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chéance encourue par le laps de dix années, de rendre inutiles les inscriptions prises par ses autres créanciers? Et le sort de ces inscriptions sera-t-il tellement subordonné à sa volonté, dans le cas où les créanciers inscrits n'exerceraient point l'action en nullité, et à plus forte raison, dans le cas où l'on admettrait la doctrine de ceux qui refusent aux créanciers le droit d'exercer l'action en nullité, qu'ils regardent comme exclusivement attachée à la personne du mineur, que ces inscriptions conserveront leur rang, si le mineur devenu majeur juge à propos de faire annuller, ou le perdront s'il maintient une stipulation d'hypothèque nulle dès le principe?

Non, ce n'est que respectivement à la partie qui aura contracté avec lui qu'il aura cette option, sans qu'elle puisse s'en plaindre, mais non respectivement à des tiers qui auraient acquis des droits hypothécaires dans l'intervalle. Je suis donc loin de partager l'opinion de plusieurs jurisconsultes, qui ont écrit et posé en principe que l'hypothèque aura pour date celle de l'inscription prise en vertu de l'acte primitif, si les créanciers intermédiairement inscrits du mineur ne se pourvoient pas dans les dix aus pour exercer l'action en nullité départie par la loi à leur débiteur.

172. 2o Les réflexious que nous venons de faire s'appliquent à la ratification que ferait un ex-interdit de l'hypothèque qu'il aurait consentie durant sou interdiction et cette ratification serait un nouvel acie en vertu duquel seul on pourrait prendre inscription.

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Si cette ratification était tacite, ou l'effet de la dé-· chéance encourue par l'interdit, par le laps de dix ans, à partir de la main-levée de son interdiction, il ne serait pas vrai de dire que l'inscription serait valablement prise en vertu de l'acte primitif, c'est-à-dire qu'elle rétroagirait à sa date.

Ele ne pourrait être prise en vertu de l'acte primitif,

et ne pourrait avoir de date qu'à partir de l'expiration des dix années.

Nec obstat que les créanciers hypothécaires euxmêmes aient gardé le silence pendant ce laps de temps; ils ne peuvent être présumés renoncer à des droits qui leur sont irrévocablement acquis, et dont ils sont en possession; et jamais une ratification, quelle qu'elle soit, ne peut leur nuire, à moins qu'elle ne fût expresse de leur part et sans réserve de leurs droits; mais leur débiteur, par son fait ou sa négligence, ne peut leur préjudicier. Ils peuvent perpétuellement opposer l'exception de la nullité de la vente ou de l'hypothèque illégalement consentie.

Je regarde donc comme erronée l'opinion d'un auteur moderne, qui a écrit que l'inscription prise en vertu de l'acte primitif pouvait avoir toute son utilité, lorsque le créancier, légalement inscrit dans l'intervalle, n'avait pas formé l'action en nullité dans les dix ans qui ont suivi la main-levée de l'interdiction, et que les créanciers légitimes hypothécaires doivent s'imputer de n'avoir pas demandé la nullité dans le délai prescrit. Quoi de plus nul, en effet, dans son principe, qu'une hypothèque prétendue consentie par un interdit qui n'a point de volonté ?

Il en serait autrement des créanciers légitimes chirographaires; ils ne sont point en possession d'un droit acquis et réel sur l'immeuble; il faut, dès-lors, qu'ils agissent par voie d'action, et l'exception dérivant d'un droit sur l'immeuble ne leur appartient pas.

3o Le mineur émancipé, qui n'a point consentî dans les formes légales l'hypothèque d'un ou de plusieurs de ses immeubles, peut la faire revivre par une ratification qui ne produira pas plus d'effet que celle du mineur non émancipé.

En effet, l'article 484 du Code civil dispose que le mineur émancipé ne pourra non plus vendre ni aliéner ses immeubles, ni faire aucun acle autre que ceux de

pure administration, sans observer les formes prescrites au mineur non émancipé; d'où il suit évidemment que le mineur émancipé ne pouvant faire que les actes de pure administration, est incapable de consentir seul une hypothèque qui est un principe d'aliénation, et dont la stipulation est un acte de propriété par-tout assimilé par la loi à l'aliénation, à la vente, à la donation entre-vifs, etc... Vainement dirait-on que quand l'obligation du mineur émancipé est valide, il doit en procurer l'exécution sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, et que le jugement rendu contre lui, à cet effet, produira une hypothèque générale bien plus considérable que l'hypothèque conventionnelle. S'il était permis de raisonner de la sorte, il en faudrait conclure que le tuteur serait maître d'hypothéquer les biens de son pupille, par la même raison que les condamnations prononcées contre lui, en cette qualité, donneraient également au créancier une hypothèque sur les biens du mineur. Voyez M. Proudhon dans son ouvrage intitulé Cours de droit français, tom. II, pag. 260, 261 et 262.

173. 4° La femme mariée ne peut ratifier l'acte par lequel elle aurait consenti une hypothèque sans l'autorisation de son mari ou de la justice, lorsqu'elle est requise, qu'à partir de la dissolution de son mariage; et cette ratification ou renonciation à l'action en nullité ne produira d'effet qu'à sa date.

Autrefois, l'incapacité de la femme étant absolue, on regardait l'acte auquel était attachée l'hypothèque comme absolument nul et non susceptible d'être confirmé; d'où l'on inférait que la ratification ne valait que comme nouvelle disposition, et ne pouvait rétroagir. Aujourd'hui cette nullité n'est, il est vrai, que relative, en ce sens qu'elle ne peut être opposée que par la femme, le mari ou leurs héritiers (art. 225, Cod. civ.); mais la nature de cette nullité ne change rien dans les effets de la ra

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tification ou de la renonciation qui est faite aux moyens de nullité ou exceptions, laquelle ne peut porter aucun préjudice aux droits acquis à des tiers, et ne date, dans ses effets, que du moment où elle est consommée, ainsi qu'il résulte des expressions générales de l'article 1338 : « L'acte de confirmation ou ratification d'une obligation << contre laquelle la loi admet l'action en rescision ou en «< nullité (cette expression générale comprend évidem«<ment l'action en rescision ou en nullité départie au mi<< neur, etc., par l'art. 1311), n'est valable que lorsqu'on « y trouve la substance de cette obligation, la mention << du motif de l'action en rescision, et l'intention de ré« parer le vice sur lequel cette action est fondée........ « La confirmation, ratification ou exécution volontaire.... «emporte la renonciation aux moyens et exceptions que « l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice « néanmoins du droit des tiers ».

Il résulte clairement des dispositions générales de cet article, que quelle que soit la nature de la nullité, la confirmation ou ratification emporte la renonciation aux moyens et exceptions, etc., sans préjudice du droit des tiers, et qu'en conséquence il n'est pas vrai de dire que cette limitation sans préjudice du droit des tiers ne doive s'appliquer qu'aux nullités absolues.

Il est si vrai que le législateur a compris dans l'art. 1338 les nullités respectives, qu'il a cru devoir faire, pour ce qui concerne les nullités absolues, une disposition taxative cosignée dans l'art. 1340 ainsi conçu : « La confirmation ou << exécution volontaire d'une donation par les héritiers ou «<ayans cause du donateur après son décès, emporte leur « renonciation à opposer soit les vices de forme, soit tout << autre exception. » Et comme les expressions du Code sont absolument les mêmes dans l'un et l'autre article, et que la ratification emporte toujours renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre l'acte

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ratifié, il s'ensuit que cette renonciation, quelle que soit la nullité, ne pourra jamais préjudicier aux tiers, et aura conséquemment, quant à ses effets, toujours la même date. Ecartons donc cette assertion, que les tiers sont non recevables à exciper de la nullité dérivant du défaut de formalités prescrites pour la vente des biens des mineurs, du défaut d'autorisation, etc.... Elle est démentie par les expressions générales de l'art. 1338, et ce qu'il y a de remarquable, c'est que cette limitation sans préjudice du droit des tiers, qu'on ne voudrait appliquer qu'aux nullités absolues, ne se trouve point dans l'art. 1340, mais spécialement au contraire dans l'art. 1338, plus particulièrement relatif à toute action en rescision ou en nullité.

174. En droit romain, l'aliénation ou l'hypothèque était nulle de droit lorsqu'elle n'était pas consentie dans les formes légales. Cette nullité n'était cependant réellement opposable que par le mineur, puisque devenu majeur, il pouvait ratifier l'acte invito adversario, ainsi qu'il résulte des l. 1 et l. 2, si major factus alienat. fact. sine decreto rat. hab. 1. cum interdictæ 6, C. arbitr. tutelæ, et que l'enseigne Ant. Faber, Cod. lib. 4 tit. 33 définit. 3, et cela soit expressément, soit tacitement. On a tenu néanmoins que cette nullité opposable par le mineur était absolue, parce qu'il était constant en droit romain que les droits acquis, dans l'intervalle, à des tiers, devaient être respectés. Et nous ne nous élèverons point contre cette prétention, en ce sens que toute nullité respective est véritablement absolue, quant aux droits postérieurement imprimés sur l'immeuble par le mineur, ou ceux qui le représentent dans la vie civile, avant sa ratification expresse

ou tacite.

175. Mais quand une fois cette ratification est intervenue, les créanciers postérieurs à cette ratification, ou même antérieurs, s'ils ne sont que chirographaires, ne pourrout exercer une action à laquelle le mineur, la feni

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