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renonciation absolue à l'hypothèque légale de la part de la femme est prohibée.

Si une réduction de cette hypothèque est permise, ce n'est que dans le contrat de mariage, quand la femme n'est point encore engagée sous la puissance et l'influence de son mari, et ce n'est que quand elle est majeure au moment où se passe ce contrat. Si elle était mineure, aucune réduction ne pourrait être consentie par elle, pas même avec l'autorisation des personnes sous l'autorité desquelles elle contracte mariage.

Quand cette réduction est valablement consentie, l'hypothèque de la femme devient spéciale, et elle se concentre toute entière dans les immeubles désignés, et tous les autres immeubles du mari restent libres et affranchis (1).

357. « Il en sera de même, porte l'article 2141, pour les immeubles du tuteur, lorsque les parens, en conseil de famille, auront été d'avis qu'il ne soit pris d'inscription que sur certains immeubles. »

Il résulte clairement de cet article combiné avec le précédent, que quand les parens en conseil de famille aurout été d'avis qu'il ne soit pris d'inscription que sur certains immeubles, ces immeublés seuls seront soumis à l'hypothèque légale du pupille, et que les autres en seront affranchis. Mais pourra-t-il être convenu qu'il ne sera pris aucune inscription? D'abord le conseil de famille donne des avis, mais ne fait point de convention; en sorte que la disposition littérale de la seconde partie de l'art. 2140 ne saurait lui être applicable; et, en second lieu, l'hypo

(1) Lorsque la femme, ayant hypothèque légale sur les conquêts de la communauté, s'est obligée solidairement `avec son mari, elle est par cela même réputée avoir renoncé, au profit des créanciers de son mari, à la priorité qui pourrait lui appartenir en vertu de son hypothèque légale. ( Arrèt de la cour royale de Paris, du 11 mars 1813. )

thèque légale du pupille est, comme celle de la femme, de droit public, et il est inconstestable qu'il ne serait point au pouvoir du conseil de famille d'affranchir absolument les immeubles du tuteur de l'hypothèque égale. L'article 214, en effet, en se référant à l'article 2140, ne parle que de restriction, et exclut tout affranchissement absolu.

358. « Dans le cas des deux articles précédens, porte l'article 2142, le mari, le tuteur et le subrogé tuteur ne seront tenus de requérir inscription que sur les immeubles indiqués. >>

Le seus précis de cet article est que l'inscription, comme l'hypothèque légale, est réduite aux immeubles indiqués ; que par conséquent il n'appartient plus au subrogé tuteur, aux parens et amis du mineur, de faire porter ensuite l'inscription sur d'autres immeubles qui sont libres.

Quid juris, si le tuteur et le mari requéraient inscription sur leurs autres biens ? On pourrait, suivant les circonstances, en induire une renonciation tacite aux avantages de la réduction et le rétablissement de l'hypothèque dans son état primitif; mais il faudrait que cela fût bien constant, car une telle renonciation ne se présume pas.

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359. « Lorsque l'hypothèque (art. 2143) n'aura pas été restreinte par l'acte de nomination du tuteur, celui-ci pourra, dans le cas où l'hypothèque générale sur ses immeubles excéderait notoirement les sûretés suffisantes pour sa gestion, demander que cette hypothèque soit restreinte aux immeubles suffisans pour opérer une pleine garantie en faveur du mineur. La demande sera formée contre le subrogé tuteur, et devra être précédée d'un avís de famille. >>

Cet article confirme ce que nous avons dit, définition de l'hypothèque, que l'hypothèque n'était pas proprement un droit indivisible; qu'elle ne l'était qu'improprement, comme si le créancier était convenu de n'être point tenu de recevoir une partie de la dette, même d'un des héritiers

du débiteur; que de même qu'une partie de la dette étant enlevée par un pacte quelconque, tout le gage reste obligé pour le résidu seulement, de même, une seule partie du gage étant affranchie, le résidu reste hypothéqué pour toute la dette, s'il n'en est expressément disposé autrement; que l'hypothèque n'est pas moins divisible que ne l'est, sous tous les rapports, la dette principale elle-même.

En effet, on voit qu'il est permis au tuteur de demander la réduction de l'hypothèque générale qui frappe sur ses biens, lorsqu'elle excède notoirement les sûretés suffisantes pour sa gestion; d'où il suit évidemment que le lien de l'hypothèque peut souffrir une atténuation, une réduction, et qu'il n'est pas proprement indivisible. Cet attribut d'indivisibilité proprement dite serait contraire à la spécia-lité à laquelle le législateur tend toujours le plus possible, puisqu'alors une hypothèque générale ne pourrait plus souffrir de réduction.

Il résulte encore de l'article 2143 que l'hypothèque générale seule peut être réduite sur la demande du créancier, puisque si elle avait déjà été restreinte dans l'acte -de tutelle, la réduction n'en pourrait plus être demandée, par cela seul que l'hypothèque du pupille étant restreinte, aurait un caractère de spécialité. L'esprit de cet article rentre parfaitement dans la disposition de l'article 2161, qui porte que l'action en réduction ne s'applique pas aux hypothèques conventionnelles.

Il faut encore, d'après l'article 2143, que la valeur des biens du tuteur excède notoirement le montant de la dette dont il pourra devenir passible envers le mineur.

Il faut enfin que la demande en réduction soit précédée d'un avis favorable du conseil de famille, et qu'elle soit, de plus, dirigée contre le subrogé tuteur qui est le légitime contradicteur du tuteur, toutes les fois que les intérêts de celui-ci se trouvent en opposition avec ceux du

mineur.

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Un jugement du tribunal de Rambouillet, confirmé sur appel, avait autorisé un tiers acquéreur à demander la réduction de l'inscription prise pour la femme. Ce jugement est subversif des véritables principes.

360. « Pourra pareillement le mari, porte l'art. 2144, du consentement de sa femme, et après avoir pris l'avis des quatre plus proches parens d'icelle, réunis en assemblée de famille, demander que l'hypothèque générale sur tous ses immeubles, pour raison de la dot, des reprises et conventions matrimoniales, soit restreinte aux immeubles suffisans pour la conservation entière des droits de la femme, »>

Nous avons dit que la réduction de l'hypothèque légale ne pouvait être librement consentie par la femme majeure que dans son contrat de mariage. L'article ci-dessus ne change point ce principe; car il est incontestable que sur le simple consentement de la femme, l'hypothèque ne pourra être réduite, qu'il fant encore l'avis de ses quatre plus proches parens, et une demande judiciaire; mais ce consentement de la femme, nécessaire pour fonder cette demande en réduction, ne peut être que celui d'une femme majeure, car si elle était mineure, elle ne pourrait être placée dans une position plus favorable que dans l'article 2140, qui lui défend, dans ce cas, de consentir aucune réduction dans son contrat de mariage, une femme mineure ne pouvant d'ailleurs donner de consentement valable pas plus que le mineur en tutelle,

La protection que la loi accorde aux femmes mariées, et la prohibition de renoncer à leur hypothèque légale d'une manière absolue, ou de la restreindre autrement que dans les cas et d'après les formes déterminés par la loi, sont fondées sur cette considération morale et d'ordre public, que les familles n'ont de consistance que là où la dot est en sûreté. Cependant une porte est ouverte à l'infraction de ce principe conservateur des familles, dans

la faculté que les femmes ont de garantir la vente des immeubles de leurs maris, de céder la priorité de leur hypothèque, de s'obliger avec leurs maris vis-à-vis des tiers. Lorsque la question de savoir si l'hypothèque légale de la femme ne recevrait sa force que de la loi, fut agitée au conseil d'état, la voix unanime de jurisco nsultes profonds qui ont concouru à la confection du Code, s'éleva pour proclamer l'indépendance de cette hypothèque de l'inscription, et pour combattre le principe qui donnait aux femmes une si grande facilité de s'obliger, et qui rendait impuissantes les précautions prises jusques-là dans leur intérêt. Voyez analyse raisonnée du Cod. civ. par M. de Malleville, t. 4, pag. 237.

Cet inconvénient subsiste, il faut en convenir. Dès l'instant que la communauté est le régimé d'association conjugale le plus généralement répandu en France, et qu'il est consacré en principe que la femme peut, de concert avec son mari et sous son autorisation, contracter toute espèce d'obligation, il faut, par une conséquence nécessaire, que cette renonciation directe ou indirecte à son hypothèque légale soit valable dans l'intérêt des tiers.

Ainsi la femme qui garantira la vente d'un immeuble de son mari, ou qui interviendra dans l'acte, renoncera pour ce regard, dans l'intérêt du tiers acquéreur, à son hypothèque sur cet immeuble, qui sera irrévocablement éteinte. Ainsi la main-levée d'inscription accordée par elle à l'acquéreur sera valable.

Ainsi la femme qui cédera à un tiers son droit hypothécaire ou son rang dans l'ordre de collocation, sera primée par ce tiers lors de la distribution des deniers.

Ainsi la femme qui aura contracté une obligation solidaire envers des tiers, aura renoncé dans leur intérêt à la priorité de son hypothèque, et devra souffrir qu'ils soient colloqués avant elle.

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