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répondrons qu'elles ne nous paraissent point conformes aux principes; qu'il est inconcevable que la loi, qui couvre de la garantie de l'hypothèque légale la dette du tuteur envers le mineur, et du mari envers la femme, dette qui, par son importance, est précisément l'objet de cette hypothèque privilégiée, que la loi, disons-nous, retire à la femme et au pupille sa protection dans le moment même qu'ils en ont le plus grand besoin, c'est-à-dire à la majorité de l'un et à la dissolution du mariage de l'autre ; que si les droits acquis à des tiers, aux termes de la loi du 11 brumaire an 7, sont respectés, personne n'a droit de se plaindre de la conservation de l'hypothèque légale, à moins qu'on ne prétende (ce qui serait immoral et subversif de tous les principes en cette matière) que le Code ouvre aux maris et aux tuteurs une issue pour échapper à la surveillance et à la main-mise de la loi, et frustrer impunément la femme et le mineur de créances qui composent toute leur fortune; qu'en un mot, si l'esprit de la loi, la nature et le but de l'hypothèque légale résistent à une telle conséquence, il faut dire, en nous renfermant dans cette vérité légale assez démontrée, quelque profond respect que nous professions d'ailleurs pour les décisions judiciaires, legibus, non exemplis, judicandum est.

L'hypothèque légale de la femme devenue veuve, et du pupille devenu majeur avant le Code, subsiste donc encore sous le Code quoique non inscrite, et elle ne pourra être purgée ni éteinte sous le Code que par les voies ordinaires.

352.Ici se reproduit la question de savoir si l'hypothèque légale de la femme et celle d'un pupille par exemple, nées antérieurement au Code, mais à des époques différentes, conserveront toujours, après la promulgation du Code, leurs dates respectives; de telle sorte que l'hypothèque de la femme doive être préférée à celle du pupille, si le mariage a été célébré avant l'acceptation de la tu

telle. L'affirmative n'est pas douteuse. L'hypothèque légale de la femme et celle du pupille, n'ayant point été inscrites sous l'empire de la loi du 11 brumaire an 7, et n'ayant, par ce moyen, acquis aucune priorité l'une sur J'autre, ont été maintenues à leurs dates respectives par le Code qui, dans la dernière partie de l'article 2135, a • veillé aux droits acquis à des tiers, mais n'a rien changé à la date de l'hypothèque légale qui doit toujours remonter à la célébration du mariage, ou à l'acceptation de la tutelle, à quelqu'époque qu'elle soit née. Inutilement dirait-on que cette rétroaction de l'hypothèque légale étant l'ouvrage du Code, a eu lieu au même moment, et pour l'hypothèque de la ferme, et pour celle du pupille, et que dès-lors elles doivent concourir. Une conséquence toute opposée résulte de l'article 2135 du Code, qui a décrété en principe que l'hypothèque légale de la femme et du mineur était indépendante de toute inscription. On ne peut donc pas supposer qu'une inscription tɛcite a été prise par la loi pour fixer le rang de ces deux hypothèques au moment de sa promulgation. En écartant cette fiction de l'inscription tacite directement opposée aux termes et à l'esprit de la loi, il reste que l'hypothėque légale de la femme doit remonter à la date de la célébration de son mariage et celle du pupille à la date de l'acceptation de la tutelle, sauf les droits acquis à des tiers. Or, le mineur, dans le cas particulier, n'a point acquis de priorité sur la femme par l'inscription; il n'a donc point à se plaindre de l'enlèvement d'un droit acquis, ni de la disposition du Code, qui règle et fixe la date de leurs hypothèques légales indépendamment de toute inscription soit explicite, soit tacite. Ce que nous venons de dire, s'appliquerait aux bypothèques légales de deux femmes ou de deux mineurs, nées à des époques différentes antérieurement au Code.

Le seul point de difficulté que pourrait présenter cette

question serait de savoir si les deux hypothèques légales doivent concourir sur les immeubles acquis postérieurement à leur naissance. Il n'est pas douteux qu'elles doivent même, pour ce regard, conserver leurs dates respectives, comme nous l'avons déjà établi dans le §. 3 du chapitre 2. La raison est qu'elles sont absolument indépendantes de l'inscription, et qu'en rentrant dans les termes du droit ancien, la préférence a toujours été accordée à la plus ancienne. Argum. de la L. ultim., §. 1, in fin. Cod. qui potiores in pignore.

353. Jusqu'ici nous avons démontré que l'inscription n'était point une condition essentielle de l'hypothèque légale des femmes et des mineurs; nous avons fixé la date et le rang de cette hypothèque, et nous avons résolu les difficultés que la relation nécessaire de l'inscription à toutes les hypothèques, en général, pouvait faire naître dans certains cas, quant à l'hypothèque légale dont nous venons de parler. Nous pourrions nous arrêter ici, en taut que nous voulions ne traiter que de l'inscription partie intégrante du droit bypothécaire; mais comme l'inscription de l'hypothèque légale de la femme et du mineur est toutefois ordonnée par les art. 2136, 2137, 2139, nous devons expliquer quels sont les effets de cette intimation faite aux maris, tuteurs, subrogés tuteurs, de cette invitation donnée au procureur du roi, et de cette faculté accordée aux parens du mari ou de la femme aux parens du mineur, ou, à défaut de parens, à ses amiș, à la femme et aux mineurs eux-mêmes; et comme l'hypothèque légale est un objet d'ordre public, nous examinerons jusqu'à quel point et comment il sera possible de restreindre ces inscriptions conformément aux articles 2140, 2141, 2142, 2143, 2144 et 2145.

Et d'abord nous allons parcourir successivement les art.2 136, 2137 et 2139, pour apprécier les conséquences qui en dérivent.

L'article 2136 est ainsi conçu: « Sont toutefois, les maris et les tuteurs, tenus de rendre publiques les hypothèques dont leurs biens sont grevés ; et, à cet effet, de requérir eux-mêmes, sans aucun délai, inscription aux bureaux à ce établis, sur les immeubles à eux appartenans et sur ceux qui pourront leur appartenir par la suite. «Les maris et les tuteurs qui ayant manqué de requé rir et de faire faire les inscriptions ordonnées par le présent article, auraient consenti ou laissé prendre des priviléges ou des hypothèques sur leurs immeubles, sans déclarer expressément que lesdits immeubles étaient affectés à l'hypothèque légale des femmes et des mineurs, seront réputés stellionataires, et comme tels contraignables par corps. >>

Une première conséquence qui dérive de la contexture de cet article, et qui confirme tout ce que nous avons dit plus haut, c'est que l'obligation de prendre inscription repose sur la tête des tuteurs et des maris, sous des peines déterminées, et qu'eux seuls sont, sous ce rapport, engagés à l'égard des tiers créanciers; que cette formalité ne touche par conséquent ni le fond ni la conservation du fond du droit.

Une seconde conséquence qui résulte du même article, c'est que si le tuteur et le mari, tenus de prendre inscription, la négligent et consentent ou laissent prendre des priviléges ou des hypothèques sur leurs immeubles, sans déclarer que lesdits immeubles étaient affectés à 1 hypothéque légale, ils seront réputés stellionataires et comme tels contraignables par corps.

Les tuteurs et les maris, en tant que cela dépend d'eux, ne doivent point tromper les tiers créanciers qui pourraient contracter avec eux; c'est par cette raison qu'ils doivent prendre inscription, ou, à défaut, avertir ces › tiers de l'existence de l'hypothèque légale de la femme et des mineurs. Je dis, en tant que cela dépend d'eux, car

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la loi ne peut exiger l'impossible. Le stellionat est caraçtérisé par la mauvaise foi du débiteur, et en règle générale, cette mauvaise foi doit être explicite pour qu'il y ait stellionat propter subreptionem, d'après la définition qui est donnée du stelliouat par l'art. 2059. « Il y a stellio« nat, porte cet article, lorsqu'on vend ou qu'on hypothèque un immeuble, dont on sait n'être pas proprié«taire; lorsqu'on présente comme libres des biens hypothéqués, ou que l'on déclare des hypothèques moin<< dres que celles dont ces biens sont chargés. » C'est par une exception à cette règle que les tuteurs et maris qui laissent prendre des priviléges ou hypothèques sans déclarer l'existence de l'hypothèque légale, sont réputés stellionataires; car on n'est point stellionataire, dans les termes de notre Code, pour ne pas déclarer grevés d'hypothèque, les immeubles sur lesquels on en consent d'autres; c'est aux tiers à prendre leurs précautions et à voir les registres du conservateur des hypothèques. D'un autre côté, ce n'est pas par cela seul que l'hypothèque légale des femmes et des pupilles existe indépendamment de toute inscription, qu'une déclaration est requise de la part des tuteurs et des maris, car personne n'ignore qu'un homme marié est passible de l'hypothèque de sa femme; mais c'est principalement à raison de l'importance de cette hypothèque, du montant des droits que la femme peut avoir à recouvrer, montant qui est fixé, jusqu'à un certain point, par l'inscription pour tout ce qu'ils ont de déterminé, que la déclaration ci-dessus est requise, afin que les tiers, à défaut d'inscription, puissent s'informer et demander au mari ou au tuteur lui-même quelle est la quotité de ces droits, jusqu'à quel point ils entament sa fortune et lui laissent la liberté de transiger avec

eux.

Et comme il arrive presque toujours que ces droits sont importans par eux-mêmes, ou par cela seul qu'ils sont in

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