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l'art. 7 du décret du 16 janvier 1808, les actionnaires. peuvent leur donner la qualité d'immeuble, en en faisant la déclaration dans les formes prescrites pour les transferts, et cette déclaration une fois inscrite sur le registre, ces actions devenues immeubles restent susceptibles de priviléges et hypothèques comme les propriétés foncières, en sorte que l'acquéreur qui les achètera devra faire transcrire son contrat, et remplir toutes les formalités établies par le Code pour purger les priviléges et hypothéques. Il enest de même des actions des canaux immobilisés.

Quant aux rentes sur l'état, elles ne peuvent être immobilisées, aux termes de l'art. 2 du décret du 1er mars 1808, que pour en former des majorats; d'où il suit qu'elles ne sont point susceptibles d'être hypothéquées, puisque les biens qui composent les majorats ne sont point susceptibles d'hypothèques.

212. L'article 2118 déclare l'usufruit des choses immobilières susceptible d'être hypothéqué, mais cet article parlant taxativement de l'usufruit des choses immobilières qui fait, aux termes de l'art. 526, partie des immeubles par l'objet auquel il s'applique, il est de plus fort démontré par-là même qu'il exclut les autres, et par conséquent les servitudes ou services fonciers, et les actions tendantes à revendiquer un immeuble.

213. Ce qui fait distinguer, en ce qui concerne l'hypothèque, l'usufruit des autres droits réels, c'est que l'usufruit peut être aliéné en ce sens que la perception des fruits, commoditas ususfructûs, peut être transmise à un tiers : car c'est une règle générale que les choses qui peuvent être aliénées peuvent être hypothéquées (si ce sont d'ailleurs des immeubles); c'est ce qui résulte de la 1. sed et quod de pign., où le mot venditio s'applique à toute espèce d'aliénation; de la l. sicut §. venditionis, quibus mod. pign. vel hypoth. solv., etc...; et au contraire, les choses qui ne peuvent être aliénées ne peuvent être hypothéquées. Or,

les servitudes (soit rustiques, soit urbaines) étant dues par un héritage, pour l'utilité d'un autre héritage, ne peuvent être ni léguées ni cédées à un tiers non-seulement en elles-mêmes, mais quant à l'usage et à la commodité qui y est attachée.

214. La règle que nous venons d'énoncer nous couduit à la question de savoir si le propriétaire peut hypothéquer l'usufruit de son immeuble, quand il n'est point encore séparé de la propriété.

Le S. ususfructus in l. si quis de pign. ne répond point à cette question, il se borne à décider que l'usufruitier peut hypothéquer son usufruit.

Dumoulin prétend que c'est par la raison que la question est trop simple en elle-même, et n'a pas besoin de réponse; et en conséquence, il estime que l'hypothèque consentie par le propriétaire lui-même a quelque chose de plus avantageux et de plus efficace, est pinguior, alors même que le propriétaire n'a point constitué d'usufruit à son créancier, et qu'il ne l'ait point mis en possession de cet usufruit; que s'il ne paie pas son créancier, ce créancier, ou celui à qui il aura cédé son droit, revendiquera par la voie hypothécaire l'usufruit qui doit être constitué, et même le vendra à un tiers; que, sur le point de savoir si cet usufruit se doit mesurer à la vie du débiteur, du créancier ou du tiers acquéreur, il faut avoir égard à ce qui a été géré lors de la convention, et dans le doute, il se doit mesurer à la vie du créancier ou de celui à qui la promesse ou l'hypothécation en a été faite. Mais quant au droit d'usufruit constitué ou à constituer, il ne peut être cédé, mais seulement l'utilité vel commoditas de cet usufruit, à moins qu'il ne soit de nouveau cédé à un tiers par. le propriétaire lui-même, qu qu'il n'ait élé expressément convenu que l'usufruit passerait d'héritier en héritier, ou de cessionnaire en cessionnaire, jusqu'à l'entier paiement. de la dette, parce qu'alors ce sont autaut d'usufruits nou

veaux constitués en faveur de chaque successeur, lesquels doivent finir par le paiement de la dette, et retourner à la propriété. V. part. 3 du Traité de divid. et individ., 110s 324, 325, 326 et 327.

Nous pourrions ajouter à ce que dit Dumoulin sur le S. ususfructus, etc..., que l'usufruit non séparé de la propriété est, en quelque sorte, le seul susceptible d'hypothèque, par la raison qu'il fait seul partie du domaine de l'immeuble, et que l'hypothèque n'est autre chose qu'un droit dans le domaine, accordé par le propriétaire luimême qui n'a pas ce droit d'hypothèque formaliter, mais eminenter ou causaliter, c'est-à-dire tout ce en quoi le droit d'hypothèque consiste.

Le domaine de l'immeuble ou du fonds se divise, en effet, en deux parties: l'usufruit et la propriété, et cette division n'est pas purement métaphysique, ni dans le langage des jurisconsultes, ni dans ses effets.

Dans le langage des jurisconsultes, Paul in l. si ità 126, § Titius 1, ff. de verbor oblig. dit: Minùs esse in eo usufructu, quem per se quis promisit ( id est separatum à proprietate), quàm in eo qui proprietatem comitatur. Pomponius, en parlant de celui qui dans le principe avait l'usufruit nu, et qui ensuite a acquis la propriété de la chose, dit qu'il a eu un premier et un second usufruit, et que le dernier lui appartient en vertu de la même cause que la propriété du fonds: Qui ex illâ causâ, ex quá fundus meus erat, meus factus est, quoniam postquàm nactus sum proprietatem fundi, desinit meus esse prior usus fructus et jure proprietatis, quasi ex nová causâ rursùs meus esse cœpit. L. si cùm argentum, 21 §. si fundum 3,ff. de except. rei judic.

Il est dit dans le §. 1, instit. de usufr. et quemadmodùm, etc. : Quòd ususfructus dicitur à proprietate separationem recipere, et dans la loi uti frui 5, ff. si ususfruct. pet., que celui qui a la propriété non habere separatum

utendi fruendi jus, ce qui donne clairement à entendre que le domaine présente l'idée de la conjonction de l'usufruit avec la propriété. Enfin, Paul dit, l. ususfructus 4, ff. de usuf. et quemad. : Usumfructum in multis casibus dominii partem esse; et le célèbre Papinien, in l. cùm filius 76, §. dominus 2, ff. de legatis, professe que l'usufruit doit être considéré comme une partie du domaine, portionis instar obtinere, toutes les fois qu'il est joint à la propriété, en sorte que celui qui joint l'usufruit à la propriété est dit avoir le domaine plein et entier de la chose, etc... Et il résulte clairement de la l. qui usumfructum 58, ff. de verb. oblig., que le domaine se compose de deux parties intégrantes, la propriété et l'usufruit. (V. Voet in tit. f. de usufr. et quemadmodùm, etc...

Cette division n'est point une subtilité dans ses effets. La loi si à reo 70, §. si reo 2, ff. de fidejuss., nous apprend que quand le défendeur principal doit un fonds, un fidéjusseur peut être légalement donné et reçu pour sûreté de l'usufruit, ce qui ne se pourrait pas si l'usufruit n'était pas considéré comme une partie du domaine; la l. fundo 2, pr. et §. 1, ff. de adimend. vel transfer. legatis, nous apprend que celui qui a légué d'abord son fonds peut ensuite en détacher l'usufruit, en ne laissant dans le legs que la nue propriété, ou vice versa, en détacher la propriété en ne laissant dans le legs que l'usufruit nu; ce qui ne se pourrait faire si le domaine ne se composait de la propriété et de l'usufruit, comme parties, puisqu'on ne peut enlever par testament, en partie ou en totalité, que ce qui a été donné d'abord. Enfin, le droit d'accroissement qui a lieu entre deux légataires auxquels simultanément l'usufruit du même fonds a été laissé, ne cesse pas d'avoir lieu entr'eux, alors même que l'un d'eux a acquis la propriété, ou que l'usufruit s'est consolidé sur sa tête, ainsi que l'atteste Ulpien in l. idem Neratius 3, §. ult.,ff. de usufr. accrescendo. (V. Voël ibidem).

Ainsi la division du domaine en propriété et en usufruit a un fondement solide, et produit dans la pratique des effets réels. Dès-lors il paraîtrait raisonnable de considérer l'usufruit, en tant qu'il est une partie du domaine, comme susceptible d'hypothèque, l'hypothèque ne pouvant être consentie que par celui qui a le domaine, et l'usufruit cessant d'être une partie du domaine dès l'instant qu'il est séparé de la propriété.

215. Cet usufruit joint à la propriété, qui est censé ne la pas quitter, est appelé causalis par les jurisconsultes, à l'instar du prix d'une chose qui est appelé præsens, en tant qu'il suit et accompagne la chose, se mesure à sa valeur réelle et présente, d'après l'usage commun et l'utilité présente des hommes, en sorte que celui qui a la chose est censé en avoir le prix, puisqu'en tout temps il la peut faire vendre publiquement; au contraire, l'usufruit qui est séparé de la propriété, est appelé formalis à l'instar du prix déterminé, non par l'estimation et l'utilité communes, mais par l'affection particulière, et l'utilité ou l'opinion de chaque individu en particulier, lequel prix est appelé formel, selon Ulpien. L. in lege falcidia 62, §. 1, ff. ad leg. falcid.

Or, dès l'instant que l'usufruit cesse d'être une partie du domaine, qu'il devient formel, ou ce qu'on appelait une servitude personnelle, on conçoit qu'il n'offre plus autant de matière à l'hypothèque dont le caractère propre est d'être comprise dans le domaine eminenter, de n'en pouvoir être séparée, et de suivre incessamment la chose d'après son prix appelé præsens, et sa valeur réelle et présente. Dumoulin avait donc raison de dire en parlant de cette hypothèque sur l'usufruit non séparé de la propriété, est pinguior hypotheca.

Quelque fondées en droit et en raison que nous paraissent être ces considérations, il ne semble pas, au premier abord, qu'il ait été dans l'intention de la loi qu'une hy

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