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propriété du fonds fût ensuite parvenue à un tiers possesseur qui aurait racheté l'usufruit, et qu'incontinent le créancier intentât contre ce tiers détenteur l'action hypothécaire; dans ce cas, le possesseur pourrait déduire l'usufruit, ou, en offrant la vraie et dernière estimation de la propriété acquise, retenir la propriété libre et affranchie de l'hypothèque. Pourquoi cela? parce que la consolidation de l'usufruit à la propriété n'est point arrivée ` ex veteri et preexistente causâ, mais au contraire ex causá nová. Cette consolidation est le fait personnel du tiers possesseur qui a voulu jouir pleinement de sa chose en joignant l'usufruit à la nue propriété qu'il avait acquise.

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Il en serait autrement si l'usufruit avait pris fin, et s'était consolidé à la propriété par la mort naturelle ou civile de l'usufruitier, parce que, dans ce cas, la consolidation serait l'effet d'une cause ancienne et préexistante.

Qu'arriverait-il au contraire si c'était par la renonciation de l'usufruitier que la consolidation s'opérât? Il faut considérer si c'est en faveur et en contemplation du propriétaire qu'il a remis son usufruit, ou si c'est pour cause rémunératoire, ou autrement. Si c'est en faveur du propriétaire, ou pour cause rémunératoire, le propriétaire aura le droit de déduire l'usufruit, mais il ne pourra faire cette déduction qu'autant de temps que vivra l'usufruitier, ou qu'aurait d'ailleurs duré l'usufruit s'il ne l'eût point racheté; autrement, le propriétaire ne pourrait pas exciper de la consolidation ex nová causa, laquelle dériverait d'une cause ancienne et préexistante au temps fixé par la convention, ou à la mort de l'usufruitier. L'utilité de ce rachat, en effet, ne subsiste et ne dure qu'autant de temps que l'usufruit, et elle disparaît si l'usufruit a cessé (1).

(1) Voyez Dumoulin, tom.1, tit. 1, Gloss. 4, in »o mettre en sa main.

191. Quant aux îles et aux atterrissemens, il faut distinguer entre celles qui se forment (560) dans le lit des fleuves ou des rivières navigables ou flottables, et celles qui se forment dans les rivières non navigables et non flottables (561). Les premières appartiennent à l'état s'il n'y a titre ou prescription contraire; les secondes appartiennent aux propriétaires riverains du côté où l'île s'est formée, et si l'île n'est pas formée d'un seul côté, elle appartient aux propriétaires riverains des deux côtés, à partir de la ligne qu'on suppose tracée au milieu de la rivière. Il se fait consolidation de l'île ou de la portion de l'île ainsi acquise, à la propriété hypothéquée, parce qu'elle se confond et s'unit à sa substance, et en forme une dépendance essentielle. Il en était ainsi d'après le droit romain, et selon Dumoulin lui-même, et cette consolidation, se trouvant portée par le Code sous le titre 2, dont l'article 546, veut que la propriété donne droit à tout ce qui s'y unit accessoirement, et sous le chapitre 2 du même titre, qui apprend, art. 551, que tout ce qui s'unit et s'incorpore à la chose appartient au propriétaire, il est bien certain que c'est propter causam præexistentem, par une vertu même de la propriété, que cet accroissement accède à sa substance per modum unionis, constitue cette même substance comme s'il n'en avait jamais été séparé, se revêt de toutes les qualités et conditions de la chose, et est pris pour la chose même ; d'où il résulte nécessairement que les îles et atterrissemens sont compris sous l'hypothèque comme le fonds même auquel ils sont unis.

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192.Ici s'élève une question dont nous avons déjà parlé, à laquelle donnent lieu les dispositions de l'art. 559 ainsi conçu « Si un fleuve ou une rivière navigable ou non, << enlève, par une force subite, une partie considérable « et reconnaissable d'un champ riverain, et la porte vers « un champ inférieur, ou sur la rive opposée, le pro

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priétaire de la partie enlevée peut réclamer sa propriété, « mais il est tenu de former sa demande dans l'année; « après ce délai il n'y sera plus recevable, à moins que a le propriétaire du champ auquel la partie enlevée a été « unie, n'eût pas encore pris possession de celle-ci. »> Si donc le propriétaire du champ auquel la partie enlevée a été unie, en avait pris possession dans le cours de l'année, et que le propriétaire de la partie enlevée eût négligé de former sa demande en revendication dans le courant de la même année, la portion de terrain ainsi unie à un fonds que nous supposons hypothéqué, serait-elle comprise sous l'hypothèque ? On peut dire pour l'affirmative, qu'il résulte du silence du propriétaire auquel la portion de terrain a été enlevée, et de la prise de possession de l'autre, une incorporation, l'union de cette partie enlevée à la substance même du fonds auquel elle est ajoutée; que l'art. 559 du Code, placé sous le titre qui parle de l'union ou de l'incorporation au droit de propriété, se sert du mot unie pour exprimer cet accroissement; que dès-lors cet accroissement accédant à la chose per modum unionis, la constitue, prend les qualités et conditions de cette chose, subit par conséquent, comme elle, l'hypothèque; que l'incorporation une fois opérée et l'union consommée ne laissent plus de traces; qu'il n'est plus possible de distinguer par la suite la portion unie de la propriété première; que, par conséquent, tout doit être confondu sous la même condition, et considéré comme la même substance.

On peut dire, pour soutenir la négative, que ce n'est plus par l'effet d'une cause ancienne et préexistante que cette accession s'opère, que ce n'est point par une succession de temps, ni par la vertu de la propriété qui incorpore et unit à soi les portions ajoutées par alluvion ou les îles formées dans une rivière, mais par l'effort subit et instantané d'un courant impétueux qui déchire le fonds

riverain pour ajouter tout à coup la portion ainsi enlevée à l'autre fonds; que c'est par conséquent ex causá nová que cette accession s'opère; que Dumoulin s'explique à cet égard de la manière la plus positive: Si non alluvione sed flumin is impetu pars alieni fundi adjiciatur et tanto tempore hæreat ut coalescat.... his et similibus casibus soli proprietario accedere et prodesse puto, et non fructuario: quia ista adveniunt prorsùs ex nová causâ et sic non augent usumfructum qui débet contineri limitibus actu vel potentiâ habituali inexistentibus tempore suce constitutionis. Per text. in 1. Rutilia Polla. ff. de contrah. emptio. et vend., et qu'il y a même raison de décider pour l'hypothèque que pour l'usufruit.

La décision de Dumoulin est exacte en soi, et toutes les fois que l'accession dérivera d'une addition à l'héritage produite ex causá nová, il sera vrai de dire qu'il ne se fera point d'incorporation à la propriété per modum anionis, et que la partie ainsi ajoutée en sera toujours censée distincte. Tant que cette séparation sera possible, dans le cas particulier, et que le terrain enlevé sera facilement distingué du fonds auquel il est joint, il ne pourra être considéré comme constituant la substance même du fonds hypothéqué, et il ne sera pas compris dans l'hypothèque. Mais s'il s'incorpore au fonds hypothéqué, de telle sorte qu'on ne puisse plus l'en distinguer, s'il ne forme plus un champ, un héritage à part, alors je pense qu'il sera impossible de le soustraire à l'hypothèque qui embrasse la totalité et chacune des parties du fonds hypothéqué. Pour donner à notre opinion tout le poids d'une décision, nous invoquerons Dumoulin lui-même, tom. I, tit. I, Gloss. IV, in verbo mettre en sa main.

<< L'alluvion, dit-il, augmente le fonds principal et << en devient une partie intégrante, et s'acquiert et se pos« sède sous les mêmes causes et qualités que le fonds au<< quel elle a été jointe. Cet accroissement fait partie du

« droit de propriété, de la possession, de la prescription, « du titre et des causes qui en font la base.

« Si cet accroissement est apparent et s'est uni au fonds, « sans pouvoir en être distingué, discerné ni séparé, il « est censé de même acquis et possédé sous les mêmes «< causes, titres et qualités que le fonds principal

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193. L'article 563 donne lieu à une autre question : «Si un fleuve ou une rivière navigable, flottable ou non, se forme un nouveau cours en abandonnant son ancien lit, porte cet article, les propriétaires des fonds nouvellement occupés prennent, à titre d'indemnité, l'ancien lit abandonné, chacun dans la proportion du terrain qui lui a été enlevée. »

Si le fonds nouvellement occupé avait été hypothéqué, l'hypothèque s'évanouirait-elle, ou frapperait-elle sur l'ancien lit pris en indemnité par le propriétaire? Nul doute que l'hypothèque doit frapper sur le terrain que la loi subroge au fonds occupé par la rivière, d'après la règle surrogatum sapit naturam ejus cui surrogatum est. Voët, de usufr. et quemadmodùm, etc., no 3o. S'il y avait aliénation du premier fonds et remploi, l'hypothèque ne frapperait pas l'immeuble acquis des deniers provenans de la vente du premier, parce que le lien de l'hypothèque ne serait point rompu par l'aliénation volontaire ou même forcée, et que la loi mettrait préalablement le créancier hypothécaire à l'abri de toute surprise en veillant à la garantie, et à la sûreté de son paiement. Si le premier fonds avait élé échangé contre un autre, le lien hypothécaire et les garanties du créancier n'en conserveraient pas moins toute leur force. Mais, dans le cas particulier, quelle serait la garantie du créancier si son hypothèque ne s'appliquait pas au lit de la rivière pris en indemnité, subrogé au lieu et place du fonds occupé? On peut même dire que cet ancien lit n'est autre chose que la substance même du fonds appartenant au débiteur, qu'il lui a suc

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