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« on a fait pour les hypothèques entre la France et la « Lorraine.

«S'il en était autrement, le souverain cesserait de l'être << dans ses états, dès qu'il serait obligé d'accorder aux « sujets de cet autre état, dans son territoire, tout ce que «<le souverain d'un autre état y accorde aux étrangers.

<< Mais il y a beaucoup de nations qui ne connaissent point le droit d'aubaine: les sujets de ces états peuvent«< ils s'en prétendre affranchis en France où ce droit est

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en vigueur, parce qu'on ne le pratique point chez eux « à l'égard des étrangers? Ainsi un commerce est interdit << en France, mais il est permis dans un autre état; est«ce une raison pour que les sujets de cet autre état vien«nent le faire en France malgré nos lois? Comme ces << interdictions subsistent en France, c'est bien une rai<< son pour que dans tous les autres pays on distingue les << Français des étrangers, et qu'on leur refuse les faveurs

que nous refusons aux étrangers. C'est ce qu'on appelle << le droit de représailles qui dérive de la règle de la réciprocité; ce qui n'a rien de contraire à la souveraineté « de la France.

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« C'est une matière de négociation entre les deux sou* verains; ils doivent balancer les avantages qui peuvent <«<leur revenir de la réciprocité. Quand ils la trouvent « égale aux deux peuples, ils l'établissent entre les deux

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états, comme on a fait dans le traité d'Utrecht pour « établir la réciprocité de l'exception du droit d'aubaine « entre la France et l'Angleterre ; mais quand un état est plus grand que l'autre, ils l'établissent communément << entre l'un des deux, et une partie de l'autre état propor«tionnée pour la grandeur. (C'est ainsi que par le traité « du 21 janvier 1718, entre la France et la Lorraine, la réciprocité d'hypothèque et d'exécution des contrats et «des jugemens avait été stipulée d'une part pour tous les « états du duc de Lorraine, et de l'autre pour la géné

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<< ralité de Metz seulement.) La représaille est de droit, et chaque souverain peut l'exercer dans ses états comme «il lui plaît; mais la réciprocité dont l'effet s'étend aux «droits de la police d'un autre état est de convention , « et elle ne peut s'établir que par un traité entre les deux souverains.

<< Sans cela un petit état serait le maître de se procurer «tels avantages qu'il lui plaîrait dans un grand état; il - n'aurait qu'à accorder aux sujets de ce grand état les «droits et les priviléges qu'il voudrait procurer aux siens « dans un grand état. »

295. Ce que nous venons de dire relativement aux jugemens s'applique aux sentences arbitrales rendues en pays étranger, ainsi qu'aux jugemens portant vérification ou reconnaissance d'une écriture sous-seing privé; et tout 'ce que nous avons dit dans le §. I des dispositions obligatoires que doivent renfermer les jugemens pour emporter hypothèque, s'applique à ceux que nous venons d'énoncer.

SECTION III.

De l'hypothèque légale.

S. Ier. Définition de l'hypothèque légale et de sa nature.

SOMMAIRE.

296. L'hypothèque légale est celle que la loi attache directement et de sa propre autorité à certaines créances, sans le secours d'un jugement ni d'une stipulation expresse.

297. Ce n'est point sur une stipulation fictive des parties que repose l'hypothèque légale.

298. Il est d'autres espèces d'hypothèques légales qui ne déririvent aussi que de l'autorité de la loi.

299. On ne s'occupe ici que de l'hypothèque légale proprement dite, qui s'applique aux biens actuels du débiteur, et à tous ceux qui pourront lui appartenir par la suite.

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296. L'hypothèque légale est celle que la loi attache directement, et de sa propre autorité, à certaines créances, sans le secours d'un jugement ni d'une stipulation expresse. Elle a son fondement, ainsi que l'a dit l'orateur du gouvernement, dans la protection spéciale que méri fent les créanciers auxquels elle est accordée.

297. Autrefois l'hypothèque légale ou tacite dérivant de la loi, était fictivement le résultat de la convention tacite des parties. Son privilege consistait en ce qu'elle s'acquérait saus qu'il fût besoin d'aucun consentement formel ou d'aucune stipulation expresse des parties, quæ à lege vel à statuto inducitur super bonis debitoris absque expressis contrahentium pactionibus. La raison est, dit Basnage, chap. VI, no 1, que quand quelqu'un fait une chose pour laquelle la loi donne hypothèque, il est présumé consentir tacitement la même hypothèque sur ses biens; c'est ce qui est expliqué dans le titre du Digeste et du Code, quibus modis pign. vel. hyp. tacit. contrah. Lex in omnibus tacitis hypothecis fingit pactionem et conventionem partium contrahentium quamvis expressa et ficta non fuerit, et est perinde ac si in veritate hyptoheca illa fuisset constituta per conventionem partium.

Mais, de nos jours, ce n'est point sur une stipulation fictive des parties que repose l'hypothèque légale; elle n'est point dans leur domaine. C'est un acte de l'autorité publique qui veille aux intérêts de certains individus, et attache l'hypothèque, non à tel ou tel fait, comme la garantie de droit dans une vente où cette garantie ne serait

point stipulée, mais à la personne même des individus qu'elle protège, en sorte qu'il ne serait point en leur pouvoir d'y renoncer.

Ainsi ce n'est point l'acte de tutelle qui produit l'hypothèque que le pupille a sur les biens de son tuteur, par l'effet d'une convention tacite au moyen de laquelle les parties se tiendraient à la stipulation de la loi; c'est la loi seule qui accorde cette hypothèque privilégiée à la personne même du mineur et à sa qualité de mineur.

Ainsi ce n'est point le contrat de mariage ou l'acte de célébration du mariage, qui produit l'hypothèque que la femme a sur les biens de son mari par l'effet d'une convention tacite, au moyen de laquelle elle acquiescerait, ainsi que son mari, à la stipulation que ferait la loi dans Jeur silence, comme dans le cas où ils sont tacitement -régis par la communauté légale; c'est la loi seule qui, protégeant les intérêts de la femme mariée, accorde ce privilége à la qualité même de femme mariée.

Il résulte de là que quelque part que se décerne la tutelle ou que se célèbre le mariage, l'hypothèque légale subsiste de droit.

Or, la loi accorde cette protection spéciale aux droits et créances des femmes mariées sur les biens de leurs maris; à ceux des mineurs et interdits sur les biens de leurs tuteurs; à ceux de l'état, des communes et des établissemens publics, sur les biens des receveurs et administrateurs comptables (art. 2121 du Code). La loi n'açcorde explicitement la faveur de l'hypothèque légale qu'aux créances énoncées dans l'art. 2121.

298. Cependant il est d'autres espèces d'hypothèques qui ne dérivent aussi que de l'autorité de la loi, sans jugement ni stipulation expresse.

Ainsi les priviléges sur les immeubles ont leur unique fondement dans l'autorité de la loi.

Ainsi le droit de rétention, qui sans porter le nom de

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privilége ou d'hypothèque, en produit pourtant les effets, ne dérive que de la loi.

Ainsi l'hypothèque des légataires sur les biens échus à ceux qui doivent acquitter les legs, n'est fondée que sur l'autorité de la loi.

Une nuance assez forte distingue cependant cette dernière espèce d'hypothèque légale, que nous traiterons dans le S. 5 subséquent.

Nous allons donc nous occuper successivement de l'hypothèque légale de la femme mariée; de celle des mineurs; de celle des communes et des établissemens publics, et des autres espèces d'hypothèques légales.

299. Nous nous bornerons à observer ici que l'hypothèque légale proprement dite, dont parle l'art. 2121 du Code, frappe, aux termes de l'art. 2122, sur tous les immeubles appartenans au débiteur (1) et sur ceux qui pourront lui appartenir dans la suite, sous les modifications que nous expliquerons plus bas (2).

S. II. De l'hypothèque légale de la femme mariée.

SOMMAIRE.

300. Dans l'ancien droit romain, la femme mariée n'avait un droit de préférence pour le recouvrement de sa dot, que respectivement aux créanciers chirographaires.

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(1) Un arrêt de la cour royale de Paris, du 25 mars 1811, a décidé que l'hypothèque légale accordée à la femme ne s'étendait pas aux immeubles dépendans d'une société dans laquelle le mari est intéressé, encore même que les fonds dotaux aient été versés par le mari dans la caisse sociale. Le droit que chaque associé a sur les biens n'est pas droit de propriété tel que chacun d'eux puisse le grever d'hypothèque. (2) L'hypothèque ne frappe point sur les biens substitués dont le tuteur est grevé; cependant si le testateur l'avait ordonné, il faudrait la maintenir sous ce rapport, puisqu'il est libre à un testateur d'apposer à sa libéralité telle condition qu'il lui plaît.

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