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et de cautionner leurs époux. Ce statut, purement personnel dans sa première partie, en ce qu'il ne frappait que la capacité des femmes mariées, filles ou veuves, a été aboli en 1606, en France, par un édit de Henri IV; mais dans tous les pays où cet édit d'abolition n'avait point été enregistré et daus ceux de droit écrit, le sénatus-consulte Velleïen a conservé son empire jusqu'à la promulgation du Code qui l'a complètement abrogé.

On n'admettait donc, dans l'ancienne législation, les principes sus-énoncés qu'à l'égard d'une femme qui, sous puissance de mari, avait contracté sans être autorisée, dans les pays où le Velleïen était aholi; et les hypothėques consenties par elle ou par des tiers, pour raison de ce contrat qui était nul, étaient nulles aussi. Par où l'on voit que notre droit français regardait comme susceptible d'hypothèque l'obligation naturelle du mineur, puisqu'il ne frappait de nullité que celle de la femme et l'hypothèque qui y accédait, et s'il en était ainsi pour l'obligation de la femme, c'est parce que la nullité qui la viciait pour défaut d'autorisation, était regardée comme absolue et dérivant de l'ordre public. L'obligation de la femme contractée pour son mari, n'était pas moins nulle malgré l'abolition du Velleïen, lorsqu'elle s'était mariée sous l'empire du droit écrit, et qu'elle avait adopté le prescrit de la loi des lieux où les biens à elle constitués par contrat de mariage étaient dotaux et par conséquent inaliénables. Un tel engagement, contracté avant le Code, serait nul même sous l'empire de ce Code.

Du reste, ou reconnaissait que ces engagemens renfermaient, en quelque sorte, soit de la part du prodigue soit de la part du mineur ou de la femme, une obligation naturelle dans le for de la conscience. Mais l'anathême prononcé par la loi pour défaut d'autorisation du mari, et par le Velleïen, dans les pays où il était encore en vigueur, était absolu, et il ne restait rien de l'engagement

de la femme qui pût servir de fondement à l'hypothèque, par cela qu'il était réprouvé pour le tout.

234. De nos jours, l'obligation naturelle dérivant de ces engagemens subsiste parce que parce que le mineur, le prodigue et la femme mariée ne sont point frappés d'une incapacité absolue; mais quant au mineur. il faut qu'il soit sorti des années de l'enfance pour qu'il puisse rester de l'engagement qu'il contracte une obligation naturelle fondée sur un principe de capacité et un acte de sa volonté éclairée par une raison naissante.

235. Nous n'appelons donc plus, comme dans le droit romain, obligations naturelles celles qui naissent d'une convention nue, ex nudis pactis, par opposition à celles qui étaient revêtues de la stipulation, seule capable alors de donner le droit d'action et de demande en justice; nous appelons obligations naturelles toutes celles qui, reposant sur un principe de capacité et d'équité, sans être avouées par la loi, ne sont cependant point improuvées par elle. Ainsi l'obligation du mineur, quoique déclaré incapable de contracter, est une obligation naturelle, parce que ce mineur a une volonté que la loi n'enchaîne que dans son intérêt; parce que son consentement subsiste en lui-même, quoique non avoué par la loi quand il lui porte un préjudice ou qu'il ne lui occasionne pas un avantage, parce que la loi ne regarde ce consentement comme n'existant pas dans certains cas que d'une manière relative et non absolue.

Ainsi l'obligation du prodigue et celle de la femme sont, par les mêmes raisons, des obligations naturelles, parce que ce n'est que dans leur intérêt que cette nullité toute relative est prononcée.

Ainsi l'obligation dérivant du pari ou du jeu n'est point avouée par la loi (1965), qui se borne à n'accorder aucune action pour une dette du jeu ou pour le paiement d'un pari; mais c'est une obligation naturelle, parce que,

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loin de la regarder comme absolument rulle (1967), la loi refuse au perdant le droit de répéter ce qu'il aura volontairement payé, à moins qu'il n'y ait eu de la part du gagnant dol, supercherie ou escroquerie. Toutefois, elle est implicitement réprouvée par la loi, qui ne donne point d'action pour une telle dette, et je pense qu'il est moral et conforme à l'esprit de la loi, de décider qu'elle ne pourrait être le fondement d'une hypothèque. On ne pourrait, en palliant la cause sur laquelle on voudrait fonder cette hypothèque, lui donner l'être ni se procurer indirectement une action que la loi refuse. Si, par exemple, une vente a été faite pour le prix d'une somme dont le vendeur est débiteur envers l'acheteur pour cause de jeu; qu'une hypothèque soit stipulée pour le péril de l'éviction, et que l'acheteur souffre l'éviction, il ne devra avoir aucune garantie contre son vendeur, pas même la restitution du prix ; et en conséquence, l'hypothèque stipulée n'aura aucun fondement. Autrement, en effet, cet acheteur aurait indirectement une action que la loi lui refuse.

Enfin, si la reconnaissance faite par acte sous seing privé d'un enfant naturel, n'est point suffisante, aux yeux de la loi civile, pour l'autoriser à ouvrir une action contre son père, afin de contraindre celui-ci à lui fournir des alimens, nous pensons que cette reconnaissance forme au moins une obligation naturelle de fournir à l'enfant des alimens, susceptible de la part d'un tiers d'un cautionnement réel ou hypothécaire.

236. Les obligations naturelles du mineur, du prodigue, de la femme, sont donc susceptibles d'être cautionnées ou garanties par une hypothèque, non par le prodigue, le mineur ou la femme, qui en sont incapables dans leur intérêt et aux yeux de la loi civile, mais par un tiers qui a la capacité de s'obliger ou de disposer de ses immeubles.

L'hypothèque, en effet, n'est autre chose qu'un cautionnement réel: or, dit Pothier (§. 2, pour quelles obli

gations le cautionnement peut avoir lieu, pag. 444), « l'obligation d'un mineur n'est pas nulle, la voie de la « restitution que les lois lui accordent suppose une

obligation; il y en a donc une à laquelle des cautions « peuvent accéder ». L'obligation contractée par la femme étant mise par le Code sur la même ligne que celle du mineur, et cette obligation n'étant plus nulle, ipso jure, dans un sens absolu, il faut en conclure qu'un tiers pourra aussi cautionner cette obligation, ou donner pour sûreté une hypothèque.

237. Il n'en serait pas ainsi si la nullité de l'obligation avait lieu de droit, ipso jure. Ainsi, l'interdit étant absolument incapable de contracter, l'obligation qu'il aurait consentie serait nulle et nou susceptible d'être cautionnée ni garantie par une hypothèque; mais si le fou, l'imbécille ou le furieux, étaient, sans aucun fait de leur part, valablement obligés; par exemple, dit Pothier: « Si j'ai « utilement géré les affaires d'un impubère ou d'un in<< terdit, cet impubère ou cet interdit étant en ce cas « obligé envers moi, ex quasi contractu, à me rendre «<les sommes que j'ai déboursées pour ses affaires et qui « ont tourné à son profit, on peut se rendre caution << envers moi pour lui pour lesdites sommes ». Cette distinction concilie parfaitement la loi 25, ff. de fidejussorib,» et la loi 6, ff. de verbor. oblig., et elle est confirmée par Gaïus, en la loi 70, §. 4, ff. de fidejus : Si à furioso, ditil, stipulatus fuerit, non posse te fidejussorem accipere certum est.... quòd si pro furioso jure obligato, fidejussorem acceperis, tenetur fidejussor.

238. Les obligations nulles comme contraires aux bonnes mœurs et à l'ordre public ne sont pas susceptibes d'être cautionnées ni de faire le fondement d'une hypothèque. C'est en ce sens qu'on dit : Maleficiorum fidejussorem accipi non posse.

239. En général, on doit appliquer à tout acte nul de

droit, et à toute obligation absolument nulle, la maxime quod nullum est nullum producit effectum; et aucun cautionnement ni aucune hypothèque ne peut confirmer un engagement radicalement nul. Mais les actes dont la nullité n'est que respective produisent, en général, une obligation naturelle, et ne sont pas même toujours nuls de plein droit à l'égard de la partie intéressée (1), et font par conséquent le fondement d'un cautionnement ou d'une hypothèque. Ainsi, la vente de l'immeuble d'un mineur, faite par lui sans formalités de justice, est nulle de droit; mais cette nullité est relative à l'intérêt du mineur qui aura dix ans, à partir de sa majorité, pour former l'action en nullité elle renferme une obligation naturelle de garantie qui peut être valablement cautionnée par un tiers durant la minorité; et celui qui aura hypothéqué son fonds pour garantie de l'éviction, sera valablement poursuivi par le créancier hypothécaire, alors même que la vente serait par la suite déclarée nulle dans l'intérêt du mineur.

240. La loi romaine qui déclarait nulle, ipso jure, l'aliénation des immeubles appartenans à un mineur, toutes les fois qu'elle avait été faite sans l'interposition du décret du magistrat, l. 2, l. prædiorum 10, l. si prædium 16, C. de præd. et aliis reb. minor. sine decreto non alien., 'décidait cependant que le tuteur ou curateur pouvait valablement donner une hypothèque ou un gage sur ses propres biens, pour la garantie du péril de l'éviction, l. et si is g, C. de præd. et aliis reb. minor.; ce qui faisait une excep➡ tion à la règle générale, qu'un gage ne pouvait accéder à une obligation inutile, ou effacée et détruite. Ceci tenait à un principe particulier au contrat de vente que nous expliquerons par la suite.

(1) Dunod, Traité des prescriptions.

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