Page images
PDF
EPUB

.

je répondrai toujours victorieusement qu'on place dans la loi une exception qui n'y est point écrite, et qu'on viole manisfestement la règle posée par elle, que l'hypothèque légale de la femme et du mineur a rang et date, a son existance et son nerf, indépendamment del'inscription, hypothèque qu'elle seule a le droit d'anéantir, et qu'elle ne peut anéantir sans une disposition formelle.

Vainement dirait-on que la loi ne parle constamment que de la personne du mari, de la personne de la femme, de la personne du mineur, etc...; ce qui suppose, ajoutet-on, que ses dispositions n'ont trait qu'au temps où ces personnes coexistent avec leurs qualités respectives de femme, de mari, de tuteur, de mineur, etc... Nous répondrons à cette seconde partie de la première objection, que si c'est en considération de la femme et du mineur que l'hypothèque légale dont il est question a été établie par la loi, cette hypothèque n'est cependant point un droit personnel inhérent à la qualité de femme mariée, de mineur en tutelle, mais un droit purement réel destiné à garantir les droits les plus sacrés, ceux d'une femme et d'un mineur, contre les fautes, les omissions ou les malversations d'un mari et d'un tuteur; que cette hypothèque sort du rang des hypothèques ordinaires, parce que les créances auxquelles elle est affectée sortent du rang des créances ordinaires; que la protection de ces intérêts étant de droit public, cette hypothèque légale tient aussi à des vues supérieures d'ordre public.

On raisonnera toujours mal quand on ne l'envisagera pas de cette hauteur, quand on s'obstinera à vouloir la faire rentrer dans le cercle des intérêts purement privés, dont les parties deviennent les arbitres. La grandeur possible des créances indéterminées qu'elle protège, les atteintes considérables qu'un mari ou un tuteur pourrait porter à la fortune de sa femme, de son pupille et de leurs héritiers, et à l'existence de toute une famille; la témérité

qu'il y aurait à confier la garantie de tels intérêts à une inscription qui pourrait, par inexpérience, par erreur par oubli, être inutile, tardive ou nulle; le danger qu'il y aurait, en cela même, de laisser tout à-coup des créances considérables, peut-être les fruits de l'inconduite d'un mari ou d'un tuteur, se placer avant ces graves intérêts; l'injustice qu'il y aurait à faire dépendre d'une formalité instantanée et périlleuse le sort de créances accumulées depuis longues années, des indemnités ou des réparations qui composent toute l'existence d'une famille; telles sont les considérations d'un ordre supérieur, qui out déterminé le législateur à affranchir l'hypothèque légale de la nécessité de l'inscription, et qui, à quelque époque que ce soit, s'élèvent avec la plus grande force contre le systême contraire.

Sans doute le législateur a eu en vue aussi la condition personnelle de la femme et du pupille, puisque c'est cette condition personnelle qui lui donne lieu de protéger de si précieux intérêts. Mais ces intérêts sont-ils moins importans quand la cause qui les a fait naître a cessé ? N'estce pas après la dissolution du mariage ou la cessation de la tutelle, qu'ils se développent dans toute leur étendue ? que le résultat d'une longue gestion se mesure et s'apprécie? Le législateur abandonnera-t-il la femme et le pupille à eux-mêmes, quand, sondant peut-être la profondeur de l'abîme creusé sous leurs pas, ils ont plus que jamais besoin de sa puissante intercession?

Mais un temps considérable ne peut-il pas s'écouler avant que le résultat d'une liquidation ou d'un compte soit counu de la femme ou du mineur; et des intérêts qu'ils croyaient peut-être nuls, et sur l'apparente modicité desquels ils auront négligé l'inscription, ne pourront-ils pas apparaître, par le résultat des débats, fort considérables?

Au reste, pourquoi remettre en question ce qu'une jurisprudence constante a déjà décidé, que l'hypothèque lé

gale n'est point un privilége personnel, mais un droit réel qui se conserve au-delà de la dissolution du mariage ou de la cessation de la tutelle, et qui est transmissible aux héritiers de la femme et du mineur.

Ainsi tombe et disparaît la première objection.

SECONDE OBJECTION. Mais, ajoute-t-on, en convenant que l'hypothèque de la femme et du pupille doit, après la dissolution du mariage ou la cessation de la tutelle, conserver toute sa force, elle existe de la sorte par l'effet d'une inscription tacite qui coïncide avec le moment de la dissolution du mariage et de la cessation de la tutelle. Or, cette inscription tacite doit, comme les inscriptions ordinaires, être renouvelée dans les dix ans, pour n'être pas périmée, de telle sorte que si elle n'était pas renouvelée dans ce délai, l'hypothèque perdrait sa date primitive pour descen dre à celle de l'inscription tardive.

RÉPONSE. Mais s'il est constant que l'hypothèque existe indépendamment d'une inscription primitive, qu'est-il besoin d'une inscription renouvelée? On conçoit que si l'inscription de l'hypothèque légale avait été prise par ceux à qui les articles 2136 et 2137 en imposent le devoir, sous des peines déterminées, cette inscription devrait être renouvelée par eux dans les dix ans, sous les mêmes peines. Mais s'ils négligeaient le renouvellement de l'inscription, leur négligence ne porterait aucune atteinte au droit intégral de l'hypothèque légale, acquis à la femme ou au mineur. Pareillement, si la femme et le mineur requéraient eux-mêmes l'inscription au commencement du mariage ou de la tutelle, ainsi que l'article 2139 les y autorise, l'omission du renouvellement de l'inscription n'empêcherait pas qu'ils ne conservassent la plénitude de leurs droits; donc il en doit être de même après la dissolution du mariage ou la cessation de la tutelle, puisqu'il est certain que le droit se conserve, après ces époques, tel qu'il était au paravant.

Le second point sur lequel on élève encore des objections est celui-ci : Que le tiers acquéreur de l'immeuble du mari ou du tuteur doit, même après la dissolution du mariage ou la cessation de la tutelle, ou la mort de la femme ou du pupille, remplir les formalités prescrites par le chapitre 9 du Code, pour parvenir à la purgation spéciale de l'hypothèque de la femme et du mineur, et conséquemment qu'il devra déposer son contrat, notifier personnellement l'acte de dépôt à la femme, au ci-devant mineur ou à leurs représentans, et afficher l'extrait du contrat pendant deux mois.

Objection. Les mêmes raisons qui ont fait décider que la femme et le mineur n'étaient pas dispensés, après la dissolution du mariage et la majorité, de faire des inscriptions littérales dans le délai indiqué, doivent faire décider aussi que le mode particulier établi pour purger les hypothèques légales pendant le mariage ou la tutelle est superflu, lorsque la dissolution du mariage ou la majorité ont rendu à la femme ou au mineur le libre exercice de leurs droits.

La contexture même du chapitre 9 le

prouve :

<< Pourront, dit l'article 2193, les acquéreurs d'immeu«<bles appartenans à des maris, ou à des tuteurs... pur«ger les hypothèques qui existeraient sur les biens par << eux acquis.

[ocr errors]

A cet effet, poursuit l'article 2194, ils notifieront par << acte signifié tant à la femme ou au subrogé tuteur, qu'au << procureur du roi, le dépôt qu'ils en auront fait. » La loi désigne clairement des ventes faites par des personnes qui ont actuellement et au moment de la vente, la qualité de mari ou de tuteur, et ce qui le prouve de plus fort, relativement au pupille, c'est que la signification prescrite doit être faite au subrogé tuteur.

<< Pendant lequel temps, porte l'article 2194, les fem« mes, les maris, les tuteurs, subrogés tuteurs, mineurs,

<< interdits, parens ou amis, et le procureur du roi, se<«<ront reçus à requérir, s'il y a lieu..., des inscriptions << sur l'immeuble aliéné. »

Les femmes, dans cet article, sont nommées en même temps que les maris : la loi suppose donc leur coexistence; elle appelle nominativement les tuteurs, les subrogés tuteurs, les mineurs, ce qui prouve que la vente a été faite par un tuteur, pendant la minorité de son pupille.

RÉPONSE. Cette objectiou perd toute sa force par la réfutation complète que nous avons faite des précédentes objections, et puisqu'il est incontestable que l'hypothèque légale se conserve et passe aux héritiers de la femme et du mineur, indépendamment de toute inscription, pourquoi la prérogative particulière qui la caractérise et qui consiste de la part de la femme et du mineur, en ce qu'on ne puisse purger leur hypothèque sans qu'ils soient personnellement avertis, ne se conserverait-elle pas aussi? Pourquoi maintenir l'hypothèque privilégiée, et détruire ce qui la rend telle?

Il est vrai que le législateur a parlé de la personne de la femme, du mari, du subrogé tuteur, etc...; mais c'est parce que ce cas qui est le plus fréquent s'est offert à sa pensée lorsqu'il a rédigé ces dispositions, et alors il fallait bien qu'en parlant d'une notification à faire, il ordonnât de la faire à la femme elle-même ou au subrogé tuteur: à la femme, parce qu'elle est la personne vraiment intéressée; au subrogé tuteur, parce qu'il est le seul auquel, dans les années de l'enfance et de la pupillarité, la notification puisse être faite avec efficacité.

Mais le législateur n'a point parlé ainsi limitandi causâ, mais demonstrandi causd.

346. Notre opinion est implicitement confirmée par un avis du conseil d'état du 9 mai 1807, approuvé le 1er juin suivant, sur les moyens de prévenir les difficultés en ma

« PreviousContinue »