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sous l'hypothèque légale ? Il faut décider la négative; car au moyen de la novation qui a opéré l'extinction de l'obligation primitive, ce tuteur ne peut plus être considéré comme en retard et en faute vis-à-vis de lui-même; c'est la décision de Voët: Tutoris quidem debitoris intuitu debitum tale in judicium tutelæ venire non potest, cùm in morá aut negligentiâ exigendi à se ipso hærere non intelligatur, qui novationis interventu, prioris fecit obligationis dissolutionem; sed magis, ajoute-t-il, tutelæ judicio tenerentur eo casu tutores reliqui, ex eo quòd pupillarem pecuniam malè crediderunt per novationem tutori isti, qui solvendo non est, uti tenerentur, si pecuniam, tutore debitore, reipsà acceptam extraneo minùs idoneo collocassent.

322. Quid juris si le même individu gérait plusieurs tutelles? S'il les avait acceptées toutes deux le même jour, il y aurait concurrence entre les hypothèques légales des deux pupilles; s'il les avait acceptées à des époques différentes, la plus ancienne aurait une hypothèque qui primerait l'autre Potiores illi erunt quorum antiquior tutela seu priùs tutori delata fuit (Voët). Argum. l. ulti. §. 1, in fine, C. qui potior. in pignore.

Je ne partage donc point l'opinioù d'un jurisconsulte distingué, M. Delvincourt, qui prétend que deux hypothèques légales existant indépendamment de l'inscription, doivent concourir, parce qu'elles se trouveront frapper l'immeuble au même moment, celui de l'acquisition, sans aucun égard à l'antériorité ou à la postériorité de la cause, et j'oppose à la disposition de la loi 7, §. 1, ff. qui potiores, sur laquelle il se fonde, la disposition de la loi précitée, l. ultim. §. 1, in fine, C. qui potiores, d'où résulte clairement notre conclusion. Pothier, qui a professé le même principe que nous émettons ici, s'est donc entièrement conformé en cela à la jurisprudence romaine, du moins dans son dernier état.

Voët, qui a écrit pour un pays où la publicité de l'hypothèque était rigoureusement exigée, professe le même sentiment, en sorte que quand il serait vrai de dire que pour les hypothèques légales existant indépendamment de l'inscription, la loi est censée prendre inscription pour le créancier, il n'a pas moins constamment été reconnu et pratiqué que la première hypothèque en date devait avoir la préférence sur la seconde. L'hypothèque légale 'est d'ailleurs, de la part de la loi, un acte de protection qui sort des règles du droit commun; il n'est point question ici de convention, ni de convention tacite, mais d'un statut d'ordre public absolument indépendant de l'inscription.

Quid juris si le mariage du tuteur et l'acceptation d'une tutelle avaient eu lieu le même jour? Il y aurait concurrence entre l'hypothèque légale de la femme et celle du pupille, parce que tous deux sont l'objet d'une égale sollicitude de la part de la loi, et que la date de leur bypothèque serait pour tous deux la même.

Vainement objecterait-on que quand il y a un contrat de mariage entre les époux, l'hypothèque légale de la femme date du contrat de mariage, et que dès-lors elle devrait primer celle du pupille. Je réponds d'abord que cette rétroactivité de l'hypothèque légale n'est point dans la loi; l'article 2135 porte textuellement, no 2, que l'hypothèque légale existe au profit des femmes mariées, pour raison de leurs dot et conventions matrimoniales, à compter du jour du mariage; et cela indistinctement, soit qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas de contrat de mariage; et j'ajoute que cette rétroactivité, existât-elle, n'est que fictive entre les parties seulement, et que c'est bien plutôt le contrat de mariage en suspens jusqu'à la célébration, qui s'identifie avec cette même célébration lorsqu'elle est consommée; car les conventions matrimoniales ne sont que l'accessoire du grand contrat qui s'opère entre les parties, et l'accessoire s'unit et s'identifie toujours au principal.

323. Nous ne répéterons pas ici les réflexions générales que nous avons faites sur la nature de l'hypothèque légale, niles développemens que nous avons donnés dans le §. 3 touchant l'hypothèque légale de la femme et les questions que nous y avons traitées; ces réflexions et solutions s'appliquent par identité de raison à l'hypothèque légale du pupille.

324. Nous nous bornerons à faire sur la nature et la durée de l'hypothèque légale du pupille, des réflexions qui serviront de complément au §. précédent, en qu'elles s'appliqueront également à l'hypothèque légale de la femme.

L'hypothèque légale du pupille une fois née n'expire ni par la cessation ou la fin de la tutelle, ni par la reddition de compte du tuteur, mais seulement par le paiement et la restitution du reliquat, alors même que le mineur devenu majeur, après son compte rendu, aurait exigé ou reçu les intérêts du reliquat, s'il n'apparaît pas d'ailleurs de la volonté d'innover. L. qui nominibus 44, §. ff. de admin. et peric. tut. junct. L. si pupillus 9, ff. denovationibus. C'est l'opinion de Voët qui s'en explique dans les mêmes termes; c'est celle d'Ant. Mathæus de auct. libr. 1, cap. 21, 11os 26, 27.

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325. Celte hypothèque ne s'évanouit pas non plus par la mort du pupille, mais se transmet à ses héritiers; c'est encore l'opinion de Voët, d'Ant. Faber, C. lib. 8, tit. 7, no 5, d'Aut. Mathæus et autres auteurs distingués.

L'opinion contraire pourrait avoir quelques sectateurs si, comme dans l'ancien droit romain, l'hypothèque legale eût été un privilége purement personnel. Alors, en effet, ce privilége s'éteignait avec la personne, et ne passait point à ses héritiers. Mais ce privilége personnel ayant été ensuite converti en droit réel d'hypothèque, il n'a plus dû s'éteindre par la mort du pupille, d'abord parce qu'aucune loi ne met la mort du créancier au rang des causes

d'extinction d'une hypothèque quelconque ; ensuite parce que cette hypothèque est destinée à suppléer à ce que la faiblesse de l'âge du mineur ne lui a pas permis de faire, c'est-à-dire de stipuler une hypothèque conventionnelle pour garantie de ses intérêts, laquelle hypothèque con- \ ventionnelle ne s'éteint certainement pas par la mort de celui qui l'a stipulée. Vainement dirait-on que ce droit d'hypothèque ayant succédé, par l'effet d'une subrogation légale, au privilége persounel, il doit avoir le même sort; c'est bien moins ici une subrogation qu'un surcroît de sécurité donné au pupille, lequel consiste dans un droit réel différent de l'ancien privilège, et ne doit pas plus lui être assimilé pour sa durée que pour sa nature.

325. Cette vérité conserve dans notre droit toute sa force, et s'applique à l'hypothèque légale de la femme, qui fut, dans le droit romain, établie par Justinien, à l'exemple de celle du pupille, et qui a toujours joui des mêmes prérogatives, avec cette modification cependant que ce qu'elle avait de privilége purement personnel, tel que le droit de prélation sur les créanciers hypothécaires antérieurs au mariage, ne pouvait être exercé que par la femme et ses enfans réclamant sa dot, et non par ses autres héritiers, tandis que le pur droit réel d'hypothèque légale passait à ses héritiers, quels qu'ils fussent. C'est même par un argument tiré de la novelle 91, in præfat., dans laquelle l'empereur ne refuse aux créanciers et héritiers de la femme que le privilége de prélation, dont nous venons de parler, et leur confère sou droit réel d'hypothėque, qu'il faut conclure que le droit d'hypothèque légale du pupille passe à ses héritiers, Justinien ayant expressément déclaré, in l. unic., §. 1, de rei uxor. act., que c'est à l'instar de l'nypothèque accordée aux pupilles qu'il -a établi celle de la femme.

326. Nous donnerons sur ce point de nouveaux développemens dans le chapitre III de l'inscription de l'hy

pothèque, quand nous en viendrons à l'application de cette vérité, dont nous nous sommes bornés ici à établir les fondemens d'une manière fort substantielle, saus discuter le mérite de l'objection de certains docteurs qui prétendaient que l'hypothèque légale compétait aux pupilles dans le temps des Pandectes: ce qui, si la chose eût été vraie comme elle est inexacte, aurait, dans les principes du droit romain, entraîné la conséquence de son extinction par la mort du pupille, puisqu'à l'époque des Pandectes le privilége du pupille s'éteignait par sa mort.

S. IV. De l'hypothèque légale, de l'état, des communes et des établissemens publics, sur les biens des receveurs et administrateurs comptables.

SOMMAIRE.

527. La troisième espèce d'hypothèque légale est celle qui est attribuée aux créanciers de l'état, des communes et des établissemens publics, sur les biens des receveurs et administrateurs comptables.

328. Le vrai comptable est celui qui, soit en recevant les deniers publics, soit en en faisant l'emploi, manie réellement les deniers publics, et qui est en cette qualité soumis à la juridiction de la cour des comptes.

329. L'ordonnateur n'est point comptable. Le mot comptable s'applique aussi à ceux qui manient les deniers des communes et des établissemens publics; mais on ne peut lui donner une plus grande extension.

530. Privilége et hypothèque du trésor public.

325. La troisième espèce d'hypothèque légale est celle qui est attribuée aux créanciers de l'état, des communes et des

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