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que ces biens soient nominativement désignés. (Arrêt de la cour de Paris, du 28 nivôse an 13, rapporté dans la collection des arrêts, an 13, art. 61. Même arrêt de la cour de cassation.)

Au reste, quant à la désignation de la nature des biens, il suffit de dire d'une manière générale qu'ils consistent en maisons, vignes, champs, etc. (Arrêt de la cour de Besançon, du 22 juin 1810, rapporté par Sirey, tom. II, part. II, p. 378. Arrêt de la cour de Paris, rapporté au Journal du Palais, 1813, t. I, p. 374.)

Et en ce qui concerne l'indication de la situation des biens, c'est une question de fait laissée à la prudence des juges. La cour d'Aix a jugé, par arrêt du 13 novembre 1812, que l'indication précise de la commune n'était pas indispensable.

L'hypothèque générale conventionnelle est prohibée; mais il paraît juste toutefois d'accorder au créancier qui l'a stipulée, le droit d'en réclamer une spéciale, si l'intention des parties a été véritablement d'en accorder une générale. La cour d'Aix l'a ainsi jugé par arrêt du 16 août 1811, rapporté au Journal du Palais, tom. I, 1813, pag. 56.

L'insuffisance des biens libres doit être exprimée; mais il n'est pas nécessaire qu'elle soit réelle; elle résulte de la déclaration seule du débiteur, et cette déclaration devient une loi pour tous, même pour lui; de sorte qu'il ne peut plus prétendre, après une telle déclaration, que les biens qu'il possédait sont suffisans, ni le soutenir en justice, aprės avoir affranchi les immeubles hypothéqués. La raison est qu'une convention tient lieu de loi aux parties qui l'ont faite, et que jamais un créancier ne peut être tenu de changer l'assiette de son hypothèque.

On peut, en cas d'insuffisance des biens présens, hypothéquer les biens à venir; cette cumulation ne peut être que favorable au crédit du débiteur. On peut convenir

aussi que l'hypothèque ne frappera que sur un ou deux des immeubles à venir; qui peut le plus, peut le moins. Mais il ne faut pas perdre de vue, d'une part, que l'insuffisance des biens présens doit être nettement et non conditionnellement exprimée, et d'autre part, que les immeubles acquis par la suite ne seront affectés à l'hypothèque qu'au fur et à mesure des acquisitions et des inscriptions qui seront prises.

Mais les biens à venir pris isolément ne peuvent être hypothéqués, même au fur et à mesure des acquisitions. La prohibition de la loi est absolue; on ne peut donner d'extension à une disposition exorbitante du droit

commun.

154. La spécialité et la publicité de l'hypothèque sont les deux corrélatifs qui forment la grande base de notre régime hypothécaire, et qui font aussi la condition indivisible de l'existence de l'hypothèque conventionnelle.

« La spécialité tend à fixer l'hypothèque sur un objet « déterminé, dit M. Tarrible, et à prévenir autant que possible la confusion, ou du moins les embarras qui <«<<naissent de la cumulation de plusieurs hypothèques sur « le même immeuble.

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« La publicité a pour but de constater le droit de l'hypothèque, et de le rendre patent et notoire à tous ceux qui peuvent avoir intérêt à le connaître. »

Déjà les bienfaits de la spécialité et de la publicité s'étaient fait sentir dans plusieurs provinces, notamment en Hollande et dans quelques pays voisins, dont les institutions nous ont servi de modèle sur cet objet. Selon les usages de la Hollande et de quelques pays voisins, il n'en était pas des meubles comme des immeubles, et quant aux immeubles, il y avait encore une différence entre l'hypothèque générale et l'hypothèque spéciale: on ne pouvait soumettre des immeubles à l'hypothèque spéciale que par une inscription solennelle faite devant le juge du lieu où

ils étaient situés, en payant au trésor la quarantième partie de la créance à la sûreté de laquelle ils étaient affectés. Quant à l'hypothèque générale, elle perdait tout droit de préférence si elle n'avait pas été constituée devant un juge de Hollande, et solennellement inscrite sur un registre, en payant de même, pour droit, la quarantième partie de la créance; mais on n'exigeait pas que cette inscription fût faite nominativement devant le juge ordinaire du lieu de la situation. Grotius se bornait, en général, à exiger que l'hypothèque générale fût constituée et inscrite devant un juge quelconque de Hollande.

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En France, dans plusieurs coutumes de nantissement, la publicité et l'inscription étaient aussi requises; d'ailleurs les actes publics contenant obligation emportaient par eux-mêmes, et sans le secours de la stipulation, une hypothèque générale sur les biens présens et à venir des débiteurs. Il était néanmoins permis de stipuler une hypothèque spéciale, qui n'était d'aucune utilité puisqu'elle ne dérogeait pas à l'hypothèque générale (1), et elle devenait quelquefois incommode, et même fuuesle au créancier, dit M. Tarrible, en ce qu'il était obligé de discuter l'immeuble soumis à l'hypothèque spéciale, avant que d'attaquer les autres biens frappés de l'hypothèque générale.

155. Le législateur, en rejetant l'hypothèque générale du cercle des stipulations conventionnelles, à eu pour but (2), continue M. Tarrible :

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«1° De prévenir le débiteur contre la facilité avec laquelle il se serait prêté à consentir des hypothèques « générales, sans considérer qu'une semblable hypothèque nuirait essentiellement à son crédit et à l'intérêt « général qui consiste à favoriser les transmissions;

«

(1) Répert. de jurisp., vo Hyp. (2) Répert. de jurisp., vo Hyp..

2o De prévenir la cumulation de plusieurs hypo«<thèques sur le même immeuble, et par suite les incon«véniens d'une discussion difficile et dangereuse;

«3° De seconder les effets salutaires de la publicité, «< qui se manifeste bien mieux lorsque les registres dé<< signent tout à la fois, et la personne du débiteur, et «< l'immeuble taxativement soumis à l'hypothèque, qu'elle << ne pourrait le faire si la désignation de l'hypothèque << errait vaguement sur tous les biens présens et à venir «< du débiteur »>.

156. Les hypothèques conventionnelles ne sont pas les seules qui aient un caractère de spécialité : la plupart des priviléges, les hypothèques des légataires sur les immeubles de la succession, le droit de rétention, sont spéciaux par leur nature.

Nous n'insisterons point ici sur le développement des conditions qui constituent la spécialité; comme elle se lie à la publicité, et qu'elle en est l'antécédent, nous nous réservons de traiter ces deux objets dans le chapitre 3, du complément de l'hypothèque ou de l'inscription.

S. II. Quels sont ceux qui peuvent consentir l'hypothèque

conventionnelle?

SOMMAIRE.

157. L'hypothèque ne peut être consentie que par celui qui a la faculté d'aliéner et de disposer de l'immeuble.

158. Énumération de ceux qui, ne pouvant disposer de leurs biens, ne peuvent hypothéquer.

159. Les mineurs ne peuvent hypothéquer leurs immeubles : leurs tuteurs, qui sont leurs représentans dans la vie civile, ne le peuvent que sous les formes déterminées par la loi. 160. Il en est de même des interdits.

161. Il ne faut pas trop généraliser le principe que les tuteurs

ou administrateurs peuvent hypothéquer pour les individus

frappés d'incapacité. Les envoyés en possession provisoire ne le peuvent.

162. Exception.

163. Les syndics d'une faillite, les curateurs aux successions

vacantes, les héritiers bénéficiaires, ne peuvent hypothéquer. 164. Le mineur, même émancipé, ne peut hypothéquer, excepté dans les cas et les formes déterminés par la loi. 165. Les mêmes principes s'appliquent aux femmes mariées, et à ceux pourvus d'un conseil. Ils ne peuvent hypothéquer leurs immeubles sans être autorisés, les unes de leurs maris, les autres de leur conseil.

166. Le mari, en sa qualité d'administrateur légal des biens personnels de sa femme, ne peut les hypothéquer parce qu'il ne peut en disposer. Quid, si le régime d'association est dotal? Quid, s'il y a exclusion de communauté ou séparation de biens, ou si la femme s'est mariée en paraphernal? Quid, si les époux sont soumis au régime de la communauté? 167. Le mandataire ne peut hypothéquer les biens de son commettant qu'autant qu'il a reçu pouvoir exprès et spécial pour cet objet.

168. Comment la nullité, dérivant de l'incapacité d'hypothéquer, peut être couverte par une ratification postérieure, 169. Réfutation de l'opinion de plusieurs auteurs qui font rétroagir l'hypothèque à la date de l'inscription prise en vertu de l'acte primitif. La ratification expresse ou tacite ne peut rétroagir, et l'inscription ne peut être prise qu'en vertu de la ratification, et ne peut avoir une date antérieure. 170. Application de cette proposition au mineur.

171. Doctrine de Basnage. Raisons tirées de notre régime hypothécaire.

172. Application du principe à l'interdit.

173. A la femme mariée. Il en est des nullités respectives comme des nullités absolues.

174. Dispositions du droit romain à cet égard.

175. Les droits légalement imprimés sur l'immeuble, dans l'intervalle, doivent être maintenus; mais les créanciers chirographaires, et ceux postérieurs à la ratification, ne peuvent attaquer la ratification que pour raison de fraude.

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