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connus et indéterminés, qu'ils se composent de créances acquises et accumulées dans un long laps d'années, qui, toutes, quant à la garantie de l'hypothèque, rétroagissent régulièrement à la date du mariage ou de l'acceptation de la tutelle; qui, au moins, priment le créancier qui contracte ensuite; et comme cette considération sort du rang des considérations ordinaires, qu'il n'est plus question simplement ici d'une hypothèque définiment et conventionnellement consentie, mais de la main-mise de la loi sur toute la fortune présente et à venir des maris et tuteurs, les précautions que la loi prescrit dans l'intérêt des tiers doivent sortir aussi du rang des précautions ordinaires, et avoir plus de latitude; d'où il suit que les maris et tuteurs seront réputés stellionataires, quand ils consentiront ou qu'ils laisseront prendre des priviléges ou hypothèques sur leurs biens, sansavoir inscrit ou sans avoir déclaré l'hypothèque légale qui pèse déjà sur eux; et qu'il y aura mauvaise foi de leur part, par ce silence seul et alors même qu'elle n'est pas explicite; il y aura stellionat pour avoir tu la vérité, propter obreptionem.

Or, cette mauvaise foi et ce stellionat propter obreptionem, quand existeront-ils ? C'est à ce point de fait que se réduit d'application de la disposition pénale de l'arti cle 2136. La réticence qui caractérise ce stellionat implicite sera-t-elle réputée avoir eu lieu, quand un privilége ou une hypothèque légale sera prise sur les biens du tuteur et du mari, ou seulement quand ils auront consenti une hypothèque conventionnelle ? Je réponds qu'elle sera réputée avoir eu lieu toutes les fois qu'il en résultera un dommage pour les tiers créanciers, par le fait du mari ou du tuteur; que si, d'après le texte matériel de la loi, s'il consent ou laisse prendre des priviléges ou hypothèques, on ne peut faire de distinction, les motifs qui font sortir cette précaution du cercle des précautions ordinaires, ne souffrent pas non plus une restriction qui

réduirait l'hypothèque ou le privilége pris, à l'hypothèque conventionnelle; que si on ne peut étendre une peine d'un cas à un autre, on ne doit pas non plus la restreindre quand elle est expresse et qu'elle a un grand but d'utilité.

Ainsi, un mari ou un tuteur projette d'immenses constructions, un devis est tracé, un architecte ou entreprepreneur se charge de l'exécution; mais il arrive que les dépenses et les frais excèdent de beaucoup la valeur de ces constructions constatées par le second procès-verbal;qu'une maison de plaisance, par exemple, ou des constructions de pur agrément, sont loin d'avoir une valeur réelle égale aux sommes qu'elles ont coûté. L'entrepreneur qui aura tracé le devis, et qui se sera chargé de l'exécution, éprouvera donc un préjudice considérable, si la fortune du mari ou du tuteur est d'ailleurs entamée ou même absorbée par les créances occultes de la femme ou du mineur. La réticence du mari ou du tuteur sur l'existence de cette hypothèque légale dont il pouvait faire la déclaration dans le procès-verbal contradictoire, sera donc un préjudice grave causé par son fait à cet entrepreneur, préjudice qui ne pourra point être assimilé au préjudice résultant de la reticence d'une hypothèque conventionnelle antérieurement consentie, parce que les bypothèques conventionnelles n'ayant de date que par l'inscription, l'entrepreneur aurait pu, dans ce cas, s'assurer d'avance de l'état de la fortune du tuteur ou du mari.

Vainement dirait-on que le privilége de cet entrepreneur, primant l'hypothèque même de la femme, quant à l'objet auquel il s'applique, et que cet entrepreneur n'ayant de droit réel que sur cet objet, il n'a pas lieu de se plaindre, puisqu'il obtient tout ce qu'il pourrait retirer de son gage. A cela je réponds, d'une part, que le texte de la loi parle du tuteur ou du mari qui a consenti ou laissé prendre des priviléges ou hypothèques; que ces mots,

laissé prendre, sont employés par opposition à consenti ; qu'ils désignent donc une hypothèque fondée sur l'autorité de la loi, et qui ne dépend point d'une convention particulière; et que cette désignation devient taxative par les mots subséquens des priviléges ou hypothèques ; je réponds, d'autre part, que l'inscription ordonnée aux maris et tuteurs n'est point une inscription ni une mesure ordinaires; elle n'est pas seulement destinée à empêcher qu'un créancier ne se trouve, à son insçu, primé par une hypothèque légale qu'il ne connaissait pas, mais à avertir les tiers, en général, de l'affectation de l'universa. lité de la fortune des maris et tuteurs à des créances inconnues, indéterminées, et dont le montant peut être fort considérable; qu'il est des cas où l'inscription ne fixaut ni date, ni préférence, est toute de publicité dans l'intérêt des tiers en général; que l'inscription que les agens, et après eux, les syndics d'une faillite, doivent prendre, par exemple, au nom de la masse des créanciers, sur les immeubles du failli dont ils connaîtront l'existence, n'a pas pour but (1) de donner à la masse des créanciers un rang et une préférence dont elle ne saurait user contre des créanciers particuliers du débiteur, puisque la masse des créanciers les comprend tous, et que d'ailleurs l'art. 2146 du Code n'accorde aucun effet aux inscriptions prises à cette époque; que cette inscription n'est destinée qu'à annoncer que la masse des créances est constatée, arrêtée, et qu'elle est investie des droits que les jugemens confèrent sur les biens des débiteurs, afin que des tiers se gardent de contracter avec un failli, de lui tendre des secours qui seraient perdus saus retour pour eux; que si les tuteurs et maris ne sont point des faillis, ils sont, comme eux, sous le poids de dettes ou de créances qui

(1) M. Tarrible, vo inscription hypothécaire.

peuvent par l'événement être fort considérables; qu'il faut donc annoncer que leur fortune est toute entière affectée en garantie à leurs femmes et à leurs pupillos, comme il faut annoncer que la fortune du failli est sous la main de la loi, et affectée à ses créanciers reconnus et constatés.

Il est vrai qu'il n'y aura pas stellionat pour avoir célé cette main-mise de la loi à des créanciers chirographaires, parce qu'il n'est pas de la nature du stellionat de s'appliquer à des créances mobilières et purement personnelles; mais quand une garantie consistant dans un droit réel est prise ou donnée par la loi, elle annonce que ce n'est plus la foi du débiteur qu'on a voulu suivre; que le créancier comptait sur la valeur des immeubles affectés à sa créance, que c'est à la foi de cette garantie réelle qu'il s'est attaché, et alors il faut, pour ne pas le tromper, pour le mettre à même d'exiger un surcroît de garantie, ou de ne pas conclure le marché, lui faire connaître l'existence de l'hypothèque légale de la femme ou du pupille. D'ailleurs certains priviléges, quand on en néglige l'inscription dans un certain délai, ne deviennent-ils pas des hypothèques légales qui n'ont de date que par leur inscription? Peut-on dire, daus ce cas, que le privilége que le mari ou le tuteur a laissé prendre prime l'hypothèque légale de la femme ou du pupille? et le créancier ne se trouverat-il pas évincé? n'y a-t-il pas des cas aussi où l'inscription. de certains priviléges ne pourra plus être prise utilement ? Mais, nous dira-t-on, la loi n'a fixé ni la forme, ni le terme, ni le lieu où cette déclaration doit être faite. Comment le mari ou le tuteur pourra-t-il la faire à l'entrepreneur dout nous parlons? Le mari et le tuteur devront prendre inscription, chose très-facile, quelle que soit la nature du fait qui donne naissance à l'hypothèque ou au privilége d'uu tiers; la loi leur en fait un devoir; ils le doivent remplir sous les peines déterminées par elle; et, faute de l'avoir

rempli, il faut que par un avertissement donné à l'entrepreneur avant la conclusion du marché qui doit donner naissance au privilége, le tuteur et le mari déclarent qu'une hypothèque légale pèse sur eux, et si cette déclaration ne peut être consiguée dans un contrat ou une convention particulière, il faut qu'elle se fasse comme toutes les déclarations que la loi, dans certains cas, ordonne de faire.

Ainsi quand le privilége ou l'hypothèque, quoiqu'établis par l'autorité de la loi, proviendront d'un fait du mari ou du tuteur, il y aura, de leur part, reticence ou stellionat propter obreptionem, quand ils n'auront pas déclaré l'existence de l'hypothèque légale, ou par une inscription, ou autrement. Il était en effet en leur pouvoir de le faire, et ils doivent s'imputer de ne l'avoir pas fait.

Mais s'il ne dépendait pas d'eux de prévenir l'existence d'un privilége ou d'une hypothèque par une inscription ou un avertissement préalable; si l'existence de ce privilége et de cette hypothèque arrive accidentellement par rapport à eux, alors on ne peut leur faire un crime de n'avoir pas fait connaître l'hypothèque légale par l'inscription ou une déclaration préalable; il n'y a point, de leur part, de réticence ou de stellionat.

Ainsi un mari ou un tuteur est institué héritier, à la charge par lui d'acquitter le legs particulier d'une somme en faveur d'un tiers. La loi, indépendamment de la volonté, du fait du mari ou du tuteur, établit, à l'instant même du décès du disposant, une hypothèque légale en faveur du légataire particulier de la somme. Il est de toute évidence qu'il n'a pas été au pouvoir du mari ou du tuteur d'intercaler une déclaration de l'hypothèque légale qui pèse sur eux; qu'il n'y a point de rélicence de la part de l'un ou de l'autre ; qu'il y a, en cela, à leur égard, accident, et qu'on doit leur appliquer la règle impossibilium nulla est obligatio. Ces mots, qui auront laissé prendre,

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