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sanctionné cette jurisprudence, en décidant, le 21 mai 1811, qu'on avait pu s'inscrire valablement en vertu d'un jugement par défaut, même non signifié, et la cour de Riom a décidé, le 6 mai 1809, qu'une inscription avait pu être prise valablement en vertu d'un jugement par défaut, non enregistré ni expédié (V. M. Delvincourt, dans son cours de Code civil, tom. Il, pag. 637.)

L'inscription prise en vertu d'un jugement par défaut ou sujet à appel, est sans doute nulle, s'il est infirmé ; mais le conservateur ne pouvant rayer l'inscription qu'en vertu d'un jugement, il faut conclure à la radiation que la cour ne pourrait d'ailleurs ordonner d'office.

Si un jugement par défaut est anéantie par le défaut d'exécution pendant six mois, l'inscription ne peut subsister, mais il faut en faire prononcer la radiation par un nouveau jugement.

283. Au rang des jugemens qui emportent hypothèque, nous devons placer la reconnaissance et vérification faile devant les tribunaux, des signatures apposées à des actes obligatoires sous signature privée. Le texte même de l'art. 2123 le veut ainsi, et c'est avec raison, puisque c'est un véritable jugement renfermant obligation, et que la loi lui donne par- tout ce nom, notamment l'art. 194 du Code de procédure civile.

L'authenticité donnée à l'obligation préexistante en fait une obligation d'un caractère nouveau, dont l'exécution sera parée d'incertaine qu'elle était par le défaut d'authenticité.

284. Mais il faut bien remarquer que ces reconnaissances, pour produire leur effet, doivent être faites devant les tribunaux, et que celles qui auraient lieu en conciliation, par exemple, ne sauraient produire l'hypothèque. C'est ce qui résulte de la discussion du conseil d'état, sur l'art. 2123 ainsi conçue : « M. Jolivet observe que l'on a « souvent agité la question de savoir si les reconnais

«sances faites devant les bureaux de conciliation dou<< naient hypothèque; la section s'est refusée, avec " raison, à décider l'affirmative; c'eût été un moyen de «< frauder le droit d'enregistrement; mais il peut être « utile que l'intention de la loi soit connue, et que le pro«< cès-verbal s'en explique. -Le second consul répond « que l'observation de M. Jolivet, qui est juste et con<< forme aux intentious du conseil, se trouve nécessaire<<ment au procès-verbal. L'article est adopté. »

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285. Il en serait autrement si les reconnaissances étaient faites devant un juge de paix, siégeant non commè conciliateur, mais comme juge des parties, et ces reconnaissances emporteraient hypothèque alors même que le juge de paix excéderait sa compétence. En effet, les juges dont les attributions se bornent à décider les contestations qui ne s'élèvent qu'à une petite somme, peuvent, du consentement des parties, connaître des actions qui s'élèvent à de plus fortes (1). C'est ce qu'a préjugé la cour de cassation dans un arrêt du 22 décembre 1806. Il s'agissait d'une reconnaissance faite hors la présence des parties, devant un juge de paix qui n'avait pas énoncé s'il jugeait, ou s'il agissait comme conciliateur, et la cour décida «< qu'on ne pouvait envisager comme jugement le « procès-verbal d'un juge de paix qui ne pouvait être «< autorisé que par la présence et le consentement formel « du créancier et des débiteurs, à se constituer juge, et << prononcer comme tel dans une matière qui sortait de «<ses attributions et de sa compétence ordinaire et légale.» La cour de cassation déclare par-là en termes exprès que si les parties avaient été présentes, et qu'elles eussent requis acte de leurs obligations respectives, la décision du juge de paix eût été un véritable jugement capable d'emporter hypothèque.

(1) M. Persil, en son Commentaire sur les priviléges et hypothèques

286. Nous allons développer et confirmer les principes que nous venons de poser relativement aux recounaissances d'écritures sous signature privée, par l'analyse substantielle d'un savant plaidoyer de M. Merlin, inséré au répertoire de jurisprudence, sur la question qui fut l'objet de l'arrêt dont nous venons de parler.

Cette question en renfermait trois : la première était de savoir si, en supposant que l'acte du juge de paix de Maëstricht, du 18 thermidor an 10, pût être considéré comme un procès-verbal de conciliation, il aurait érigé le billet sous seing privé auquel il se rapporte en titre susceptible d'inscription au bureau des hypothèques; la seconde, si dans la supposition que cet acte pût être envisagé comme un jugement du tribunal de paix, il a pu en résulter une hypothèque, à la charge de l'inscription; la troisième, si dans le fait, cet acte doit être rangé dans la classe des jugemens, ou s'il appartient à celle des procès-verbaux de conciliation.

« Sur le premier point, et en supposant que l'acte du juge de paix de Maëstricht, du 18 thermidor au 10, doive être considéré comme un procès-verbal de conciliation, nul motif, nul prétexte, même plausible, pour prétendre qu'il en a dérivé, de plein droit, une hypothèque susceptible d'inscription; car de deux choses l'une : ou le mot reconnue a, dans le troisième numéro de l'art. 3 de la loi du brumaire an 7, la première signification, c'est-à-dire qu'il fait corps avec les expressions suivantes, ou déclarée telle par un jugement, ou le mot reconnue doit être pris isolément et doit s'entendre de toute reconnaissance faite devant un officier public quelconque. Au premier cas, nous dirons qu'un juge de paix siégeant en bureau de conciliation ne forme pas un tribunal; que par suite un procès-verbal de conciliation n'est pas un jugement; que dès-tors l'acte du 18 thermidor au 10 ne peut avoir l'effet d'un jugement par lequel une signature est

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reconnue, et que, par une conséquence ultérieure, cet acte ne peut pas emporter hypothèque. Au second cas, nous dirous qu'un juge de paix siégeant en bureau de conciliation est bien un officier public; mais que ce n'est pas un officier public ayaut caractère légal pour rocevoir des actes volontaires; que les actes faits devant lui ne sont pas des actes notariés ; et que voulût-on, à toute force, assimiler à un acte notarié le procès-verbal du 18 thermidor an toujours resterait-il que ce procèsverbal ne contient, de la part des débiteurs qui l'ont signé, aucune clause qui affecte spécialement tels ou tels de leurs biens à la sûreté de leur dette.

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« Sur le second point, et en supposant que l'acte du 18 thermidor an 10 ne soit pas un procès-verbal de couciliation, mais un jugement, il s'élève d'abord l'objection suivante contre l'opinion qu'il doit se convertir en titre hypothécaire.

<< Quand la loi du 11 brumaire an 7 dit que l'hypothèque existe, à la charge de l'inscription, pour une créance résultant d'un acte privé dont la signature a été reconnue ou tenue pour reconnue par un jugement, elle n'a point entendu que tout jugement, qui même rendu par un tribunal incompétent ratione materiæ, constate la reconnaissance d'un sous-seing privé pour condamner le débiteur à l'acquittement de l'obligation, peut être inscrit comme emportant hypothèque de plein droit; elle n'a point en'tendu que si, devant une cour criminelle ou un conseil de guerre, un accusé produit pour sa défense une obligation sous seing privé, souscrite à son profit par la partie plaignante, el que la partie plaignante reconnaisse effectivement avoir signé cette obligation, le jugement qui constatera cette reconnaissance pourra être inscrit au bureau des hypothèques. Pourquoi ? parce que ni la cour criminelleni le conseil de guerre n'ont le pouvoir de condamner la partie plaignante au paiement de l'obligation; parce que

si la reconnaissance faite en justice d'une obligation sous seing privé, tient de la loi l'effet d'emporter hypothèque ce n'est qu'en considération de ce que le jugement qui donne acte de cette reconnaissance, est une sorte de condamnation; parce qu'il est impossible de concevoir l'idée d'une hypothèque qui s'attacherait à un écrit privé par le seul effet de sa reconnaissance devant un tribunal incompétent pour condamner le signataire de cet écrit à en payer le montant; en un mot, parce que là où il ne peut y avoir de condamnation, il ne peut aussi y avoir d'hypothèque par l'effet de la reconnaissance.

« Or, le juge de paix de Maëstricht n'aurait pu condamner les signataires de l'obligation sous seing privé, qui est l'objet de cette reconnaissance, et par suite il n'y a point d'effet hypothécaire à donner à la reconnaissance faite devant lui, puisque ce jugement de reconnaissance sort du cercle de ses attributions.

<< Telle est l'objection qui s'élève contre l'effet hypothécaire, est-elle fondée? Il y a deux sortes d'incompétences, l'incompétence absolue et l'incompétence relative; l'incompétence absolue qui ne peut être couverte ni par le consentement ni par le fait des parties intéressées, telle est celle des tribunaux criminels et des conseils de guerre, pour connaître des obligations contractuelles; l'incompétence relative qui cesse à l'instant même où les parties intéressées consentent à procéder, ou procèdent de fait sans réclamation devant les juges qu'elles auraient le droit de décliner; telle est celle d'un tribunal de première instance devant lequel est assigné en paiement d'une obligation, un défendeur qui n'est point domicilié dans son ressort.

« Ainsi, que la reconnaissance faite d'un écrit par-devant une cour criminelle, ou devant un conseil de guerre, ne puisse pas être cousidérée, quant aux effets hypothécaires, comme une reconnaissance faite en jugement, cela est incontestable.

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