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charge de rendre, sont valables, par la raison que les tiers intéressés peuvent opposer le défaut de transcription de la donation simple, et que la transcription de la disposition avec charge de rendre est le seul moyen par lequel les tiers puissent avoir connaissance de cette disposition. Mais dans quel délai doit se faire la transcription de la donation entre-vifs, et de la disposition avec charge de rendre? Le Code civil garde sur ce point un silence absolu, et nous pensons, avec M. Malleville, les auteurs des Pandectes françaises, et M. Grenier, qu'il faudrait incliner à adopter les délais des ordonnances de 1731 et 1747.

L'héritier nanti de biens grevés de substitution peut les hypothéquer, puisqu'il en est conditionnellement propriétaire. Cette hypothèque sera conditionnelle aussi, et s'évanouira si la substitution a lieu.

206. Quid juris, si deux choses, l'une meuble et l'autre immeuble, étaient dues au débiteur sous une alternative, et si le débiteur avait hypothéqué d'avance l'immeuble qui lui aurait effectivement été donné en paiement par la suite?

« La qualité de l'action, ou de la créance du débiteur, dit Pothier, en son Traité de la communauté, pag. 522, n° 74, est en suspens jusqu'au paiement; elle est censée avoir été immobilière, si c'est l'immeuble qui est payé, ou mobilière si c'est le meuble. Par exemple, si quelqu'un m'avait légué une telle maison, ou la somme de dix mille livres, la créance qui résulte de ce legs qui m'était dû lors de mon mariage sera censée une créance mobilière qui, comme telle, est entrée en la communauté légale, si par la suite c'est la somme de dix mille livres qui m'est payée; au contraire, elle sera censée avoir été immobilière, si c'est la maison qui m'est délivrée. »

! La solution de notre question nous semble résulter clairement de cette doctrine; l'hypothèque sera suspendue

par la condition de la délivrance de l'immeuble. Si l'immeuble, la maison léguée, par exemple, est délivré au débiteur, il sera censé en avoir été propriétaire à dater du décès du testateur (art. 1014), puisque cette propriété lui est transmise ipso jure et rectâ par le décès du disposaut; et par conséquent l'hypothèque subsistera à la date de son inscription.

Il en serait de même si le testateur, au lieu de laisser le choix à l'héritier chargé du legs, en avait accordé le choix au débiteur; c'est le choix que ferait le débiteur de la maison ou de la somme d'argent, qui déciderait de l'existence de l'hypothèque.

208. Quid juris, s'il n'y avait qu'une chose due, quoiqu'avec une faculté accordée à celui qui la doit de payer une autre chose à la place ? C'est la nature de la chose due qui réglerait la qualité de la créance, et non celle de la chose qui aurait été payée à sa place : par exemple, dit Pothier, «Si quelqu'un m'a fait un legs en ces termes : je lègue à << un tel la somme de dix mille livres, en paiement de la« quelle il sera néanmoins permis à mon héritier de lui « donner une telle maison qui est de la valeur de ladite « somme, la créance qui résulte de ce legs qui m'a été « fait, n'est pas une créance alternative de la somme de « dix mille livres, ou de la maison: la somme de dix <<< mille livres est la chose due; la maison qu'on peut me « payer à la place de cette somme ne m'est pas pro« prement due; elle n'est pas in obligatione, elle n'est «que in facultate solutionis. C'est pourquoi cette «< créance étant la créance d'une somme d'argent qui est «la seule chose due, est une créance mobilière qui, en « cette qualité, si le legs n'était pas encore acquitté lors « de mon mariage, entrera dans la communauté légale; « et quoique, par la suite, le débiteur m'ait donné la << maison en paiement de cette créance, suivant la faculté « qu'il en avait, elle ne laissera pas d'être réputée avoir

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«été une créance mobilière, et la maison qui m'a été «donnée en paiement appartiendra à la communauté. «< comme ayant été donnée en paiement d'une créance qui <<<< lui appartenait. »

Si donc la maison qui n'était point in obligatione, mais in facultate solutionis, avait été hypothéquée par le débiteur avant que la délivrance lui en fût faite, cette hypothèque serait nulle parce qu'elle porterait sur un bien à venir, sur un bien sur lequel le débiteur n'aurait aucun droit actuel. La délivrance qui lui en sera faite par la suite sera le seul titre de propriété qu'il aura de cette maison, et ce n'est qu'à dater de cette transmission de propriété que l'hypothèque serait valable, si elle était de nouveau consentie et stipulée dans un acte authentique.

209. « Les rentes constituées, selon la coutume de Paris et le droit (1) commun, étaient autrefois réputées immeubles, et pouvaient être par conséquent hypothéquées.

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Lorsque ces rentes se constituaient par forme d'assiette sur un héritage duquel le constituant se dessaisissait, jusqu'à concurrence de la rente, au profit de celui à qui elles étaient constituées, ces rentes étant alors un droit que le créancier avait dans l'héritage sur lequel elles étaient constituées, il ne pouvait alors être douteux que ces rentes devaient être assignées à la classe des biens im, meubles. Mais depuis que ces rentes n'ont plus élé regardées que comme une créance personnelle que le créancier de la rente a contre celui qui s'en est constitué le débiteur envers lui; depuis que les rentes se constituent sans assignat spécial sur aucun héritage, et même par des personnes qui n'en possèdent aucun, et que même lorsqu'elles sont constituées avec un assignat spécial sur un certain héritage, cet assignat n'est regardé que comme un droit

(1) Pothier, en son Traité de la communauté.

d'hypothèque spéciale (1), qui n'est qu'un droit accessoire à la créance personnelle dans laquelle consiste la rente, on a beaucoup agité (avant le Code civil) la question de savoir, dit Pothier, si les rentes ne devaient plus être assignées qu'à la classe des biens immeubles, ou si elles devaient encore être assignées à celle des immeubles.

« La raison pour les assigner à la classe des meubles était qu'une rente constituée n'est autre chose que la créance d'autant de sommes d'argent qu'il courra d'années depuis la création de la rente jusqu'au rachat; créance par conséquent mobilière, rien n'étant plus meuble que des sommes d'argent.

« La raison qui faisait soutenir le contraire était que la rente est un être moral et intellectuel, distingué des arrérages, puisque le créancier les perçoit sans entamer ui diminuer l'intégrité de la rente. On opposait, il est vrai, que la créance du prix d'un fonds vendu est exigible quoique les intérêts soient payés; à cela on répondait qu'il n'en est pas de même du capital de la rente, et que les arrérages seuls sont meubles, parce que le remboursement du capital n'est point au pouvoir du créancier, mais en celui du débiteur in facultate luitionis.

<< La coutume d'Orléans avait suivi sur la nature des rentes constituées, la disposition de la coutume de Paris qui les réputait immeubles, et la jurisprudence l'avait adoptée pour les coutumes qui ne s'en étaient pas expliquées, ce qui s'appliquait également aux rentes viagères dans lesquelles on supposait un être moral et intellectuel, distingué par l'entendement des arrérages qui étaient

(1) L'assignat de certains immeubles au service et à la sûreté d'une rente serait, de nos jours, équipollent à une stipulation d'hypothèque, pourvu que cette assignation de tels et tels héritages soit spéciale et faite dans les formes voulues par la loi, pour la constitution de l'hypothèque conventionnelle, alors même que le mot hypothèque ne serait point proféré.

regardés comme les fruits civils desdites rentes. Les rentes étaient donc, dans ces coutumes, susceptibles d'être hypothéquées. >>

210. Mais le Code civil a tranché les difficultés que cette variété de jurisprudence pouvait faire naître, en déclarant toutes les rentes meubles, et les rentes foncières essentiellement meubles et rachetables (art. 529 et 530); en sorte qu'aucune rente 'n'est aujourd'hui susceptible d'hypothèque. Le capital de la rente viagère est, il est vrai, irrévocablement aliéné; mais cette rente n'est pas moins meuble, et on en assurera le service, en cas d'aliénation de l'immeuble hypothéqué, en prenant sur tous les biens de quoi la servir pendant la vie du créancier de cette rente, si le prix de l'immeuble est d'ailleurs insuffisant.

La cour royale de Paris a décidé, par arrêt rapporté au Journal du palais, t. I, 1814, pag. 506, qu'un rențier viager, en se présentant à l'ordre du prix de l'un des trois immeubles hypothéqués à sa rente, situés dans divers arrondissemens, était censé spécialiser son hypothèque et la restreindre à l'immeuble dont on va distribuer le prix; qu'il consentait par-là une espèce de novation dont l'effet est de substituer un débiteur à un autre, et qu'en conséquence la première obligation et tous ses accessoires s'évanouissaient.

Cette décision me paraît sévère. Le rentier viager, par cela même qu'il a irrévocablement aliéné le capital de sa rente, doit trouver dans les immeubles hypothéqués une garantie certaine pour le service de la rente, sa vie durant, et loin de limiter cette garantie à un immeuble, je crois que les tiers acquéreurs ou les créanciers devraient mettre en réserve une somme suffisante pour assurer le service de la rente.

211. Ces dispositions du Code n'embrasseraient pourtaut point les actions de la banque de France. D'après

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