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sión librement faite par le débiteur leur nuirait en diminuant leur gage, puisqu'il est de la nature de toute convention d'enlever quelque chose du domaine de celui qui contracte une obligation. Dirait-on, dans ce dernier cas, que l'acte par lequel un individu recevrait un capital du débiteur dans l'intérêt du créancier, et qui en donnerait décharge, nuirait aux tiers et ferait un acte de procédure ? Non sans doute.

Vainement nous opposerait-on l'art. 1119 qui porte qu'on ne peut en général s'engager ui stipuler en son propre nom que pour soi-même, pour établir que l'inscription est un acte de propriété, l'exercice d'un droit comme celui d'ester en justice, et qu'en conséquence ne pouvant être placée au rang des actes purement conservatoires, les tiers n'auraient pas le droit de la prendre, et feraient une inscription nulle.

L'art. 1119, il est vrai, défend en général de stipuler pour autrui ; mais l'inscription n'est point une stipulation, elle réalise et conserve un droit stipulé et consenti, elle ne le fonde pas.

Nous conviendrons encore avec M. Tarrible, que per sonne ne peut agir en justice qu'en son propre nom et par le ministère d'un avoué spécialement constitué, ce qui avait introduit en France cette vieille maxime, personne ne peut plaider par procureur que le roi; mais nous ne pensons pas comme lui que l'inscription ressemble à l'acte d'ester en jugement. Une action intentée en justice a pour but l'obtention d'un droit contesté; soit qu'on agisse, soit qu'on défende, on veut obtenir justice sur une prétention ou sur un droit. Mais l'inscription n'a point ce caractère; elle est de la part d'un tiers, si nous osons hasarder cette expression, l'acte d'un individu qui voyant péricliter une récolte ou des fruits prêts à être cueillis, les recueillerait lui-même dans l'intérêt du maître pour qu'ils ne se perdissent pas. Celui qui inscrit n'exerce au

cune action, ne poursuit l'obtention d'aucun droit contre le débiteur ni contre les créanciers, il ne contracte point, ne démêle absolument rien avec eux; il se borne à l'acte purement conservatoire d'un droit acquis..

Ainsi nous pouvons tirer dès à présent de tout ce que nous venons de dire la conséquence que l'inscription n'est point un acte de nature à ne pouvoir être fait que par le créancier, qu'elle peut être prise par le tiers qui remplirait l'office d'ami, ce qui comprendrait à plus forte raison le tiers nanti d'une procuration soit écrite, soit verbale.

Pour compléter cette démonstration, nous réfuterons l'interprétation trop restreinte que M. Tarrible semble donner à l'art. 1375 du Code civil, ainsi conçu: « Le maître dont l'affaire a été bien administrée doit remplir les engagemens que le gérant a contractés en son nom, l'indemniser de tous les engagemens personnels qu'il a pris, et lui rembourser toutes les dépenses utiles et nécessaires qu'il a faites. » M. Tarrible induit de la disposition de cet article, que le législateur, n'a eu en vue que la culture d'un domaine, l'entretien d'une manufacture, la réparation ou la reconstruction d'un bâtiment et les autres affaires du même genre entreprises par un tiers pour l'intérêt du propriétaire, sans mandat de celui-ci ; c'est, dit-il, à la gestion de ces sortes d'affaires que s'appliquent parfaitement et exclusivement les obligations imposées aux maîtres par l'article cité.

Nous répondrons par les expressions mêmes de cet article qui sont générales et ne doivent souffrir d'autres restrictions que celles que la loi y apporte, le maître dont l'affaire a été bien administrée, etc. Le mot affaire comprend tout ce qui peut intéresser le maître et qui est susceptible d'être géré par le tiers complaisant. Sans doute ce tiers ne pourra actionner en justice un individu au nom du maître, parce que l'acte d'ester en jugement entraîne

mineur, l'interdit et la femme mariée qui viendraient requérir personnellement l'inscription de leurs créances contre un tiers, les deux premiers sans l'intervention de leur tuteur, et la dernière sans l'autorisation de son mari :

« Nous pensons qu'ils le pourraient, parce que cet acte << n'entraîne à leur égard ni contrat ni obligation, et qu'au << contraire il n'a pour but que de consolider une créance << qui leur appartient, parce que le vœu de la loi est rempli, lorsque la créance et l'hypothèque qui y est atta«< chée ont acquis la publicité nécessaire pour mettre les « tiers à l'abri des surprises. »

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Or, si l'interdit même qui n'a point de volonté, qui ne peut démêler ce qui lui est utile de ce qui pourrait lui être funeste, peut requérir inscription de sa créance sur un tiers, parce que l'inscription n'est qu'un acte purement conservatoire, et que le vœu de la loi est rempli lorsque la créance et l'hypothèque qui y est attachée ont acquis la publicité nécessaire pour mettre les tiers à l'abri des surprises, parce que l'inscription n'entraîne ni contrat ni obligation, pourquoi donc serait-il défendu à un tiers officieux de prendre inscription pour ses créances ?

Et s'il est vrai qu'il est des cas où il serait d'une iniquité révoltante de refuser ce droit à un tiers, dans le cas, par exemple, où un créancier plein de confiance dans la solvabilité de son débiteur aurait différé, par ménagement, de faire son inscription, où ce créancier étant ensuite en voyage, des événemens annonceraient qu'il n'y aurait pas un moment à perdre pour consolider sa créance, il faut conclure de cet exemple et autres semblables, que la loi n'a point pu poser en principe que des tiers ne pouvaient point, sans procuration, requérir inscription pour un créancier.

On invoque pour appuyer la négative, l'article 778 du Code de procédure civile, qui dit que tout créancier

pourra prendre inscription pour conserver les droits deson débiteur, et l'on tire de cet article la conséquence que par cela même que la loi n'autorise que les créanciers seuls à prendre inscription pour leur débiteur, elle exclut de cette faculté toute autre personne qui n'aurait ni le titre de créancier, ni aucun autre, pour inscrire une créance hypothécaire appartenaute à autrui.

Cette conséquence n'est pas juste. Si la loi donne explicitement cette faculté aux créanciers, c'est parce qu'étant intéressés à conserver les droits de leur débiteur dans leur propre intérêt, il est utile et sage de les en avertir, parce qu'ils sont appelés à figurer dans l'ordre, au lieu et place de leur débiteur négligent, et que la loi leur confère ce droit-là même en les engageant à prendre inscription pour eux et en leur propre nom.

Nous pensons donc, d'après ces considérations, que dans le droit comme dans la pratique, un tiers peut, sans procuration, consolider par l'inscription la créance d'un individu. Le fait seul qu'il est nanti du titre est d'ailleurs équipollent à une procuration.

379. Nous avons dit que les créanciers appelés par l'article 778 du Code de procédure, à prendre inscription pour leur débiteur, pouvaient la prendre en leur propre nom; mais ils doivent représenter le titre avec les bordereaux, énoncer dans ces bordereaux les nom, prénoms domicile et profession de celui dont ils veulent conserver, les droits hypothécaires, et l'élection d'un domicile pour lui dans l'arrondissement du bureau; ils doivent de plus énoncer les nom, prénoms, domicile et profession du débiteur grevé d'hypothèque, la date et la nature du titre, le montant de la créance, l'époque de son exigibilité, et énoncer l'espèce et la situation des biens sur lesquels ils entendent conserver l'hypothèque appartenante à leur propre débiteur, et ils doivent remplir les mêmes formalités que ce dernier aurait dû remplir s'il eût pris direc

La représentation des bordereaux est une formalité vraiment substantielle; il serait impossible au conservateur de faire une inscription s'il n'avait pas le bordereau qui doit lui servir de type et duquel il doit l'extraire.

Si, au lieu de bordereaux, on représentait l'acte consti

tutif de l'hypothèque au conservateur, et que ce dernier fit l'inscription sur cet acte, elle ne serait point nulle Si les bordereaux étaient faits sur papier libre, le défaut de timbre donnerait lieu à une amende, mais non à la nullité de l'acte. Loi du 13 messidor an 7.

Quant à l'omission de l'inscription, de la remise du bordereau sur un registre numéroté, et de la reconnaissance de cette remise qui doit être délivrée par le conservateur, elle ne peut donner lieu à contestation qu'entre les créanciers inscrits le même jour, et elle reste étrangère aux autres créanciers.

382. Les bordereaux doivent contenir les nom, prénoms domicile du créancier, sa profession s'il en a une, et l'élection d'un domicile pour lui, dans un lieu quelconque de l'arrondissement du bureau (1).

Ce qu'il y a de vraiment substantiel dans cette formalité, c'est la désignation individuelle et spéciale du créancier, parce qu'il serait absurde de supposer l'inscription d'une créance hypothécaire sans créancier indiqué.

Du reste, la désignation du prénom, du domicile du

(1) Il est loisible à celui qui a requis une inscription, ainsi qu'à ses représentans ou cessionnaires par acte authentique, de changer (art. 2152) sur le registre des hypothèques le domicile par lui élú, à la charge d'en choisir et indiquer un autre dans le même arrondissement. Suivant une décision du ministre, en date du 28 pluviôse an 9, les déclarations portant changement du domicile elu doivent être faites et rédigées en marge de l'inscription. Le créancier doit les signer: si l'espace manquait, elles doivent être portées à la date courante du registre, en consignant en marge de l'inscription une note indicative du volume et du n° où ést placé le changement de domicile; mais lorsque les parties ne savent pas signer, il est nécessaire d'un acte notarié.

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