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l'hypothèque légale de la femme et du pupille, des autres hypothèques, est certainement un attribut essentiel de celte hypothèque; c'est le mode intrinsèque constitutif de son existence. Le principe posé par l'art. 2135, que l'hypothèque légale existe indépendamment de toute inscription, à dater du mariage ou de l'acceptation de la tutelle, conservera toute sa force tant qu'il n'y sera pas expressément dérogé par la loi ;

4° En ce que l'hypothèque légale des femmes et des mineurs ne peut être purgée que par le mode particulier tracé dans les articles 2193 et suivans, insérés au chapitre 9 du Code. Cette nuance forme encore un attribut substantiel de l'hypothèque légale de la femme et du pupille, puisqu'elle est relative au mode particulier de la purger ou de l'éteindre.

Ainsi la généralité de cette hypothèque, qui embrasse les biens présens et futurs du mari et du tuteur, son in dépendance de la formalité de l'inscription dans son existence et la date de cette existence, le mode particu lier de la purger ou de l'éteindre, forment les attributs substantiels de cette hypothèque, et doivent, comme ne faisant qu'un tout avec elle, avoir le niême sort, et par conséquent se conserver et se perpétuer après la dissolution du mariage, ou la cessation de la tutelle, et se transmettre à leurs héritiers.

D'où il suit qu'après la dissolution du mariage ou la cessation de la tutelle, la femme et le mineur auront pour le recouvrement de leurs créances contre leurs mari et tuteur, une hypothèque générale sur tous les biens qui leur appartenaient lors de la célébration du mariage ou de l'acceptation de la tutelle, qui leur ont appartenu depuis, et sur tous ceux qu'ils pourront acquérir encore hypothèque qui existera pour l'avenir comme pour le passé, indépendamment de toute inscription, et qui ne pourra être purgée que par l'accomplissement des forma

lités prescrites au chapitre 9 du Code, et que tous ces droits, tels qu'ils se comportent en soi, seront transmis après la mort de la femme et du ci-devant mineur, à leurs héritiers.

Il est deux membres ou deux points de cette conclusion, contre lesquels on élevera des objections, que nous allons nous attacher à combattre et à détruire.

Le premier est que l'hypothèque légale continue de conserver son rang et son assiette indépendamment de toute inscription, après la dissolution du mariage, ou la cessation de la tutelle, et même après la mort de la fenime ou du ci-devant mineur.

PREMIÈRE OBJECTION (1). Il faut distinguer dans l'hypothèque légale de la femme et des mineurs le fond du droit en lui-même, de la conservation de ce droit. Le fond du droit consiste dans une hypothèque sur les biens présens et à venir du mari ou du tuteur, ayant rang du jour du mariage ou de l'acceptation de la tutelle; mais la conservation de ce droit exige la formalité de l'inscription qui est ordonnée par l'article 2194, sous peine d'extinction, et à laquelle il n'est fait d'ailleurs une restriction que pour le temps que durera le mariage, à l'instar de l'article 32 de l'édit de 1771, qui n'affranchissait la femme de la nécessité de former opposition que pendant la vie de son mari ou la durée du mariage, et qui était même moins sévère que le Code, qui permet à l'acquéreur de purger, pendant le mariage, l'hypothèque de la femme; d'où il suit que cet acte de sévérité de la part de la loi à l'égard de la femme, dans l'intérêt des tiers acquéreurs, prouve qu'elle ne saurait être indulgente envers elle, dans l'intérêt des tiers créanciers; volonté d'ailleurs.

(1) Cette objection et les suivantes sont tirées de la discussion de M. Tarrible, sur la même question.

énergiquement exprimée dans l'injonction faite au mari, au tuteur, au subrogé tuteur, de prendre inscription pendant le mariage. Au reste, la loi ne parle constamment que de la personne du mari, de la personne du tuteur, de la personne du mineur, etc.; ce qui suppose que ses dispositions n'ont trait qu'au temps où ces personnes coexistent avec leurs qualités respectives de femme, de mari, de tuteur, de mineur, etc...

RÉPONSE. La date de l'hypothèque est irrévocablement fixée par l'autorité de la loi, au jour du mariage ou de l'acceptation de la tutelle. Cette date et ce rang constituant l'existence de l'hypothèque à l'égard de tous, la font donc bien exister indépendamment de l'inscription. Mais si l'hypothèque existe, si elle a toute son efficacité et son complément indépendamment de l'inscription, comment peut-on dire que l'inscription est nécessaire pour la conserver? Saus doute il est un cas où l'inscription en est ordonnée sous peine d'extinction, c'est lorsque l'acquéreur veut purger sa propriété de cette hypothèque ; mais cette restriction de la loi a lieu uniquement dans l'intérêt des tiers acquéreurs, dont la propriété, dans l'intérêt public, ne doit pas être indéfiuiment grevée d'une charge invisible. Cette publicité n'est point requise dans l'intérêt des tiers créanciers; autrement, elle serait illusoire, tardive et vaine; or, d'une part, l'exception confirmerait la règle, et d'autre part, la publicité de l'hypothèque, dans l'intérêt des tiers créanciers, étant la seule raison qui fait de l'inscription une condition essentielle de l'hypothèque ordinaire, et l'inscription n'étant exigée par l'article 2194 du Code, sous peine d'extinction de l'hypothèque, que respectivement aux tiers acquéreurs, il s'ensuit évidemment que c'est partir d'un faux principe que de conclure de l'article 2194 du Code, que l'inscription doit être d'obligation pour la femme quand il s'agit de l'intérêt des tiers créanciers. La publicité de son hypothèque, respectivement aux tiers

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créanciers, est toute entière à la charge du mari et dù tuteur, qui seuls en sont responsables vis-à-vis de ces tiers, en tant qu'ils aliéneraient sans déclaration ni inscription des fonds qui seraient grevés de l'hypothèque de leur femme ou de leur pupille; mais cette publicité, qui est une obligation d'honneur de la part du mari et du tuteur à l'égard des tiers, ne touche ni la femme ni le pupille; elle atteint bien moins encore le fond de leur droit et le mode de sa conservation. Cela est si vrai, que si, après avoir fait inscription, le mari négligeait de la renouveler, et qu'elle fût périmée, l'hypothèque ne continuerait pas moins de subsister. Donc la conservation de l'hypothèque n'a rien de commun avec l'injonction faite au mari, au tuteur, etc., de prendre inscription pour la femme ou le pupille.

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Ainsi l'hypothèque qui a incontestablement son existence et son nerf indépendamment de l'inscription, continue de les conserver respectivement à tous, sans que l'injonction d'inscrire ait rien de commun avec elle; ce qui est, sans réplique, démontré par la disposition même de l'article 2194, qui ne fait une nécessité de l'inscrire que dans l'intérêt des seuls acquéreurs, et cela par un motif d'intérêt public absolument étranger aux tiers créanciers.

Il n'est donc pas exact de dire que l'ensemble des dispositions du Code annonce, de la part du législateur, une tension à faire dépendre la conservation de l'hypothèque légale de la femme et du pupille, de l'inscription relativement aux tiers créanciers. Il l'en fait dépendre, il est vrai, quant aux tiers acquéreurs qui veulent purger; et en cela il a perfectionné la disposition de l'article 32 de l'édit de 1771; pénétré de l'esprit de cet édit, il ne s'est, comme lai, occupé pour ce regard que de l'intérêt des tiers acquéreurs ; et remarquons bien que cet édit, en restreignant à la durée du mariage l'affranchissement de l'opposition

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de la part de la femme, ne s'est en aucune manière occupé des tiers créanciers, puisque son but n'était que d'organiser le mode de purgation des hypothèques dans les mains d'un tiers acquéreur, que les tiers créanciers ne l'ont occupé que respectivement à ce tiers acquéreur qui voulait libérer sa propriété; que cela devait être ainsi puisque leur rang et leurs droits respectivement entr'eux étaient d'ailleurs réglés et fixés par la date de leurs contrats ou titres de créances; que par conséquent, si la femme, hors du mariage, a été placée dans la nécessité de former opposition, c'était encore dans l'intérêt de ce tiers acquéreur seul, et de ceux qui pourraient lui succéder; que dès-lors l'existence de son hypothèque ne dépendait de cette opposition que sous ce regard, et non respectivement aux tiers créanciers; que ne contestant pas qu'elle serait éteinte sous ce rapport, s'il n'y avait pas une inscription de prise dans le délai fixé par l'art. 2194, c'est vouloir nous faire sortir du cercle dans lequel nous sommes irrévocablement et incontestablement renfermés, c'est forcer l'esprit de l'édit de 1771 et de toutes les dispositions de notre Code, c'est mal, raisonner et faussement conclure, que de vouloir tirer une induction du cas où nous sommes à une thèse toule différente.

Comment se ferait-il d'ailleurs que la loi eût si souvent exprimé le desir, le vœeu, l'invitation de procéder à l'iuscription de l'hypothèque légale, et qu'elle eût perdu de vue d'imposer cette obligation à la femme ou au pupille, à la dissolution du mariage ou à la cessation de la tutelle, si telle eût été sa volonté? Comment exciper sur ce point d'un oubli du législateur? Et serait-il permis, sans sou concours, de conclure ainsi d'un cas à un autre sur un point aussi capital? Qu'on pousse donc, si l'on veut, la prévention ou l'erreur jusqu'à vouloir tirer à l'appui du systême contraire à notre proposition, une conséquence de l'art. 32 de l'édit de 1771-et des divers articles du Code,

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