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.241. Outre cette exception, il y avait encore dans le droit romain plusieurs cas auxquels le gage ou l'hypothèque accédait efficacement à une obligation inutile, et où l'obligation principale n'existant plus, le gage ou l'hypothèque subsistait encore. De plusieurs héritiers d'un seul débiteur, par exemple, chacun, en payant sa part de la dette, cesse d'être soumis à l'action personnelle du créancier, mais il n'est pas moins libre au créancier de poursuivre avec les parts de ses co-héritiers dans le gage, la part dans ce gage de celui qui a déjà payé, et cela à cause de l'indivisibilité de l'acquittement de l'hypothèque, unus ex multis 16, C. de distract. pign. ; l. 1, C. de luit. pign. ; l. pro hæreditariis 2, C. de hæredit. action; l. 1, 2, C. si unus ex plur. hæred. credit. et debit. Comme il arrivait en outre quelquefois que, dans quelques cas particuliers, la dette principale était éteinte par une pure raison tirée du droit civil, ou par une pure subtilité de droit, comme par la prescription, l'exception de la chose jugée, l'adis tion d'hérédité ou la confusion, il a été décidé que le droit de poursuivre le gage subsistait et durait toujours dans les espèces proposées dans les lois, l. qui occidit 30, S. pignori 1, ff. ad legem aquil. ; l. servum quem 27, ff. de pign. et hyp.; l. cùm quis 38, §. ulti. ff. de solutio.; l. debitor sub 59, ff. ad senatus-c. trebell. C'est aux cas susénoncés et à ceux qui s'y trouveront conformes et semblables, qu'il faut, dit Voët, rapporter et restreindre les exceptions à la règle générale, que l'hypothèque ne peut subsister encore quand l'obligation personnelle a disparu; et ces décisions des jurisconsultes romains, fondées sur l'équité, doivent encore aujourd'hui former une exception à la règle générale que nous avons posée nous même, qu'une bypothèque ne pouvait subsister quand l'obligation était radicalement nulle, quod nullum est nullum effectum producere potest.

242. Au reste, quelle que soit la nature de l'obligation, elle

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peut être la base du cautionnement ou de l'hypothèque, soit qu'elle soit de donner, ou qu'elle soit de faire, car c'est à l'une ou à l'autre de ces deux classes que doivent être assignées toutes les obligations possibles. On pourrait donc se rendre caution personnellement ou par une hypothèque, d'un fait personnel dont la prestation ne peut se faire que par le débiteur principal; l. 8, §. 2, ff. de op. lib.; car cette obligation se convertit par son inexécution, en une obligation de dommages-intérêts que la caution peut payer, ce qui suffit pour que le cautionnement ou l'hypothèque soit utilement consenti.

243. On peut consentir une hypothèque, non-seulement pour une obligation principale, mais encore pour le cautionnement personnel qui la garantit ; car, si d'après l'article 2014 du Code civil, on peut se rendre caution non-seulement du débiteur principal, mais encore de celui qui l'a cautionné, il y a même raison de décider qu'on peut consentir une hypothèque en faveur du cautionnement quel qu'il soit. L'hypothèque s'attache à ce cautionnement comme dette principale qui lui sert de base et en devient l'accessoire.

244. L'hypothèque peut être consentie pour une obligation à terme ou sous condition; cela résulte des articles 2132, 2148 et 2163 du Code civil. Le premier de ces articles semblerait aunoncer que l'hypothèque conventionnelle ne serait valable qu'autant que la somme pour laquelle elle est consentie est certaine et déterminée par l'acte. Mais de la seconde partie de cet article ainsi conçue « Si la créance résultant de l'obligation est condi«<tionnelle pour son existence, ou indéterminée dans sa <«< valeur, le créancier ne pourra requérir l'inscription « dont il sera parlé ci-après, que jusqu'à concurrence d'une valeur estimative par lui déclarée expressément, le débiteur aura droit de faire réduire s'il y a il résulte clairement qu'une hypothèque pourra

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que

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être consentie pour une dette conditionnelle dans son existence, ou indéterminée dans sa valeur, puisque cette seconde partie de l'article 2132 porte qu'en ce cas le créancier ne pourra requérir inscription que jusqu'à concurrence d'une estimation par lui déclarée (1). L'article 2163 vient à l'appui de cette vérité, et prouve jusqu'à l'évidence qu'on peut consentir une hypothèque conventionnelle à raison d'une créance conditionnelle, éventuelle ou indéterminée, puisqu'il soumet à la réduction les créances qui, en ce qui concerne l'hyppothèque à établir pour leur sûreté, n'out pas été réglées par la convention, et qui par leur nature sont conditionnelles, éventuelles ou indéterminées. L'hypothèque suivra le sort de l'obligation principale, en sorte que si la condition de laquelle dépend l'obligation venait à manquer, l'obligation et l'hypothèque s'évanouiraient ensemble.

245. Ici s'élève la question de savoir si une hypotheque peut être consentie pour une obligation qui n'est point encore contractée; Voët n'en fait point de doute d'après le droit romain : Denique etiam, dit-il, pro debito prorsùs incerto, etiam-num contrahendo, pignus efficaciter obli→ gari, operaturum tunc, cùm debitum contractum fuerit, dubium non est, l. 1, §. alia causa 1, ff. qui pot. in pign.

Cela résulte aussi de la loi 6, §. fin. ff. fidejuss. adhiberi fidejussor tàm futuræ quàm præsenti obligationi potest, de manière néanmoins que le gage et le cautionnement ne commenceront à naître que du jour que se contractera l'obligation principale. Tel est aussi l'avis de Pothier dans sou Traité de l'hypothèque, chap. 3, §. 3.

Voët, qui a écrit pour la Hollande et les pays voisins,

(1) Si la première somme exprimée par le créancier est insuffisante, il pourra en exprimer une seconde ; mais il faudra, dans ce cas, prendre une seconde inscription qui n'aura que sa date.

où la publicité et l'inscription de l'hypothèque étaient déjà admises comme conditions de son existence, pense que la question pourra faire doute dans les états où il écrit, et il hésite, il se refuse même à prononcer qu'une telle obligation serait efficace sur les immeubles, si on n'exprime pas d'avance une certaine somme d'argent comme devant être l'objet du contrat futur, et si la quarantième partie de cette somme n'est pas versée au trésor; sur-tout, dit-il, depuis qu'un statut a décidé qu'en Hollande aucune préférence ne pourrait être accordée pour raison d'hypothèque, si la quarantième partie de la dette n'était pas affectée au trésor public et aux besoins de l'état, la dette conditionnelle ou encore incertaine n'étant point comprise dans les cas nominativement exceptés de cette règle.

Voët admet donc, sous les conditions dont il vient d'être parlé, la stipulation d'une hypothèque pour une obligation non encore contractée, mais il n'en fixe la date qu'à l'époque où elle se réalisera. Il est donc important de se faire une idée précise de cette obligation non contractée; elle est telle si son existence dépend de la volonté du débiteur, en sorte qu'elle ne puisse naître s'il s'y refuse, comme si le débiteur était convenu avec quelqu'un que s'il recevait de lui de l'argent, sa chose lui serait engagée, ou si une personne avait reçu de lui une hypothèque pour la somme qu'elle se proposerait de compter,

certain terme, au débiteur. Le débiteur futur qui avait ainsi hypothéqué son immeuble à un premier individu, pouvait ne pas recevoir de lui de l'argent, et avait en son pouvoir de s'engager ou non envers lui, en sorte que la condition ne pouvait être remplie, ni la dette naître malgré lui. Avant la numération des espèces, et dans le temps intermédiaire, il n'y avait point d'obligation principale, ni pure, ni conditionnelle, mais l'espérance qu'il en serait contracté une, et par suite il était nécessaire que la stipu

lation de l'hypothèque dans cet intervalle fût vaine, car elle ne peut subsister sans une obligation principale ou conditionnelle préexistante.

Et il n'est pas question ici d'une obligation dont l'existence ne dépendrait que de la volonté du créancier, cas auquel il y aurait véritablement une obligation de contractée, puisque la condition potestative n'annulle l'obligation qu'autant qu'elle est potestative de la part de celui qui s'oblige. (Art. 1174 du Code civ.)

L'obligation non contractée, pour laquelle Voët admet la stipulation et l'inscription de l'hypothèque à la date du contrat, à la charge de payer au trésor la quarantième partie de la créance, est donc celle qui dépend entièrement de la volonté du débiteur, et il ne faut point assimiler à cette obligation celle du mari qui aurait constitué une hypothèque pour sûreté de la restitution de la dot qu'un tiers aurait promise à sa femme, cas auquel il ne peut ne pas accepter la dot promise, parce qu'il ne peut lui être permis d'atténuer la dot de sa femme, et de renoncer ainsi moins à son droit qu'à la faveur accordée par la loi aux femmes qui se marient. L'opinion de Papinien, que dans ce cas l'obligation étant telle qu'elle peut exister malgré le mari, le droit de préférence altaché à l'hypothèque consentie par lui doit dater du moment de la constitution de l'hypothèque pour la sûreté de la dot, cette opinion, dis-je, vraiment conforme à la raison et aux principes, n'implique point contradiction avec ce que nous avons dit plus haut, que l'hypothèque consentie pour une obligation non existante ne pouvait, d'après le droit romain comme d'après les statuts de la Hollande, avoir de date qu'à partir de la naissance de cette obligation.

La question étant ainsi fixée, la même décision doitelle être admise dans notre législation, et pourra-t-on, en vertu d'un acte authentique constitutif d'une hypo

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