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Mais qu'un débiteur, par acte sous seing privé, reconnaisse sa signature devant un tribunal civil qui n'est pas celui de son domicile, bien sûrement sa reconnaissance emportera hypothèque, et le jugement qui donnera acte de sa reconnaissance sera susceptible d'inscription.

« Il ne reste donc plus qu'à savoir s'il en est d'un juge de paix, relativement aux sommes qui excèdent les bornes de ses attributions, comme d'un tribunal civil ordinaire, relativement aux personnes non domiciliées dans son ressort; si l'incompétence du premier est pour ces sommes aussi absolue que celle des cours criminelles ou des conseils de guerre, ou si, comme celle du second, elle n'est que relative; enfin si la juridiction de l'un est, comme celle de l'autre, susceptible de prorogation.

« La règle générale est que l'on ne peut proroger la juridiction d'un juge incompétent par soi, qu'autant que ce juge est investi d'une autorité qui lui donnerait le droit de connaître de l'objet litigieux entre ses propres justiciables.

« Aiusi on pourrait bien, dans les affaires commercia les, proroger la juridiction d'un tribunal de commerce dans l'arrondissement duquel on n'a ni acquis un domicile, ni passé contrat et reçu livraison, ni promis de payer. Mais vainement se soumettrait-on à la juridiction d'un tribunal de commerce, pour une affaire purement civile; la soumissiou serait nulle, et le jugement qui interviendrait, en conséquence, serait entaché d'excès de pouvoir. Quelle en est la raison? C'est que la faculté de se soumettre à la juridiction qui appartient à un juge, ne renferme pas celle de l'investir d'une juridiction qu'il n'a pas. Et de là il paraît naturel de conclure que si la juridiction des juges de paix peut être prorogée dans les matières dont la loi leur attribue la connaissance, que si l'on peut, dans ces matières, se soumettre à leur juridiction lorsqu'on y n'est sujet, ni à raison du domicile, ni à raison de la situation des objets litigieux, il en doit être tout au

trement dans les matières dont la loi ne leur attribue la connaissance, ni entre leurs propres justiciables, ni sur les biens situés dans leurs cantons respectifs.

<< Cependant les lois romaines dans lesquelles ont été puisées toutes les règles de la prorogation de juridiction, renferment des décisions diamétralement contraires à cette conséquence.

« La loi 28 ad municipalem, s'occupant des juges municipaux qui, comme nos juges de paix, n'étaient instituės que pour connaître des actions dont l'objet ne s'élevait pas au-dessus d'une mince valeur, décide que ces juges peuvent connaître entre les parties qui y consentent, des actions qui ont pour objet des valeurs plus fortes: Inter convenientes et de re majori apud magistratus municipales agitur.

« La loi 74, §. 1,ff. de judiciis, étend cette décision à tous les juges dont les attributions sont bornées aux affaires d'une certaine valeur : Judex qui ad certam summam judicare jussus est, etiam de re majori judicare potest si inter litigatores conveniat.

<< Il faut donc distinguer entre le juge délégué ad certum genus causarum, et le juge délégué ad certam summam; la juridiction du premier n'est prorogeable que dans les matières où elle n'est en défaut qu'à raison du domicile ou de la situation des objets litigieux; celle du second l'est indéfiniment. Ainsi s'agit-il d'une action réelle? le juge de paix pourra, du consentement des parties, en connaître au possessoire, quoique les biens soient situés hors de son canton, mais il n'en pourra connaître au pétitoire. S'agit-il d'une action personnelle ? le juge de paix eu connaîtra entre les parties qui y consentiront, quoique la valeur de l'objet de celle action s'élève au-dessus de 100 francs.

« Et qu'on ne dise pas qu'au moins il en doit être autrement dans les affaires dont le taux excède non-seule

ment le taux de la compétence des juges de paix en première instance, mais encore le taux de la compétence des tribunaux d'arrondissement en dernier ressort; que si, dans ces affaires, la juridiction du juge de paix pouvait être prorogée en première instance, il en résulterait que sur l'appel, le tribunal d'arrondissement auquel il ressortit, devrait juger en dernier ressort au-dessus de 1000 francs. Qu'y aurait-il d'extraordinaire ou d'illégal dans ce résultat? En prorogeant en première instance la juridiction du juge de paix, les parties prorogeraient nécessairement celle du tribunal d'arrondissement pour le cas d'appel; en adoptant le principe, elles adopteraient nécessairement la conséquence.

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<< On doit donc tenir pour très-constant que si l'acte du juge de paix de Maëstricht, du 18 thermidor an 10, porte le caractère d'un jugement, il a pu servir de base à l'inscription prise par la défenderesse au bureau des hypothè ques, etc...

« Sur le troisième point, pour qu'on pût considérer l'acte du 18 thermidor an 10 comme procès-verbal de conciliation, il faudrait que les parties y eussent montré l'intention de se concilier sur une demande à porter devant le tribunal d'arrondissement; mais cette intention, rien ne la manifeste, rien ne l'exprime, et il est bien évident qu'elle n'y peut pas être suppléée. Quelle est la qualité que désigne dans le juge de paix de Maëstricht, l'acte du 18 thermidor an 10? Est-ce celle de juge de paix siégeant en conciliation? Est-ce celle de conciliateur? Non, c'est celle de juge de paix purement et simplement; c'est par conséquent celle de juge, proprement dit; c'est donc comme jugement que nous devons considérer l'acte dont il est question. Dira-t-on que par le fait il y a eu conciliation entre les parties, et que dès là c'est en sa qualité de conciliateur qu'elles sont censées avoir abordé le juge de paix? Mais ce que les parties ont fait devant le juge de

paix de Maestricht, elles auraient pu le faire devant le tribunal d'arrondissement de la même ville; elles auraient pu se présenter devant le tribunal d'arrondissement de Maëstricht, les unes pour déclarer qu'elles reconnaissaient leurs signatures, l'autre pour demander acte de cette reconnaissance. Dans cette hypothèse, il y aurait certainement eu conciliation entr'elles, et cependant le procèsverbal qui constaterait leur comparution et leurs dires respectifs, aurait incontestablement entr'elles tout l'effet d'un jugement; pourquoi donc n'en serait-il pas de même dans le cas arrivé?

« Dira-t-on qu'il n'y a point de jugement là où il n'y a point de contestation? Mais dans tous les temps on a mis au rang des jugemens les condamnations qualifiées de volontaires, et l'écrit par lequel un juge donne acte aux parties de leurs demandes et consentemens mutuels.

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« Dira-t-on, enfin, que dans notre espèce il n'y a point eu de citation, et que tout jugement suppose une citation préalable? Mais, d'une part, ce serait une grande erreur. La citation n'est nécessaire, même dans les tribunaux d'arrondissement, même dans les cours supérieures, qu'à l'égard des parties qui ne comparaissent pas volontairement; d'autre part, en comparaissant volontairement devant le juge de paix, la défenderesse et ses débiteurs ont usé d'une faculté qu'ils ne trouvaient écrite dans la loi, que relativement aux juges de paix considérés comme magistrats; donc c'est comme juge qu'ils l'ont considéré.

« Par ces considérations il y a lieu de rejeter la demande en cassation, etc. » Arrêt du 22 décembre 1806 dont nous avons rapporté plus haut la teneur, et qui a implicitement reconnu et consacré les principes développés dans le plaidoyer ci-dessus.

287. La simple vérification ou reconnaissance de la signature apposée au bas d'un acte obligatoire sous-seing privé, n'emporte pas condamnation actuelle de payer la

somme due; elle n'en produit pas moins une hypothèque judiciaire. Nous allons donner là-dessus quelques expli

cations.

L'article 193 du Code de procédure civile porte « que «si le défendeur ne nie pas la signature, tous les frais << relatifs à la reconnaissance et à la vérification, même << ceux d'enregistrement de l'écrit, seront à la charge du «< demandeur. »>

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La loi du 3 septembre 1807 a ainsi modifié cette disposition de l'article 193. Art. 1. « Lorsqu'il aura été rendu <«< un jugement sur une demande en reconnaissance d'obligation sous seing privé, formée avant l'échéance ou l'exigibilité de ladite obligation, il ne pourra être pris <«< aucune inscription hypothécaire en vertu de ce juge«ment, qu'à défaut de paiement de l'obligation après son << échéance ou son exigibilité, à moins qu'il n'y ait stipu<«<lation contraire. -2. Les frais relatifs à ce jugement ne « peuvent être répétés contre le débiteur que dans le cas <«< où il aura dénié sa signature.-Les frais d'enregistrement

seront à la charge du débiteur, tant dans le cas dout <«< il vient d'être parlé, que lorsqu'il aura refusé de se li« bérer après l'échéance ou l'exigibilité de la dette. »

Ces dispositions ont lieu dans le cas où le créancier provoque la reconnaissance ou la vérification avant l'échéance de l'obligation; d'où l'on doit conclure que si cette provocation n'était faite qu'après l'échéance de l'obligation, tous les frais, tant de la reconnaissance que de l'enregistrement, seraient répétables contre le débiteur, sans distinguer s'il avaif confessé ou dénié sa signature.

Cette loi, est-il dit au Répertoire de Jurispr. v° hypoth., a donc apporté deux modifications à l'article 193 du Code de procédure civile. Cet article rejetait irrévocablement sur le créancier les frais de l'enregistrement, lorsque le débiteur avait confessé sa signature. La loi du 3 septembre 1807 l'autorise a les répéter, si le débiteur, après

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