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en faveur de qui elle est consentie. L'acte public fait foi de ce géré à l'égard des tiers, et forme la condition essentielle de la publicité de l'hypothèque.

Car l'acte public ou authentique produit deux sortes d'effets, les uns relatifs à ceux entre lesquels il a été passé, ou leurs héritiers ou ayans-cause; les autres relatifs aux tiers.

Sous le premier point de vue, il fait preuve entière à l'égard des parties, héritiers ou ayans-cause, et leur préjudicie, non-seulement dans la teneur et le dispositif, mais encore dans l'énonciatif, et quant à toute la solennité et à toute la présomption résultante de cet acte et de son contenu, et quant à toute sa vertu et toute son efficacité, en tant cependant que l'énonciatif a trait à la force et à l'effet de l'acte principal géré. Il en serait autrement si l'on discutait sur l'énoncé et les présomptions de l'acte public, d'une manière principale et isolément de l'acte principal : alors, en effet, un tel acte public ne ferait pas pleine foi, mais produirait seulement une présomption ou une sémipreuve entre les mêmes parties.

Ces premiers attributs de l'acte public, si énergiquement décrits par Dumoulin, sont exprimés dans les articles 1319 et 1320 du Code civil qui les déclare communs au titre authentique et à l'acte sous seing privé, en sorte que si l'hypothèque leur doit son efficacité quant à la stipulation, elle ne la leur doit point quant à sa publicité.

Sous le second point de vue, c'est-à-dire en ce qui concerne les tiers, l'acte authentique est également public et probant, et ce n'est qu'improprement que l'on dirait qu'il ne prouve point à leur égard, en attachant au mot prouver l'idée d'un droit produit ou d'un préjudice causé. Il ne préjudicie point au tiers d'après la maxime res inter alios acta aliis nocere non debet et non facit jus inter alios. Ce qu'il faut limiter cependant en tant que par une disposition du droit, l'acte géré leur préjudicierait

putà quant à l'acquisition du titre et de la condition nécessaire pour prescrire, pour percevoir et faire les fruits siens de bonne foi, parce que, dit Dumoulin, quant à ces objets et autres semblables, l'acte public nuirait aux tiers ex regulis vulgaribus, eisdem nocere acta vel instrumenta actûs, quibus et quatenùs actus ipse noceret sive in judicialibus sive in extrajudiciariis. D'où il infère que c'est mal à propos que certains docteurs disent que l'acte public ne prouve point inter extraneos, parce qu'à véritablement et à proprement parler, l'acte public est également public et probant à l'égard de tout le monde.

256. Après avoir montré comment l'hypothèque doit à l'authenticité de l'acte son efficacité, il nous reste à expliquer comment cette authenticité peut se soutenir, se perpétuer, se réfléchir en quelque sorte dans d'autres actes, et cette discussion ne sera point inutile, parce qu'il est des cas où l'obligation principale est illimitée, d'autres où elle est destinée à durer fort long-temps, comme dans le cas où une hypothèque aurait été consentie par le preneur pour garantie du bail d'une usine de quatrevingts ans de durée.

Après vingt-huit ans de la date du dernier titre, porte l'art. 2263, le débiteur d'une rente peut être contraint à fournir, à ses frais, un titre nouvel à son créancier ou à ses ayans-cause.

Les copies (art. 1334), lorsque le titre original subsiste, ne font foi que de ce qui est contenu au titre dont la représentation peut toujours être exigée.

Lorsque le titre original n'existe plus (1335), les copies font foi d'après les distinctions suivantes :

1o Les grosses ou premières expéditions font la même foi que l'original: il en est de même des copies qui ont été tirées par l'autorité du magistrat, parties présentes ou dûment appelées, ou de celles qui out été ti

rées en présence des parties et de leur consentement réciproque.

2o Les copies qui, sans l'autorité du magistrat ou sans le consentement des parties, et depuis la délivrance des grosses ou premières expéditions, auront été tirées sur la minute de l'acte par le notaire qui l'a reçu, ou par l'un de ses successeurs, par officiers publics qui, en cette qualité, sont dépositaires des minutes, peuvent, en cas de perte de l'original, faire foi quand elles sont anciennes (1). Elles sont considérées comme anciennes quand elles ont plus de trente ans.

Si elles ont moins de trente ans, elles ne peuvent servir que de commencement de preuve par écrit.

3o Lorsque les copies tirées sur la minute d'un acte ne l'auront pas été par le notaire qui l'a reçu, ou par l'un de ses successeurs, ou par officiers publics qui, en cette qualité, sont dépositaires des minutes, elles ne pourront servir, quelle que soit leur ancienneté, que de commencement de preuve par écrit.

4° Les copies de copies pourront, suivant les circonstances, être considérées comme de simples renseignemens. La transcription d'un acte (1336) sur les registres publics ne pourra servir que de commencement de preuve par écrit, sous les conditions prescrites aux nos 1 et 2 de cet article.

Les actes récognitifs ne dispensent point de la représentation du titre primordial (1337), à moins que sa te

(1) L'ancienneté d'un écrit ne peut créer une preuve qui n'existe point dès le principe, mais elle peut corroborer un principe de preuve. Aucune autorité ne peut accéder ou s'imprimer par le temps à un écrit radicalement nul. Comme on ne peut déterminer en droit ce en quoi le temps corrobore le principe de preuve dont nous avons parlé, l'appréciation en est laissée à l'arbitrage du juge. Quand on dit vulgairement que dans les choses anciennes il suffit de preuves telles qu'on peut les avoir, il ne faut pas entendre que même tout ce qui ne prouverait rien en soi, suffira pour prouver in antiquis.

neur n'y soit spécialement relatée. Ce qu'ils contiennent de plus que le titre primordial ou ce qui s'y trouve de différent n'a aucun effet.

Néanmoins, s'il y avait plusieurs reconnaissances conformes, soutenues de la possession, et dont l'une eût trente ans de date, le créancier pourrait être dispensé de représenter le titre primordial.

257. Dans tous les cas où, conformément aux dispositions sus énoncées, l'acte qui succède à l'original fera la même foi que cet original, il conservera les effets de l'authenticité du premier acte, et par conséquent les hypothèques.

Dans tous les cas, au contraire, où le créancier ne sera point dispensé de représenter le titre primitif, si cette représentation n'a pas lieu, et qu'elle soit exigée, la copie ou l'acte récognitif ne produira tout au plus qu'un commencement de preuve par écrit incapable de conserver les hypothèques.

258. Le titre nouvel, qu'après vingt-huit ans de la date du dernier titre, le débiteur d'une rente peut être contraint à fournir, à ses dépens, à son créancier où ses ayans-cause, afin que la prescription ne puisse pas ébranler les hypothèques, doit être fait ex certa scientia, et renfermer la teneur et la substance du titre.

Les actes récognitifs ne font que confirmer l'acte primitif; ils ne peuvent le suppléer qu'autant qu'ils en relatent la teneur ex certâ scientiâ.

S'il y avait plusieurs reconnaissances ex formá communi qui, sans renfermer la teneur de l'acte, fussent soutenues de la possession, et dont l'une eût trente ans de date, le créancier pourrait être dispensé de représenter le titre primordial comme nous l'avons déjà dit.

Les actes récognitifs avaient lieu autrefois sur-tout lorsque les censitaires faisaient au seigneur des actes de reconnaissance des cens qu'ils s'étaient imposés. Les

cens étaient féodaux ou simplement conventionnels. Ils étaient féodaux lorsqu'à l'occasion de l'aliénation d'un moulin, par exemple, le seigneur se retenait un cens sur ce moulin; or les cens féodaux ayant été supprimés, il est important de les bien reconnaître.

Nous avons vu comment l'authenticité d'un acte se perpétuait, et par suite l'hypothèque; comment l'une et l'autre s'atténuaient et finissaient par disparaître.

259. Il nous reste à examiner si la confirmation ou la ratification dont il est fait mention dans les articles subséquens du Code, pourraient réhabiliter un acte sous le rapport de la solennité, s'il était infecté d'un vice de forme qui en opérât la nullité comme authentique.

Les formes des actes tiennent au droit public et ne peuvent pas être transférées d'un acte à un autre. La régularité de l'acte de ratification ne saurait donc rétroagir ni influer sur l'acte primitif en le régularisant lui-même. Quand un acte ne porte pas le sceau de l'autorité publique, il n'est pas au pouvoir des particuliers de le lui rendre. Ils peuvent par un acte public subséquent rendre à leur convention primitive une forme authentique ; mais il faut pour cela qu'ils la renouvellent, et c'est véritablement un nouvel acte qu'ils font et non le premier qu'ils confirment.

Ainsi les hypothèques stipulées dans un acte nul comme authentique, ne pourraient revivre par l'effet d'une ratification quelconque ; il faudrait qu'elles fussent expressément stipulées dans une nouvelle disposition ou un nouvel acte authentique.

Ce nouvel acte ne se rattacherait en aucune manière au premier respectivement aux parties entr'elles, et si le créancier voulait mettre à exécution le dernier, il ne serait point tenu de donner en même temps au débiteur copie du premier acte, comme dans le cas de la réhabilitation d'un acte infecté d'un autre vice susceptible d'être purgé par une ratification.

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