Page images
PDF
EPUB

biens, ou qu'elle n'ait pas de date certaine, les immeubles dotaux ne pourront être frappés de l'hypothèque, parce que l'aliénation en est prohibée. (Arrêt de la cour de Limoges, du 18 juin 1808.)

166. 5o Le mari, en sa qualité d'administrateur légal des biens personnels de sa femme, ne peut jamais les hypothéquer, parce qu'il n'a pas le droit de les aliéner.

Si le régime de l'association des époux est le régime dotal, et que la femme ait apporté des biens en dot, le mari ne pourra les engager hors les exceptions établies par les articles 1554, 1557, 1558 du Code civil, et qui sont, 1 lorsque ce droit a été accordé au mari par le contrat de mariage; 2o lorsque cette affectation est nécessaire pour le retirer, lui ou sa femme, de prison, et dans ce dernier cas il faut encore l'autorité de justice.

S'il y a entre les époux exclusion de communauté ou séparation de biens, ou si la femme s'est mariée en paraphernal, le mari ne peut, à plus forte raison, hypothéquer.

Si les époux sont soumis au régime de la communauté, ou par l'effet de leur silence, ou par une convention exe presse, le mari pourra hypothéquer les immmeubles qui tomberont dans la communauté, parce que, maître absolu de cette communauté, il peut, pendant le mariage, disposer des biens qui en font partie.

167. 6o Un mandataire ne peut hypothéquer les biens de son commettant, qu'autant qu'il aurait reçu de lui pouvoir exprès et spécial pour cet objet.

Sur la question de savoir si, en vertu d'une procuration sous seing privé, le mandataire pourrait consentir une hypothèque valable, l'affirmative n'est pas douteuse, car c'est à l'authenticité seule de l'acte notarié que la stipulation d'hypothèque doit sa validité. Le mandat n'influe en rien sur cet acte, et reçoit d'ailleurs le même caractère d'authenticité par le dépôt qui en est fait.

168. Après avoir fait l'énumération de ceux qui ne peuvent hypothéquer, il nous reste à expliquer comment la nullité dérivant de l'incapacité d'hypothéquer pourrait être couverte par une ratification postérieure, et quels seraient les effets de cette ratification.

La faculté d'hypothéquer repose sur celle de disposer de la chose, et en dépend essentiellement; de sorte que, toutes les fois que le débiteur n'aura pas le pouvoir de vendre ou d'aliéner ses immeubles, il n'aura pas celui de les hypothéquer.

Ce principe ne souffre point d'exceptions; peut-on dès lors admettre quelques distinctions dans les conséquences qui en dérivent? Peut on 'dire que dans certains cas l'hypothèque est essentiellement nulle, que dans d'autres elle ne l'est que d'une manière relative, et existe, pour ainsi dire, depuis le moment où elle a été créée, jusqu'à ce qu'il plaise au débiteur de l'anéantir par l'action en rescision ou en nullité; de telle sorte que si, par son silence ou par une confirmation expresse, ce débiteur ratifie son engagement, l'hypothèque rétroagira à la date de la stipulation primitive, ou de l'inscription prise en vertu de cette stipulation?

Les auteurs ont été partagés sur cette question; ils ont fait des distinctions entre les différens genres d'incapacité et de nullités, et par suite, entre les effets de l'hypothèque originairement consentie.

169. Quelque imposante que soit leur autorité, je soutiens, et je crois pouvoir démontrer que l'hypothèque consentie par celui qui est incapable d'aliéner, quel qu'il soit, est essentiellement nulle; que la ratification tacite ou expresse du débiteur, faite en temps utile, ne peut jamais la faire rétroagir, et que l'inscription, à laquelle est attachée l'existence de cette hypothèque, ne peut être prise qu'en vertu de l'acte de ratification, ne peut conséquemment avoir une date autérieure ; ou en d'autres

termes, qu'en ce qui concerne l'hypothèque et l'inscription, la confirmation est, sous tous les rapports, introductive d'une disposition nouvelle, même respectivement au débiteur et au créancier.

Pour faire mieux sentir la vérité de ma proposition, je vais l'appliquer à chacune des personnes incapables d'hypothéquer, dont j'ai fait l'énumération plus haut.

170. 1° Si un mineur a hypothéqué un ou plusieurs de ses immeubles, par acte devant notaires, et qu'il le ratifie lors de sa majorité, son créancier n'aura hypothèque que ut ex nunc, non ut ex tunc, en sorte que cette hypothèque ne pourra tout au plus avoir, par l'ins cription qui en sera faite, que la date de l'acte de confir

mation.

Pothier et quelques autres auteurs pensent que le créancier doit avoir hypothèque du jour de l'acte fait en minorité; la raison qu'ils en donnent est que la loi, n'interdisant aux mineurs la faculté de disposer de leurs biens, et de les hypothéquer, que pour leurs propres intérêts, cette incapacité en laquelle ils sont d'en disposer et de les hypothéquer, n'est pas une incapacité absolue, mais relative à leurs intérêts, en tant que la disposition qu'ils auraient faite leur serait désavantageuse; mais lorsqu'en ratifiant en majorité cet engagement, soit expressément, soit tacitement, par le laps de dix ans, sans agir contre cet acte, ils ont reconnu qu'il ne leur était point préjudiciable, l'acte et l'hypothèque dont il est accompagné doivent être regardés comme ayant été véritablement contractés, et par conséquent le créancier doit avoir hypothèque du jour de l'acie.

Mais plus je réfléchis sur cette opinion, plus je suis convaincu qu'elle est inadmissible, au moins dans l'état actuel de notre législation.

L'aliénation ou l'hypothèque consentie par le mineur n'est pas nulle, si elle est revêtue des formalités voulues

par la loi; l'une et l'autre sont nulles, au contraire lorsqu'elles ne sont pas revêtues de ces formalités. Soit qu'elles nuisent ou qu'elles ne nuisent point au mineur, il peut en demander la nullité, et il n'a pas besoin, pour cela, d'exciper d'une lésion quelconque. Il y a plus, celui qui achète un immeuble d'un mineur est de mauvaise foi, par cela seul qu'il acquiert d'un mineur, et que le consentement légal de ce mineur, constitué par l'accomplissement de toutes les formalités requises, n'a pas servi de base à l'acte de vente; de sorte que si le mineur devenu majeur fait annuller cette vente, l'acquéreur sera, à son égard, tenu de la restitution des fruits et levées.

Si cette nullité n'est taxativement accordée par la loi qu'au mineur, ce n'est qu'en tant qu'il est le seul auquel la vente puisse préjudicier, en tant que la disposition qu'il aurait faite de sa chose pourrait lui être désavantageuse, et que l'acquéreur qui aura contracté avec lui ne pourra point l'opposer. Mais si, par contre-coup, cette aliénation était préjudiciable aux droits acquis à des tiers; si, par exemple, des créanciers du mineur, ignorant l'existence de cette vente illégale, avaient pris, dans les formes légales, des hypothèques et des inscriptions sur l'immeuble vendu, les créanciers de l'acquéreur, ou l'acquéreur lui-même, pourraient-ils dire aux créanciers inscrits du mineur, que la ratification que le mineur devenu majeur a faite de la vente, fait évanouir leurs hypothèques et leurs inscriptions, en rétroagissant à la date de l'acte confirmé? Sans doute les créanciers inscrits du mineur auraient le droit de demander eux-mêmes la nullité de cette vente, en tant qu'ils peuvent exercer les droits de leur débiteur; et au moyen de l'annullation de la vente, leurs inscriptions conserveraient toute leur force. Mais si ces créanciers ne demandaient point la nullité de cette vente, dans le délai prescrit, ou s'ils en ignoraient l'existence, seraient-ils donc privés de leurs droits hypothécaires par la ratifica

[ocr errors]

tion expresse ou tacite que le mineur aurait faite de la vente? Je soutiens la négative, et je dis que cette ratification ne daterait, dans ses effets, que ut ex nunc ; et qu'il n'y aurait d'inscription valable que celle prise en vertu de cette ratification.

Et distinguons encore entre la ratification expresse et la ratification tacite : l'inscription prise en vertu de la ratification expresse ou formelle pourrait dater de cette ratification, mais quant à la ratification tacite résultant du silence du mineur et des créanciers, elle ne pourrait avoir d'effet, pour fixer la date de l'inscription, qu'à compter de la déchéance prononcée par la loi, c'est-à-dire de l'expiration des dix années; d'où il suit que, dans ce dernier cas, les inscriptions qui auront été prises par les créanciers du mineur, jusqu'à l'échéance de ces dix années, primeront celles que l'acquéreur aurait pu consentir; au lieu qu'elles ne pourront avoir, dans le premier cas, cette préférence, que jusqu'à la ratification formelle, qui est de la part du mineur un acte ostensible, patent et légal, une vraie dis→ position de sa chose. La translation du domaine de l'immeuble, respectivement aux tiers créanciers inscrits, n'est donc faite que du jour de la ratification expresse, ou de l'expiration des dix années, si le mineur devenu majeur garde le silence. Jusques-là, le domaine de l'immeuble reste sur la tête du mineur; il peut en disposer, le vendre ou l'hypothéquer sous les formes légales, et certes personne n'osera dire que ces actes de propriété, de la part du mineur, fondés sur l'accomplissement des formalités qui caractérisent son consentement, ne seront point valables. L'ombre d'aliénation, essentiellement nulle pour défaut de consentement et de volonté légale, disparaîtra devant un acte de vente réel, à moins qu'on ne prétende que ce simulacre de vente subsistera et produira tous les effets d'une aliénation véritable, jusqu'à ce que le mineur devenu majeur prononce s'il veut ou non le laisser sub

« PreviousContinue »