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effet dans la maison, ne commencent à en faire partie que lorsqu'elles y ont été attachées comme elles doivent l'être. Suivant cette règle, si une maison a été incendiée ou est tombée de vieillesse, les matériaux qui en restent conservent leur qualité d'immeubles tant qu'ils peuvent paraître destinés à la reconstruction de la maison; mais lorsque le propriétaire paraît avoir abandonné le dessein de reconstruire sa maison, ces matériaux séparés du sol sont choses meubles.

«6° Les choses attachées ou non attachées à une maison, qui seraient censées en faire partie si elles y avaient été mises par le propriétaire, ne sont pas censées en faire partie lorsqu'elles y ont été mises par un usufruitier ou un fermier, parce que le fermier ou l'usufruitier est censé ne les avoir placées que pour le temps de son usufruit ou de son bail ». Cela résulte du texte des articles 524 et 525 du Code, qui, dans la destination ou le fait d'attacher au fonds des objets à perpétuelle demeure, ne parlent taxativement que du propriétaire; mais à l'égard des choses attachées à fer ou à clou, que le fermier ou l'usufruitier a droit d'enlever, il nous semble qu'on devrait appliquer aux articles 524 et 525 l'exception établie par Pothier, que le propriétaire a droit de les retenir, en offrant de récompenser ledit fermier ou usufruitier du prix qu'elles valent.

Telles sont les règles tracées par Pothier, qui doivent nous diriger dans l'application des articles 524 et 525 du Code civil, qui expliquent ce qu'on doit entendre par immeubles par destination. Tout ce qui aura le caractère d'immeubles, d'après les règies sus-énoncées, sera donc compris sous l'hypothèque du fonds.

Il s'est élevé la question de savoir si un fonds de: commerce pouvait être fictivement regardé comme immeuble, et par suite hypothéqué. La négative n'est pas douteuse, et la cour de cassation l'a ainsi décidé par

un arrêt du 9 thermidor an 11, rapporté par Sirey, an 12, 1er cahier, pag. 29.

199. Mais ces accessoires réputés immeubles serontils soumis à l'hypothèque d'une manière absolue ou relative? Le seront-ils par eux-mêmes, per se, ou par relation à l'immeuble dont ils sont censés faire partie? Pour établir sur ce point des idées nettes et précises, il faut remouter à l'origine et à la nature du droit de propriété, et en mesurer l'étendue.

Le droit de propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue (544), pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les réglemens.

Le droit de propriété d'une chose, soit mobilière, soit immobilière, donne droit (545) sur tout ce qu'elle produit et sur ce qui s'y unit accessoirement, soit naturellement, soit artificiellement.

Le droit de propriété qui s'applique à un immeuble ne s'applique donc pas seulement à la substance première de cet immeuble, mais à tout ce qui s'y unit, s'y incorpore ou y accède. Cette accession ou incorporation n'est point simplement une addition, une adjonction à l'immeuble, mais elle pénètre dans sa substance, s'y incorpore, en devient une partie constitutive et intégrante, se revêt de ses qualités et conditions, et partage absolument le même sort qu'elle. Or cette incorporation peut être l'ouvrage de la nature, de l'homme ou de la loi : elle est l'ouvrage de la nature quand elle est produite par l'alluvion, par exemple; elle est l'ouvrage de l'homme, quand elle résulte de plantations et constructions faites sur l'immeuble; elle est celui de la loi, quand la loi, conférant à tel ou tel objet la qualité d'accessoire de l'immeuble, l'incorpore en quelque sorte à cet immeuble, et lui fait partager le même sort. Dans ce dernier cas, cependant, on conçoit qu'un objet meuble en soi, devenu

immeuble par la volonté de la loi, ne peut avoir ce caractère que par une fiction. La distinction des biens en meubles et immeubles n'est pas arbitraire, mais fondée sur la nature des choses; et il ne peut dépendre du législateur lui-même d'intervertir la nature des choses. Si les immeubles par destination ne sont tels que par une fiction de la loi, cette fiction doit être limitée et restreinte aux cas pour lesquels elle a lieu : car, elle ne saurait être absolue, d'après la maxime fictio non operatur ultrà casum. Ces cas sont ceux énoncés dans les articles 524 et 525 du Code civil, et expliqués dans les règles tracées ci-dessus. Toutes les fois donc que les accessoires réputés immeubles cesseront d'être attaches au fonds à perpétuelle demeure, par destination ou fixation et incorporation, ils cesseront d'être réputés immeubles; la fiction s'évanouira devant la réalité : ils redeviendrout meubles.

Reprenons le principe duquel nous sommes partis, que le droit de propriété consiste à disposer de sa chose d'une manière absolue, et s'applique à tout ce qui s'unit à la chose dans les trois modes d'incorporation que nous venoas d'expliquer. Il en résulte, d'une part, que le propriétaire peut changer, modifier sa chose, la détruire même sans que personne puisse y mettre obstacle, et d'autre part, que 1 s accessoires qui s'y sont incorporés naturellement, artificiellement ou légalement, subiront le même sort et les mêmes modifications sous la main du Baître. L'immeuble et ses accessoires ne forment qu'un tout, et chaque accessoire est une partie intégrante de ce tout. Le tout seul est passible de l'hypothèque; si le propriétaire démolit une maison dans l'intention d'en vendre les matériaux, le tout sera l'emplacement, et l'hypothèque ne frappera plus que ce tout; si le propriétaire chauge la forme de sou fouds, arrache une forêt, et la met en état de cul ure, le tout sera le champ cultivé; si le propriétaire détache des animaux destinés à l'exploitation

I.

de son domaine, ou des ustensiles ayant la même destination, ou les transporte à un tiers, le tout passible d'hypothèque ne sera que le domaine dégarni de ses bestiaux et ustensiles aratoires. En un mot, la substance de l'immeuble est seule susceptible d'hypothèque; tous les accessoires possibles ne sont autre chose que cette substance, et en sont par conséquent susceptibles, tant qu'ils sont la substance même de la chose; mais le propriétaire peut diminuer, détériorer, modifier, changer, anéantir même cette substance en vertu du droit de propriété ; tout ce qu'il en détachera, arbres, bestiaux, toiture, ustensiles, matériaux, cessera de faire partie de cette substance, d'être cette substance, et par conséquent d'être soumis au lien de l'hypothèque, sous les modifications que nous expliquerons dans l'appendice du chapitre 1er de la 3e partie; et ces objets rentreront, par la nature des choses, dans la classe des meubles qui, par eux-mêmes, n'en sont point susceptibles.

Si d'une forêt hypothéquée, par exemple, on tire du bois pour en faire un bâtiment, l'hypothèque sur la forêt ne passera pas à ce bois qui en est provenu: Si quis caverit ut silva sibi pignori esset, navem ex materid factam non esse pignoris, Cassius ait. L. 18. §. 3, ff. de pign. act.

On ne peut donc dire ni concevoir que les accessoires réputés immeubles soient absolument, et par eux-mêmes, ou isolément de l'immeuble auquel ils sont attachés, susceptibles d'hypothèque; cela serait contraire à la nature des choses.

200. Mais, dira-t-on, en vertu du droit de propriété, le propriétaire pourra-t-il donc diminuer, morceler, anéantir même le gage de ses créanciers? Saus doute il le pourra; mais, dans ce cas, la loi vient à leur secours en leur conferant, par l'article 2131, le droit de poursuivre dès à présent leur remboursement, ou d'obtenir un supplement d'hypothèque, en observant toutefois que la dis

I. DE L'HYPOTHÈQUE CONVENTIONNELLE. position de cet article ne peut s'appliquer qu'à l'hypothèque conventionnelle.

Si donc, en démolissant une maison pour en vendre les matériaux ; si en dégarnissant son domaine de bestiaux ou d'ustensiles nécessaires à son exploitation, ou en diminuant, de quelque manière que ce soit, même par des aliénations partielles, l'immeuble hypothéqué, le propriétaire commettait une dégradation telle que le gage devînt insuffisant pour la sûreté du créancier, il pourrait être privé du bénéfice du terme, et celui-ci pourrait, ou poursuivre dès à présent son remboursement, ou obtenir un supplément d'hypothèque. La séparation du meuble d'avec l'immeuble devrait être regardée comme une dégradation de l'immeuble hypothéqué et une détérioration de sa substance.

Pour mettre en pratique la disposition de l'article 2131, qui permet au créancier de poursuivre dès à présent son remboursement, ou d'obtenir un supplément d'hypothè que, il faut observer que le remboursement seul peut être exigé, et que le supplément d'hypothèque est seulement in facultate solutionis; d'où il resulte que le creancier ne peut conclure en justice coutre le débiteur, ni le faire exécuter que pour le remboursement, sauf au débiteur, s'il veut éviter ou arrêter les poursuites, à offrir un supplément d'hypothèque. C'est par la voie hypothécaire que le créancier se procurera son remboursement; d'où il suit qu'il le peut poursuivre dès à présent contre le tiers détenteur de l'immeuble, qui aura aussi le droit d'offrir un supplément d'hypothèque sur ses propres biens. Remarquons, au reste, qu'il n'est pas nécessaire que les dété riorations qui rendent le gage insuffisant, procèdent du fait du débiteur. Il suffit que, de quelque manière que ce soit, ce gage ait péri ou éprouvé des dégradations, de sorte qu'il soit devenu insuffisant pour la sûreté du créan

cier.

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