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sister, ce qui serait mettre entre les mains du mineur le pouvoir de se dessaisir de tous ses immeubles, de lier les mains du tuteur et du conseil de famille, qui voudraient faire des transactions importantes ou même indispensables dans son intérêt; ce qui serait d'une couséquence très-funeste pour lui-même, et d'une iniquité révoltante envers les tiers.

Si notre proposition est vraie pour l'aliénation, elle l'est nécessairement pour l'hypothèque, qui est un principe d'aliénation et un droit réel dans le domaine, cédé par le propriétaire de l'immeuble. C'est une règle certaine, en effet, consignée dans un grand nombre de lois romaines, que l'argument tiré de l'aliénation s'applique sans exception à l'hypothèque ; qu'on peut conclure à pari de l'une à l'autre; que celui qui ne peut aliéner ne peut hypothėquer, et que celui qui peut hypothéquer peut aliéner. L'hypothèque est assimilée à l'aliénation, et, aux yeux des législateurs romains, elle a constamment eu la même importance. Si l'aliénation légalement consentie fait évanouir l'ombre d'aliénation illégale, l'hypothèque, qui dans son importance et ses effets lui est assimilée, et dont la validité repose sur les mêmes formalités, l'hypothèque, dis-je, légalement consentie postérieurement à l'aliénation ou à l'hypothèque illégale, entamera donc le domaine de la chose, s'y attachera par le lieu de l'inscription, et aucune confirmation ou ratification postérieure ne pourra effacer l'impression qu'elle aura faile sur ce domaine qui n'a pas cessé de résider sur la tête du mineur, alors même que le créancier n'exercerait point l'action en nullité contre la vente ou l'hypothèque illégale. Donc il est vrai de dire que la ratification ne rétroagit point dans le silence même des créanciers inscrits dans l'intervalle, parce qu'ils ont un droit réel dans le domaine auquel ils ne peuvent être présumes renoncer; et si cette ratification est introductive d'une dispositiou nouvelle à leur égard, quelle pourra en

être la date, si ce n'est celle de l'acte exprès ou formel de ratification, ou de l'expiration des dix années de silence, dont la révolution seule peut constituer la ratification tacite ou la déchéance de la partie intéressée? Donc l'inscription, de laquelle dépend l'existence de l'hypothèque ne peut avoir de date antérieure à la ratification expresse ou tacite; donc la date de cette hypothèque et son existence ne pouvant être établies que par l'inscription, la ratification est introductive, sous ce rapport, d'une disposition nouvelle, même respectivement au débiteur et au créancier entr'eux.

Ici se reproduit l'application de la règle si énergiquement exprimée par Dumoulin, dans sa théorie des confirmations ou ratifications, que la confirmation ex certâ scientiâ, la seule capable de purger les vices d'un acte, ne peut produire d'effet qu'à sa date, non retrò trahitur. C'est un principe constant, en effet, que la ratification ne peut avoir un effet rétroactif au préjudice de ceux qui ont contracté dans l'intervalle; et les termes positifs de la loi, si in debitum §. si procurator, ff. rem ratam haberi, le déclarent formellement, quia actus medius interveniens impedit ratihabitionem retrò trahi, in præjudicium tertii, jus intermedio tempore quæsitum fuit.

cui

A cette autorité d'un si grand poids se joint la dispo sition textuelle de l'article 1338 du Code civil, qui déclare que la ratification, quelle qu'elle soit, ne doit jamais préjudicier aux droits des tiers.

Mais, dira-t-on, puisque la ratification est une disposition nouvelle, quel est donc l'effet de l'acte primitif? Je réponds que cet acte revit avec toutes ses clauses, conditions et dépendances; que, dans le silence des parties intéressées, il renaît par l'effet d'une ratification tacite ou d'une exécution volontaire; qu'il est par conséquent le principe et la source des droits nouveaux, mais toujours les mêmes que produit la ratification expresse ou tacitę.

Je dis qu'il en est le principe sans qu'il soit nécessaire d'exciper de la non absolue incapacité d'aliéner, que l'on pourrait reconnaître dans le mineur, puisque, s'il s'agissait d'un acte passé par un mineur dans les années de l'enfance, ou par un interdit, par exemple, la déchéance de l'action en nullité ne serait pas moins encourue par le laps de dix années, et par conséquent cet acte produirait tous ses effets, quoiqu'il fût vrai de dire que l'interdit et le mineur, dans les années de l'enfance, sont dans une incapacité absolue d'aliéner. Donc ce n'est pas un principe de capacité qui donne à la ratification d'un acte passé par un mineur, de la vie et de la force, c'est au contraire une renonciation aux moyens et exceptions qu'il avait à opposer contre cet acte, laquelle est volontaire ou forcée; volontaire quand elle s'induit d'une ratification expresse faite en temps utile ; forcée quand on encourt la déchéance prononcée par la loi contre toute espèce d'action en rescision ou en nullité, par un silence de dix années.

Quelle que soit donc la nature de l'action en nullité'ouverte par la loi, la ratification des parties ou la déchéance légale la fera disparaître, et dès-lors l'acte contre lequel elle était ouverte produira tous ses effets.

De ce que l'acte primitif produit tous ses effets à la date de la ratification ou de la déchéance, il faut en conclure qu'entre les parties contractantes seulement, il s'opère une véritable rétroaction, qui consiste en ce que la disposition nouvelle se rattache à l'acte confirmé, qui sera toujours, entre ces parties, le siége et la base de leurs droits, et que l'une d'elles ne pourrait, en vertu de l'acte de confirmation, exercer des poursuites d'expropriation forcée contre l'autre, sans lui donner préalablement copie, à la fois, et de l'acte confirmatif et de l'acte confirmé, comme nous l'avons déjà observé.

171. Il existe dans le Journal du Palais, pages 298 et 268, un arrêt du parlement de Bretagne, du 15 octobre

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1652, par lequel un créancier, par obligation passée à son profit, en majorité, par son débiteur, fut colloqué avant un autre créancier de ce débiteur, quoiqu'il eût une obligation antérieure, mais qui avait été passée en minorité et ratifiée seulement après la seconde obligation; et sur cet arrêt, Basnage fait une distinction qui donne à notre opinion la plus grande force. « Il paraîtrait raison<<nable, dit-il, de faire quelque distinction sur la qua«<lité des contrats car, si le mineur avait utilement employé les deniers qu'il avait empruntés, en ce cas, <<< comme il ne pourrait demander le bénéfice de restitution, et que par conséquent la ratification ne serait point nécessaire pour faire subsister le contrat, ses << biens seraient valablement hypothéqués dès ce jour-là. Mais, si le mineur eût été restituable pour lésion ou << pour dol, en ce cas, la ratification d'un tel contrat ne « pourrait avoir d'effet rétroactif, parce que le contrat « n'étant pas valable, à cause de la lésion ou du dol, et «ne subsistant qu'en vertu de la ratification faite dans «<les dix années pendant lesquelles la rescision en peut « être demandée, et ayant pu être annullé, cessant la ratification, l'on ne doit pas en faire remonter l'hypo« thèque au jour du contrat; et, suivant cette distinction, «< il a été donné arrêt en 1662, etc.... »

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Appliquant cette distinction à une vente consentie par un mineur, il faut dire que la ratification faite en majorité ne saurait rétroagir, parce que la loi déclare le coutrat nul; qu'il y a, pour ainsi dire, une lésion de droit, par cela seul que les formes voulues par la loi n'ont pas été observées; que par conséquent le contrat n'a pas subsisté. Les inscriptions prises dans l'intervalle par des tiers créanciers seront donc valables. Si cela est vrai pour la vente, il en doit être ainsi, à plus forte raison, pour l'hypothèque, qui ne peut être stipulée que sous certaines formes et nonobstant que l'obligation, dont elle

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est l'accessoire, subsiste par elle-même, puisque nulle part la loi ne prononce la nullité de la convention qui ne lèse point le mineur, lorsqu'elle n'est pas du nombre de celles pour la validité desquelles la loi requiert des formes particulières.

L'hypothèque, en effet, n'a pas besoin d'être toujours attachée à un contrat authentique, comme cela était autrefois de droit et de nécessité : elle est valable ou non, indépendamment du contrat; et si l'existence de l'obligation principale et l'authenticité du contrat sont des conditions essentielles de son existence, elles ne la produisent pas nécessairement, et elles ne pourraient produire, indépendamment d'une stipulation dont la validité dépend de la capacité de celui qui la fait. Il faut donc discuter le mérite de cette stipulation en soi, et st elle est nulle par l'incapacité du mineur et le défaut de formes légales, si la loi ne met point en question s'il est lésé ou non, il faut en conclure qu'elle ne peut recevoir la vie et sa date que de la ratification et de l'inscription prise en vertu de cette ratification.

La conséquence absurde où certains auteurs prétendaient que ce systême conduirait, consistant en ce qu'il arriverait, disaient-ils, que le mineur ne s'étant point pourvu dans les dix ans de sa majorité, une obligation subsisterait à sa date sans hypothèque, cette conséquence, disons-nous, ne serait plus absurde de nos jours où l'hypothèque n'est plus une suite inséparable d'un contrat authentique, et où une obligation existant déjà, l'hypothèque peut y être jointe après coup par une disposition nouvelle.

La publicité, qui fait la base essentielle de notre régime hypothécaire, sur-tout respectivement aux tiers, est un obstacle absolu à ce que l'hypothèque puisse rétroagir. Dépendra-t-il du mineur devenu majeur, par une ratification faite après coup, ou par l'effet de la dé

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