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créancier, de sa profession, l'élection d'un domicile pour lui, n'étant introduites que dans son intérêt, et pour qu'il puisse être averti et recevoir les notifications convenables pour requérir la mise aux enchères, on ne pourrait prétendre sans injustice que l'omission de ces circonstances entraînerait la nullité de l'inscription, cette omission ne portant aucun préjudice ni aux tiers créanciers, ni aux tiers acquéreurs, du moins tel est notre sentiment; nous ne saurions trop engager d'ailleurs les inscrivans à remplir toutes ces indications avec la plus scrupuleuse exactitude, plusieurs arrêts ayant annullé des inscriptions faute d'avoir désigné le domicile et la profession d'un créancier.

Cette omission ne porte aucun préjudice aux tiers créanciers, parce qu'il suffit, à leur égard, de la publicité donnée à la créance hypothécaire pour qu'ils n'exposent pas leurs intérêts dans de nouvelles transactions, s'ils trouvent que le débiteur ne leur offre plus une garantie suffisante, et parce qu'ils ne peuvent rien apprendre de plus par l'inscription, sauf à eux, lorsqu'il s'agira de régler l'ordre, à débattre au nom de leur débiteur dont ils exercent les droits, la validité de la créance en soi, sans toucher à l'inscription parfaitement régulière dans sa forme, et qui n'est point destinée par sa nature à faire connaître le mérite du droit, mais uniquement à lui donner de la publicité.

On conçoit que la désignation des prénoms, profession et domicile est nécessaire à l'égard du débiteur greve, parce qu'il est extrêmement important pour les tiers de savoir que tel ou tel individu est grevé d'hypothèques, que son crédit n'a plus qu'une telle étendue, et sur-tout de reconnaître facilement ce débiteur sur le registre public; parce que cette publicité serait illusoire si les tiers ne voyaient pas sur-le-champ que les hypothèques inscrites frappent sur telle ou telle personne ; et cependant la loi se borne à exiger, à défaut de la désignation de la profession du débiteur, s'il n'en a point de connue, une désiguation

individuelle et spéciale, telle, que le conservateur puisse reconnaître et distinguer dans tous les cas l'individu grevé d'hypothèque. Ja

Mais comment peut-on raisonnablement soutenir que la même importance est attachée à la désignation des prénoms, profession et domicile du créancier? La conscience et l'équité de l'homme droit ne résistent-elles pas à un tel rigorisme? Et s'il est vrai qu'une désignation individuelle et spéciale du débiteur serait suffisante sans désignation nominative de sa profession, dans le cas où elle ne serait pas connue, à combien plus forte raison doit-on ne pas regarder cette désignation comme nécessaire à l'égard du créancier respectivement aux tiers.

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Quant aux tiers acquéreurs, de quoi pourraient ils se plaindre? Ou le créancier a fait une élection de domicile ou une indication de son domicile réel (1), ou il ne l'a pas faite. Dans le premier cas, il notifiera au domicile indiqué à l'individu tel qu'il est désigné dans l'inscription; dans le second cas, il sera dispensé de notifier (2). Le créancier se présentera spontanément, s'il le veut, lors de la formation de l'ordre; s'il ne se présente pas, il sera déclaré déchu faute de produire; s'il se présente, ou discutera le mérite de ses titres. Les tiers, soit acquéreurs, soit créanciers, ne souffriront donc de sou omission ou de sa négligence aucun préjudice; la nullité serait donc inutile dans leur intérêt.

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On a prétendu que l'indication du domicile réel était

(1) Déjà sous l'empire de la loi du 11 brumaire an 7, le défaut d'énonciation du domicile réel du créancier dans une inscription ne renda pas nulle cette inscription, si d'ailleurs le créancier y était désigné par d'autres indications. ( Arrêt de la cour royale de Paris, du 29 août 1811.) (2) Un arrêt de la cour royale de Paris, du 16 février 1809, a décidé que l'inscription hypothécaire qui ne contient pas l'élection du domicile éel du créancier, n'est pas nulle pour omission de cette indication.

nécessaire, parce que tout jugement doit être signifié à domicile réel, quand on arrive à son exécution. Ainsi le jugement qui statue sur la main-levée d'inscription doit être signifié au domicile réel, aux termes de l'art. 548, C. p., et d'après une décision du ministre de la justice. Or, cette signification n'est plus possible, et l'omission du domicile réel nuit à l'acquéreur qui deniande main-levée. Aussi la cour de cassation a-t-elle annullé une inscription pour omission du domicile réel, par un arrêt du 6 juin 1810. Une telle jurisprudence est trop sévère, et nous ne doutons pas que si la question se représentait, la cour de cassation ne se départit de cette rigueur; déjà la cour royale de Paris a rendu deux arrêts qui maintiennent l'inscription. Ne vaut-il pas mieux que l'acquéreur s'informe du domicile réel, et éprouve quelques retards, que d'anéantir un droit infiniment précieux pour peine de cette omission? Espérons qu'une doctrine pleine de modération essentiels lement protectrice des intérêts des créanciers, ranimera la confiance, et fera de la publicité une voie sûre et facile pour augmenter le crédit.

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On a appliqué au domicile d'élection la même sévérité; mais un tel systême ne peut se soutenir.

A

D'ailleurs, et nous l'avons déjà dit, les énonciations de l'inscription ne sont point assimilées aux formes ordinaires des actes; elles doivent être traduites toujours en cette question de fait: La publicité est-elle suffisante pour que les tiers ne souffrent aucun préjudice de la négligence ou de l'omission?

Mais quand on assimilerait l'inscription à un acte ordinaire dont la loi trace les formes, croit-on que toutes ces formes soient également sacramentelles? que toutes emportent la nullité de l'acte si elles sont négligées ? que les nombreux moyens introduits par les lois pour donuer aux actes une forme probante, deviennent un piége et un écueil pour la négligence ou l'imprévoyance des hommes?

Non sans doute; et pour appliquer précisément à nofre espèce la disposition de la loi sur le notariat et sur la forme des actes, nous invoquerons l'article 13 de la loi du 25 ventôse an 11, et l'article 68 de la même loi. Le premier porte que les actes contiendront les nom, prénoms, qualités et demeure des parties, et le second ne met point l'article 13 au nombre des formalités qui emportent la nullité de l'acte quand elles sont négligées. Donc, et en plaçant l'inscription dans l'hypothèse la plus défavorable et sous l'empire des règles qui ne lui sont pas propres, cette inscription, qui n'est que l'extrait de l'acte, ne saurait être nulle pour omission des énonciations dont nous venons de parler. La cour de cassation l'a ainsi décidé relativement à l'inexactitude ou à l'omission de la mention de la profession, par un arrêt du 1er octobre 1810, lequel, par identité de raison, doit s'appliquer à l'omission du prénom ou du domicile.

Mais l'inscription serait-elle nulle, si elle portait la désignation du créancier sous un nom qui ne serait pas le sien? La négative a été décidéé par un arrêt de la cour de cassation du 3 juin 1811, attendu que le créancier avait été désigné sous le même nom dans l'obligation contractée.

L'inscription serait-elle nulle, si elle était prise sous le nom collectif des héritiers du créancier, sans désignation `de leurs nom,prénoms, profession et domicile? Non, pourvu que le créancier fût suffisamment désigné. S'il est permis en effet de prendre simplement inscription sur les biens et sur le nom du débiteur originaire décédé, sans désignation des héritiers, ce qui peut induire en erreur les tiers, combien plus forte raison doit-il être permis de prendre cette inscription sous le nom collectif des héritiers du créancier, désignation qui ne peut porter aux tiers aucun préjudice.

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La cour de cassation a consacré (1) par un arrêt solennel, en date du 15 mai 1809, deux points principaux savoir: 1° qu'une inscription hypothécaire n'est pas nulle pour avoir été prise au nom des héritiers désignés nominativement du créancier originaire, lorsque d'ailleurs la personne de celui-ci est suffisamment indiquée ; 20 que la désignation du domicile réel du créancier peut être remplacée dans une inscription hypothécaire par des indications équipollentes. Cet arrêt, sous le second point de vue, a implicitement jugé contre l'opinion ci-dessus émise, en décidant que l'omission de l'indication du domicile réel du créancier entraînerait la nullité de l'inscription, si elle n'était pas suppléée par des équipollens. Un autre arrêt du 6 juin 1810 l'a également ainsi décidé, comme nous l'avons dit plus haut; nous en faisons mention, afin que les inscrivans se garantissent du danger qu'il y aurait à faire quelqu'omission, mais nous n'en persistons pas moins à penser qu'il y a un véritable rigorisme à déclarer une inscription nulle pour omission de la déclaration du domicile réel du créancier, et en cela notre opinion est entièrement conforme à celle de M. Tarrible dans son savant article sur l'inscription hypothécaire.

Si le créancier est décédé, on inscrira au nom de la succession. Arrêt de cassation rapporté au Journal du Palais de 1809, page 3.

Si, par suite d'un partage, la créance passe à un cohéritier, l'inscription se fera au nom du titulaire. Si la créance a été transportée à un tiers, l'inscription se fera au nom du cessionnaire ou du cédant, car le cédant est toujours

(1) Un arrêt de la cour de cassation, qui a cassé un arrêt de la cour royale de Besançon, a décidé que l'omission de la profession du créancier n'entraînait point la nullité de l'inscription. Plusieurs arrėts des cours royales ont porté la même décision.

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