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La raison de l'option donnée au débiteur est que le débiteur ne peut être privé du bénéfice du terme que lorsqu'il a fait faillite, ou que, par son fait, il a diminué les sûretés fournies par le contrat.

Mais il ne suffit pas que les immeubles aient été insuffisans dès le principe, il faut qu'ils le soient devenus après la constitution d'hypothèque.

Cette insuffisance se règle, ou amiablement, ou en justice. Il faut comparer la valeur des biens, au moment de la demande, au capital de la créance auquel il faut joindre trois années d'intérêts, dont l'inscription conserve le rang. Si le débiteur n'offre pas le supplément d'hypothèque qui est in facultate solutionis, le créancier a hypothèque judiciaire en vertu de la sentence qui le condamne au remboursement. Si au contraire le débiteur offre ce supplément d'hypothèque, l'hypothèque ne date que des inscriptions.

Tant que le débiteur est solvable, les détériorations qui procèdent de son fait ne peuvent donner lieu qu'à un remboursement actuel, ou à un supplément d'hypothèque; mais s'il était insolvable, les détériorations, même antérieures à la saisie, donneraient lieu contre lui à des dommages et intérêts, ainsi que l'a jugé la cour royale de Paris.

201. Nous avons dit que parmi les accessoires d'un immeuble susceptibles d'hypothèque, on ne pouvait placer que les biens immeubles par destination, et qu'on doit exclure de l'art. 2118 les biens immeubles par l'objet auquel ils s'appliquent, à l'exception de l'usufruit seulement. C'est ce que nous allous établir et développer.

Sont immeubles par l'objet auquel ils s'appliquent (526), les servitudes ou services fonciers, les actions qui tendent à revendiquer un immeuble. Nous parlerons plus bas de l'usufruit des choses immobilières.

Ces choses sont, comme on voit, des choses incorpo

relles quæ in jure consistunt; elles ne sont donc pas proprement susceptibles de la qualité de meubles et de celle d'immeubles; car, ne subsistant que dans l'entendement, on ne peut pas dire, ni qu'elles sont transportables d'un lieu dans un autre, ni qu'elles ne peuvent changer de

lieu.

Si donc elles ont, l'une ou l'autre, de ces qualités, c'est par une fiction de la loi qui, ayant partagé en deux classes tout ce que nous avons in bonis, a dû les assigner à l'une ou à l'autre de ces classes. Il résulte de ces observations que ces droits incorporels ne sont point par euxmêmes susceptibles d'hypothèque; car l'hypothèque ne peut faire impression que sur un immeuble corporel et sensible.

202. Le droit hypothécaire suit la chose en quelques mains qu'elle passe, et consiste à la faire vendre; or, comment concevoir qu'un créancier puisse faire vendre une servitude active, par exemple, séparément du fonds auquel elle est attachée ? Comment pourrait-on en trouver un adjudicataire, puisque le propriétaire du fonds servant serait en droit de la refuser, en soutenant que son fonds ne doit point cette servitude à la personne, mais au seul fonds dominant?

Les servitudes sont des droits et qualités de l'héritage, qui ne font qu'une seule et même chose avec lui: Quid aliud sunt jura prædiorum quàm prædia qualiter se habentia, ut bonitas, salubritas, amplitudo; l. 86, ff. de verborum signif. Or, peut-on séparer, exproprier ou vendre, comme immeuble, une qualité, un droit qui fait partie de la substance de cet immeuble, qui ne fait qu'un tout avec lui ?

203. Par la même raison, l'hypothèque ne peut plus être par elle-même hypothéquée, quoiqu'un grand nombre de lois romaines le décidassent ainsi; car, quoique le droit d'hypothèque étant un droit dans un héritage, jus

in re, à ne le considérer qu'en lui-même, pût paraître être de nature immobilière, néanmoins ce droit d'hypothèque n'étant qu'un accessoire de la créance mobilière à laquelle il est attaché, il ne peut la rendre immobilière ; car ce n'est pas de la chose accessoire que la chose principale doit suivre la nature, c'est au contraire l'accessoire qui doit suivre le sort de la chose principale (1).

204. Il en est de même des actions qui tendent à revendiquer un immeuble; elles ne sont point par ellesmêmes des biens immobiliers, mais de purs droits incorporels. On ne peut, par la pensée, les sépa er de l'immeuble qu'elles tendent à faire rentrer dans notre domaine, sans qu'elles soient purement mobilières, ou sans qu'elles s'évanouissent. Ce n'est qu'en tant qu'elles s'appliquent à l'immeuble; ce n'est que comme partie intégrante de cet immeuble, comme le nerf même de notre droit de propriété appliqué à cet immeuble, que ces droits incorporels peuvent être appelés immobiliers; ils ne sont autre chose alors que l'immeuble lui-même, en tant qu'ils nous le font obtenir. De là vient cette maxime, qui actionem habet, ipsam rem habere videtur; l. 15, ff. de regul. jur., qui fait qu'on considère dans un droit la chose en laquelle il doit se réaliser, et qu'on ne le répute immobilier qu'autant qu'il se convertira en un immeuble.

Puisque ces actions ne sont autre chose que le droit de propriété sur l'immeuble, ou l'immeuble lui-même, il est facile de concevoir qu'elles ne peuvent être isolément hypothéquées; que l'immeuble seul peut être hypothéqué en tant qu'elles nous le font obtenir.

« Quand ce droit de propriété sera pur et simple, comme si un propriétaire a été dépossédé,-par violence, depuis plus d'un an (2) et jour, ou si un héritier légitime,

(1) Pothier, Traité de l'hypothèque.

(2) Voyez Répertoire de jurisp. 20 Hyp.

dont l'existence était ignorée, reparaît et trouve les biens de la succession dans les mains du non successible, il est clair que l'hypothèque sera pure et simple aussi.

Quand le succès de cette action sera subordonné à l'accomplissement de certaines conditions, l'hypothèque en dépendra aussi; mais elle ne pourra pas moins être consentie, aux termes de l'article 2125 ainsi conçu : « Ceux qui n'ont sur l'immeuble qu'un droit suspendu << par une condition, ou résoluble dans certains cas, ou sujet à rescision, ne peuvent consentir qu'une hypo<<thèque soumise aux mêmes conditions, ou à la même << rescision. »>

(

« Si donc le recouvrement de l'immeuble dépend d'une action en rescision, ou de l'action en réméré, l'hypothèque ne se réalisera et ne deviendra pure et simple qu'autant que les conditions auxquelles sont subordonnés la résolution de la vente et le retour de la propriété, se réaliseront elles-mêmes ; or, ces conditions (1) sont l'exercice de l'action dans les délais prescrits, le remboursement préalable des sommes reçues par le vendeur, l'existence de la lésion, l'adhésion de l'acquéreur à la rescision de la vente et au délaissement de l'immeuble.

« Les hypothèques que l'acquéreur aurait pu consentir de son côté dépendront de l'action intentée par le vendeur. Si cette action réussit, les hypothèques consenties par l'acquéreur n'étant que conditionnelles s'évanouiront, et celles consenties par le vendeur conserveront toute leur force à la date de l'inscription; si, au contraire, le demandeur en rescision ou résolution du contrat suecombe (2), les hypothèques qu'il aura consenties disparaîtront, et celles que l'acquéreur aura données à ses créanciers resteront dans leur intégrité et à la date de

(1) Répertoire de jurisprudence, ibidem. (2) Ibidem.

leur inscription; en sorte qu'on voit qu'il n y aura jamais concours sur le même immeuble d'hypothèques consenies par deux personnes différentes (1) ».

Il est bien certain que cette doctrine n'a rien de contraire aux dispositions de l'article 2129 du Code civil, qui porte que les biens à venir ne peuvent être hypothéqués ; les biens à venir, dans le sens bien entendu de cet article, Font ceux sur lesquels on n'a aucun droit actuel. Or, peuton dire que dans le cas où le débiteur a le droit de réclamer le délaissement d'un immeuble, soit en vertu de son titre de propriété pur et simple, soit en vertu de l'action en réméré ou en lésion, il n'a pas sur cet immeuble un droit actuel?

205. Les hypothèques consenties avant la transcription de la donation entre-vifs, et celle de la disposition avec

(1) Quid juris, si la vente d'un immeuble avait été faite sous pacte de réméré, dont la durée aurait été fixée, dans le contrat, à deux ans; que, dans l'intervalle, le. vendeur eût consenti sur l'immeuble ainsi vendu une hypothèque, et que l'acheteur en eût pareillement consenti une de son côté; que les deux années étant sur le point d'expirer sans action intentée de la part du vendeur, le délai du rachat ait été, par une nouvelle convention, prorogé de deux ans, moyennant une certaine somme d'argent payée par le vendeur? Le créancier du vendeur pourrait-il prétendre que son hypothèque peut encore se consotider par un effet de la prorogation du délai de rachat ? Le créancier de l'acheteur pourra-t-il soutenir, au contraire, que son hypothèque est consolidée par l'expiration du premier délai, ou, en d'autres termes, cette prorogation fait-elle partie du premier contrat, ou en forme-t-elle un second? Nous pensons qu'il faut distinguer: quant aux parties, qui prorogent, et respectivement entr'elles, ia prorogation ne change rien aux clauses, conditions et qualités du contrat primitif'; et entre ces parties il y a droit de réméré par et simple en vertu de ce premier› contrat de vente, et cela, soit que la prorogation ait eu lieu gratis vel aliquo dato. Mais quant aux tiers créanciers, il nous paraît que cette prorogation ne doit point préjudicier à leurs droits, et qu'en conséquence l'hypothèque du créancier de l'acquéreur est consolidée par l'expiration du délai de deux ans, originairement fixé pour le rachat; et que si le vendeur originaire exerce ensuite son droit de réméré, il devra satisfaire aux clauses de toutes les hypothèques consenties par l'acheteur durant le premier délai de deux ans, lesquelles primeront celles qu'il aurait luimême consenties.

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