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Ce n'est qu'en tant que quelque chose d'essentiel sera omis dans cette exhibition de l'hypothèque, qu'il y aura une circonstance de cachée qui puisse porter préjudice à des tiers créanciers, et déterminer leur ignorance sur l'existence du droit qui les prime, que l'inscription croulera, et déjà l'on sent que les conditions de cette publicité, que les principes de cette certitude publique que la loi s'est appliquée à poser, sont entièrement dans le domaine des questious de fait, de la conscience et de l'équité des magistrats.

Cette doctrine ne repose pas seulement sur l'équité naturelle, mais sur cette équité légale qui donne de la vie et de la force à la loi, qui dérive de la comparaison de ses termes et de l'ensemble de ses dispositions. Le législateur a donné la mesure de la prudence et de la modéraration avec lesquelles il voulait qu'on appréciât le mérite d'une inscription, en se servant de deux expressions différentes pour les deux actes principaux qui doivent être portés sur les registres. Il veut qu'on transcrive les actes de mutation, et qu'on inscrive l'acte constitutif de l'hypothèque. Or, deux idées différentes s'attachent à ces deux mots transcrire, c'est copier l'acte littéralement et avec une rigoureuse exactitude; l'inscrire, c'est l'annoncer. L'acte de mutation doit être transcrit, parce qu'il peut être diversement modifié, et qu'il importe d'eu connaître les clauses, les conditions, les charges, et qu'aucune circonstance n'en doit être ignorée. L'acte constitutif d'hypothèque a dit tout ce qu'il est essentiel de savoir, quand il a dit qu'une hypothèque existe. Ce fait n'a besoin que d'être annoncé par l'inscription.

La loi n'ayant point ordonné la transcription du contenu au bordereau, elle indique assez par-là qu'elle n'a pas attaché à toutes les parties de l'inscription la même importance. C'est la judicieuse observation de M. Hua. D'où il suit qu'on doit proscrire l'injuste rigorisme qui

voudrait faire de la relation de toutes les parties du bordereau la condition substantielle de la validité de l'inscription.

D'un autre côté, la loi a restreint la responsabilité des conservateurs à l'omission totale des actes, et non à l'omission de telle ou telle clause ou énonciation. La responsabilité, comme l'observe M. Hua, devient la conséquence de la nullité ; mais la responsabilité et la nullité ne sont prononcées ni l'une ni l'autre par la loi; ce double silence de la loi indique assez combien on doit être difficile et circonspect, quand il s'agit d'annuller une inscription.

372. Aussi nous attacherons-nous aux oracles de la justice pour indiquer les règles qui déterminent en cette matière sa conviction, et nous consulterons les arrêts qui ont décidé les difficultés qui se sont élevées sur la validité des inscriptions, pour reconnaître jusqu'à quel point de sévérité les tribunaux supérieurs exigent l'observation des formalités indiquées par la loi.

L'arrêt de la cour de cassation, du 22 avril 1807, pose sur ce point les principes les plus solides. M. Daniels, substitut du procureur général, portant la parole, reconnut qu'en règle les formalités auxquelles a été soumise l'inscription hypothécaire devaient, de leur nature, être observées, à peine de nullité; mais il lui parut impossible de ne pas admettre des exceptions dans le cas où aucun intérêt étranger n'étant blessé, la nullité n'est ni prononcée par la loi, ni conseillée par l'équité. Il donna pour exemple de ces cas celui de l'omission des prénoms, de la profession, etc. L'arrêt porte en principe que les formalités qui tiennent à la substance des actes, sont de rigueur et doivent même, dans le silence de la loi, être observées, à peine de nullité. Il applique ces principes aux formalités qui concernent l'inscription hypothécaire, et particulièrement à celle qui exige la décla

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ration de la date du titre, ou de l'époque à laquelle l'hypothèque a pris naissance. Un arrêt postérieur de la même cour, du 7 septembre 1807, professe la même doctrine.

373. Ainsi la loi n'a point établi de formule sacramentelle de laquelle dépendît la validité de l'inscription. Elle pose pour fondement de l'hypothèque en général la spécialité et la publicité; ce sont là les bases essentielles, substantielles de l'hypothèque; si l'une d'elles manque, l'hypo thèque croule : voilà l'esprit et le but de la loi. Après cela, la spécialité et la publicité sont deux points de fait dont la loi explique les conditions et la nature demonstrandi causá. Quand la spécialité et la publicité n'auront pas le caractère que le législateur leur donne, dans la conscience et l'équité du juge, quand la substance de l'inscription croulera par l'omission d'une des formalités indiquées par la loi, il est de toute évidence que l'inscription sera nulle.

374. Et remarquons bien qu'il n'est point question ici de ces formes qui sont de droit public, dont la moindre infraction peut, comme dans le cas d'un testament, entraîner la nullité de l'acte, ou lui faire perdre de sa force probante. Il n'est pas question ici d'authenticité, ni dụ sceau de l'autorité publique opposé à un acte, mais d'un acle purement de juridiction privée, qui est dans le domaine des particuliers, et qui ne sera annullé qu'autant qu'il portera préjudice à des tiers créanciers, et que ces tiers créanciers s'en plaindront : c'est la partie intéressée qui le prépare, et quel qu'il soit, le conservateur est obligé de l'inscrire tel qu'il sort de ses mains, pourvu cependant qu'il repose sur un titre. On voit donc que les formes prescrites par la loi pour cet acte n'ont rien de commun avec celles dont doit être revêtu tel ou tel acte public; que dès-lors, nous le répétons, la même sévérité ne saurait être adoptée; que l'interprétation doit s'en faire ex æquo et bono, et que la conviction doit servir de règle au juge pour l'apprécier, conviction qui doit être basée sur

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les conditions explicites et substantielles de la publicité. Il ne s'agira pas de décider, en fait, si les tiers ont connu ou non l'existence de l'hypothèque avec toutes ses circonstances, mais de savoir si toutes les conditions capables de donner à l'hypothèque sa publicité ont été remplies.

375. L'inscription est, si j'ose m'exprimer ainsi, le fanal qui doit éclairer la navigation du citoyen sur la mer périlleuse du crédit. Il faut qu'il soit placé de distance en distance, et par-tout où le débiteur a des propriétés, autrement il deviendrait illusoire. On a donc partagé le territoire en différeus arrondissemens ou conservations d'hypothèques, coïncidant avec les arrondissemens des tribunaux de première instance. Tous les droits hypothécaires qui grèveront quelques immeubles devront être inscrits. sur les registres du conservateur de l'arrondissement où ces immeubles sont situés (1). C'est certainement là la base de la publicité de l'hypothèque; c'en est la condition substantielle, et une inscription serait évidemment nulle, si elle était prise dans une conservation dans l'arrondissement de laquelle ne seraient pas situés les immeubles grevés.

376. Chaque conservateur, aux termes de l'article 2200, est obligé d'avoir un registre sur lequel il doit inscrire jour par jour, et par ordre numérique, les remises qui lui sont faites d'actes de mutation pour être transcrits, ou de bordereaux pour être inscrits, et de donner au requérant une reconnaissance sur papier timbré, qui rappellera

(1) L'inscription à prendre sur les immeubles fictifs, tels que les áctions de la Banque ou des canaux immobilisées, doit être prise au bureau de l'arrondissement de Paris par deux raisons: la première, parce que c'est à Paris qu'est le siége de la Banque et de l'administration des canaux; la seconde, parce que le domicile du débiteur peut varier, et qu'en conséquence les tiers créanciers ignoreraient si ces actions sont grevées d'hypothèques, dans le cas où l'on voudrait que les inscriptions fussent prises dans le bureau de ce domicile.

le n°. du registre sur lequel la remise aura été inscrite. Le même article 2200 enjoint au conservateur de transcrire les actes de mutation, et d'inscrire les bordereaux sur les registres à ce destinés, à la date et dans l'ordre des remises qui lui auront été faites.

Les hypothèques n'ont de rang que par l'inscription, mais ce rang n'est pas fixé par l'instant, l'heure ou la partie de la journée où cette inscription est prise; de telle sorte qu'une inscription prise à dix heures prime celle qui n'a été faite qu'à onze heures, ou que celle prise le matin prime celle qui a été faite le soir. L'article 2147 veut que tous les créanciers inscrits le même jour exercent en concurrence une hypothèque de la même date, sans distinction entre l'inscription du matin et celle du soir, quand cette différence serait marquée par le conservateur; en sorte que si les sommes à distribuer étaient insuffisantes pour désintéresser les créanciers qui entrent en concurrence, elles seraient réparties par contribution, c'est à-dire proportionnellement au montant de chaque créance.

377. Cela posé, examinons les formes de l'inscription en elle-même, ce qui comprend deux objets : le premier qui est de savoir par qui l'inscription peut être requise ; le second, dans quelles formes elle doit être présentée au conservateur des hypothèques.

L'article 2146 contient principalement les règles et les formes à suivre dans l'inscription des hypothèques, il est ainsi conçu :

« Pour opérer l'inscription, le créancier représente, soit par lui-même, soit par un tiers, au conservateur des hypothèques, l'original en brevet ou une expédition authentique du jugement, ou de l'acte qui donne naissance au privilége ou à l'hypothèque. Il y joint deux bordereaux écrits sur papier timbré, dont l'un peut être porté sur l'expédition du titre ; ils contiennent: 1o les nom, prénoms; domicile du créancier, sa profession s'il en a une, et l'élec

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