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nihil agit quant à la translation ou l'abandon du domaine; que celui qui vend un immeuble appartenant à autrui nihil agere, quant à la translation de la propriété. Toutefois la tradition ou la prise de possession par l'acquéreur peut être la suite de ces contrats illégaux et nuls; le titre de cet acquéreur peut être putatif, fondé sur une juste erreur dc fait, et servir de base à la prescription quand il a acquis l'immeuble d'autrui.

Il est important, dans l'intérêt des possesseurs en général, de n'être pas indéfiniment inquiétés dans leur possession par ceux-là même avec lesquels ils ont contracté, et nonobstant que le tuteur, le mineur, le vendeur du bien d'autrui nihil agunt quant à la translation du domaine, comme on ne peut pas dire que nihil egisse quant à la possession livrée ou prise par l'acquéreur, la loi limite le temps pendant lequel ce nouveau possesseur pourra être troublé ou l'action en nullité intentée à dix aus, respectivement aux parties contractantes entr'elles. Mais il n'en est pas moins vrai que de fait le domaine n'a pas cessé de reposer sur la tête du propriétaire, et si la loi a sacrifié, dans certains cas, à la tranquillité des possesseurs, ce droit de domaine par une innovation à l'ancienne jurisprudence qui (1) ne limitait à dix ans que les

(1) Je dis dans certaines coutumes, car François Ier avait tranché les difficultés qui s'élevaient encore sur la durée de l'action en rescision et en nullité, après l'ordonnance de Louis XII, du mois de juin 1510, qui avait fixé la durée de l'action en rescision à dix ans, et l'ordonnance de François Ier lui-même, du mois d'octobre 1535, chap. 8, art. 30. François Ier termina ces difficultés par l'article 134 de l'ordonance de Villers-Cotteret, du mois d'août 1539, en décidant qu'après l'âge de trente-cinq ans accomplis, le majeur ne pourrait plus poursuivre ni déduire la cassation des contrats faits en minorité, en demandant ou en défendant, soit par voie de restitution ou autrement, soit par voie de nullité.

Le Code, en consacrant cette disposition de l'ordonnance de 1539, n'a point, comme cette ordonnance, limité à dix ans la durée de l'exception, qui est essentiellement perpétuelle.

actions en rescision, et faisait durer trente ans les actions en nullité dans certaines coutumes, la loi n'en a ainsi disposé qu'autant que le contrat illégal ou nul, aurait reçu son exécution par la tradition de la chose; autrement, et si un interdit, par exemple, n'avait point livré la maison dont il avait fait la vente durant son interdiction, il repousserait en tout temps l'acquéreur revendiquant l'immeuble par l'exception perpétuelle de son incapacité originaire, et ce serait le cas de l'application de la règle quæ temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum. V. Godefroy sur la loi 5, C. de exceptionibus.

222. Ainsi, ne confondons point l'abdication de la possession, nonobstant la protection particulière et exorbitante accordée aux possesseurs, avec la translation réelle et effective du domaine, et concluons, pour en revenir, après cette digression, à notre première proposition, que la cession du droit d'usufruit à un tiers n'opère rien quant à l'extinction de cet usufruit, dont l'usufruitier ne peut être par ce géré, dépouillé, et que par suite, l'hypothèque qui affectait ce droit d'usufruit he continue pas moins de subsister, et que, jusqu'à l'extinction réelle de l'usufruit, le créancier hypothécaire aura le droit de faire vendre ce qui restera à courir de la jouissance, entre quelques mains qu'elle se trouve, pour se remplir de sa créance.

223. Ajoutons qu'alors même que l'usufruitier renoncerait à son droit en faveur du propriétaire, il ne pourrait, comme nous l'avons déjà observé dans ce §. no 190, préjudicier par-là au créancier ayant hypothèque sur l'usufruit.

224. Enfin, l'usufruit s'éteignant par la perte totale de la chose sur laquelle il était établi, l'hypothèque s'éteindra pareillement. Mais l'usufruit, et par suite l'hypothèque, revivrait-il si la chose était rétablie, ou sa première forme? Il y a sur ce point dissidence entre les juriscon

sultes; mais on peut, selon Voët, concilier leurs opinions au moyen d'une distinction: si la chose n'est pas la même numero, mais qu'une chose semblable ou une forme pareille ait été rétablie, l'usufruit reste éteint. Ainsi, lorsqu'une maison démolie ou détruite a été reconstruite, ou qu'une nouvelle maison a été faite à la place de l'ancienne, l'usufruit ne renaît point sur cette nouvelle maison, l. qui usumfructum 36, f. et usufruct. et quemadm. quis utat. l. quid tamen 10, §. non tantùm 1, ff. quib. mod. ususfr. ; et en cela le droit d'usufruit diffère de l'hypothèque imprimée sur la propriété, qui s'appliquerait à la nouvelle maison élevée à la place de l'ancienne. L'hypothèque sur cet usufruit n'aura donc pas le même sort que l'hypothèque sur la propriété.

Quoique l'usufruit cesse d'exister par l'imposition d'une maison sur l'emplacement destiné à l'usufruit, si la maison est démolie ou détruite, l'usufruit revit sur l'emplacement, et par suite l'hypothèque sur cet usufruit, l. qui usum fructum 36, pr. l. si in areá 71, ff. de usufructu et quemadm. quis utatur, l. repeti 5, §. ultim. 1. 6. 7, f. quibus mod, usus fr, Vid. Voël, en son Commentaire sur le titre Quibus mod. ususfruct... no 510.

225. La jouissance d'un immeuble n'est pas seulement modifiée en usufruit, elle peut l'être en antichrèse et en bail à ferme. Nous donnerons dans la troisième partie de cet ouvrage quelques développemens sur la manière dont le créancier pourra exercer son, droit de suite sur l'immeuble dans ces deux cas.

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226. Nous terminerons ce S. par l'explication de l'article 2119, ainsi conçu : « Les meubles n'ont point de suite par hypothèque. ». ...Nous avons vu que les meubles étaient susceptibles de privilege, qu'ils l'étaient aussi d'hypothèque, quand ils étaient au rang des immeubles par destination, conjointement et indivisiblement avec le fonds dont ils étaient

l'accessoire; mais que le propriétaire n'avait pas moins la libre administration et disposition de ces objets. Il peut dégarnir sa ferme des bestiaux ou ustensiles aratoires nécessaires à son exploitation, et leur rendre ainsi leur qualité de meubles; il peut vendre le meuble sujet au privilége. Dans ces cas, le lien de l'hypothèque et du privilége est rompu. Ces meubles ne peuvent plus être suivis dans la main des tiers, à l'exception des meubles garnissant la maison ou la ferme, qui peuvent être saisis et revendiqués dans la main des tiers, par le propriétaire de la maison ou de la ferme, lorsqu'ils ont été déplacés sans son consentement. C'est en conséquence aux meubles affectés d'un privilége, ou réputés immeubles par destination, que s'applique la règle que les meubles n'ont point de suite par hypothèque. Autrement, cette disposition de l'article 2119 serait surabondante, puisque l'article 2118 a déjà déclaré que sont seuls susceptibles d'hypothèques les biens immeubles et leurs accessoires.

227. L'article 2120 porte : « Il n'est rien innové par le présent Code aux dispositions des lois maritimes concernant les navires et bâtimens de mer. »

Les navires et les autres bâtimens de mer sont meubles; cependant, l'intérêt du commerce a porté le législateur à les excepter par l'article 2120 des règles générales, et à faire à leur égard des dispositions particulières qui, sous certains rapports, les assimilent aux immeubles. Il faut, à cet égard, voir M. Pardessus, dans ses Élémens de jurisprudence commerciale, où il développe, avec son talent et sa méthode ordinaires, les droits des créanciers du vendeur d'un navire; part. 3, titre 1, chapitres 1 et 3, et le mode de les purger. Voyez ce que nous en avons dit, ire partie, appendice au chapitre deuxième.

APPENDICE A CE PARAGRAPHE.

228. Si qu immeuble est hypothéqué à deux créan

ciers successivement par le non-propriétaire auquel le domaine n'est point acquis, mais qui a juste titre et bonne foi, de telle sorte que la prescription de cet immeuble soit possible, l'hypothèque consentie en premier lieu devra obtenir la préférence; car, quoique le débiteur n'ait pu obliger une propriété qu'il n'avait point encore, il a pu cependant obliger sa possession et le domaine fictif en vertu duquel l'action publicienne lui compétait, de la même manière que l'usufruilier oblige son droit juxtà 1. si is qui bona 11, §. ususfructus. 2, ff. de pign. et hypoth.; d'où il a paru juste de conclure que celui à qui cette constitution d'hypothèque avait été faite, avait à sa date un droit de préférence. Le préleur, en effet, le protégeait par l'action servienne, comme il protégeait le débiteur par l'action publicienne, l. si ab eo 18, ff. de pign. et hyp. En vertu de la publicienne, si deux individus ont acheté du non-propriétaire, celui qui possède est préférable, parce que le droit naît et se mesure sur la tête du possesseur, tandis qu'au contraire le droit d'hypothèque s'estime par celui du débiteur qui, ayant affecté la possession ou le domaine fictif, doit faire préférer le créancier à la date de la constitution d'hypothèque, c'està-dire de l'inscription. Voyez Voët, de pign. et hyp. Il n'est pas douteux que l'action publicienne et l'action servienne, fondées comme toutes les actions prétoriennes sur l'équité, soient maintenues sous le Code.

229. L'hypothèque ainsi constituée s'applique à toute l'étendue de l'héritage qui y est, dès le principe, affecté. Nec obstat quand on prescrit in augmentum, qu'il soit constant que l'héritage, dès le principe, a été renfermé dans des limites certaines, et que les champs limitės ne reçoivent point d'augmentation, sur ce que dans la l. in agris, ff. de acqui. rer. domin., il est parlé d'une limitation faite gratiá taxationis. Car, dans le doute, les limites sont censées énoncées non ad taxationem, mais ad de

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