine.

La ville de Koenigsberg en fut le premier gage. Le maréchal Soult entra le lendemain dans cette ancienne capitale de la Prusse, et y trouva des magasins immenses, quatre cent mille quintaux de blé, cinq mille pièces d'eau-de-vie, cent cinquante mille fusils, et des munitions de guerre de toute espèce, que l'Angleterre envoyoit à ses alliés.

Le 17, l'empereur porta son quartiergénéral à Tilsitt, sur les bords du Niémen, qui sépare la Prusse ducale de la Russie. Ainsi Napoléon se trouvoit sur les frontières de ce vaste empire, et à quatre cents lieues des siennes. Il étoit à la tête d'une armée victorieuse, mais que la guerre, les fatigues et les maladies avoient diminuée de plus de moitié, et dont les recrutements devenoient lents et pénibles.

De son côté, Alexandre, qui jusqu'alors ne s'étoit battu que pour les intérêts et dans les états de son allié le roi de Prusse, ne se soucioit pas de transporter le théâtre

de la guerre dans le cœur des siens. Dans les quinze jours qui venoient de s'écouler, il avoit perdu une partie de son artillerie, presque toutes ses munitions, ses magasins sur une ligne de plus de quarante lieues, et près de quarante mille hommes pris, blessés, tués ou hors de combat.

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Ces diverses considérations agissant en même temps sur l'esprit des deux souve rains, les disposèrent également à un rapprochement, qui leur devenoit également nécessaire. Toute hostilité avoit déjà cessé le 18; le fleuve séparoit les deux armées. Le 21, le prince Berthier, au nom de l'empereur des François, et le prince Labanof, au nom de l'empereur de Russie, signèrent un armistice, en attendant la conclusion du traité définitif, qui devoit mettre fin à une effusion de sang si contraire à l'humanité. (Termes de l'armistice.)

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des deux

Niémen.

Le 25, les deux empereurs eurent leur Entrevue première entrevue. On avoit, à cet effet, empereurs élevé au milieu du Niémen un pavillon où sur le les deux monarques se rendirent chacun de son côté. Ce fut un grand et magnifique spectacle. Les deux rives du fleuve étoient bordées par deux armées de cent cinquante mille hommes chacune, tandis que leurs chefs conféroient, franchement, noblement et sans intermédiaires, sur les moyens

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de rétablir la paix du monde, et de donner quelque repos à la génération présente. La veille, le maréchal Duroc étoit allé complimenter l'empereur Alexandre, qui, de son côté, envoya le maréchal comte de Kalkreuth complimenter l'empereur Napoléon.

Le lendemain, les deux empereurs, le roi de Prusse et le grand-duc Constantin, dinèrent sur la rive gauche, dans le palais de Napoléon. Pendant les dix-huit jours qui suivirent, les deux empereurs.se firent réciproquement des visites, dînèrent ensemble, passèrent des revues, se promenèrent à cheval, et ne cessèrent de se donner tous les témoignages d'une bonne et sincère amitié. Le 30 juin, la garde impériale françoise donna un repas de corps à la garde impériale russe. Le 8 juillet, la paix fut conclue et signée entre les trois

souverains.

Deux jours auparavant, la reine de Prusse étoit arrivée à Tilsitt; le jour même, Napoléon alla lui rendre visite.

Les deux empereurs, après avoir séjourné pendant vingt jours à Tilsitt, où les deux maisons impériales, situées dans la même rue, étoient à peu de distance l'une de l'autre, se séparèrent le 9 à trois heures après midi, en se donnant de nouvelles marques d'amitié. Ce jour-là les ratifica

tions du traité de paix furent échangées. En voici les articles principaux..

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Tilsitt

I. L'empereur Napoléon, par égard Traité de pour l'empereur de Russie, et voulant donner une nouvelle preuve du désir sincère qu'il a d'unir les denx nations par les liens d'une confiance et d'une amitié inal-. térables, consent à restituer au roi de Prusse tous les pays, villes et territoire conquis, à l'exception toutefois des provinces qui faisoient partie de l'ancien royaume de Pologne, et qui ont passé à diverses époques sous la domination prus

sienne.....

II. Ces provinces seront possédées, en toute propriété et souveraineté, par sa majesté le roi de Saxe (1), sous le titre de duché de Varsovie.

III. La ville de Dantzick, avec un territoire de deux lieues de rayon autour de son enceinte, sera rétablie dans son indépendance, sous la protection des rois de Prusse et de Saxe.

IV. Les ducs de Saxe-Cobourg, d'Oldembourg et de Meklembourg seront remis chacun dans la pleine et paisible possession de ces états; mais les ports des duchés de Meklembourg et d'Oldembourg continueront d'être occupés par des gar

(1) Cet article explique les longs ressentiments du roi de Prusse contre le malheureux roi de Saxe.

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nisons françoises jusqu'à la paix définitive entre la France et l'Angleterre.

V. L'empereur Napoléon accepte la médiation de l'empereur de Russie, à l'effet de négocier et conclure un traité de paix entre la France et l'Angleterre.

VI. De son côté, l'empereur de Russie voulant prouver combien il désire d'établir entre les deux empires les rapports les plus intimes et les plus durables, reconnoît sa majesté le roi de Naples, Joseph Napoléon sa majesté le roi de Hollande, Louis Napoléon: et son altesse impériale le prince Jérôme Napoléon, comme roi de Westphalie.

VII. L'empereur de Russie reconnoît pareillement la confédération du Rhin, l'état actuel de possession de chacun des souverains qui la composent.

VIII. Le royaume de Westphalie sera composé des provinces cédées par le roi de Prusse, à la gauche de l'Elbe, et d'autres états actuellement possédés par l'empereur Napoléon.

IX. Toutes les hostilités cesseront immédiatement sur terre et sur mer entre l'empereur de Russie et le grand-seigneur. X. Les troupes russes se retireront des provinces de Valachie et de Moldavie.

XI. L'empereur de Russie accepte la médiation de l'empereur des François, à

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