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légales, ni les hypothèques judiciaires. A défaut de convention,une seule inscription pour ces hypothèques frappe tous les immeubles compris dans l'arrondissement du bureau. Mais, s'il y avait une convention qui restreignît l'hypothèque légale à certains immeubles, il n'est pas douteux que l'inscription devrait indiquer la nature, l'espèce et la situation des biens hypothéqués. Nous avons vu que cette spécialisation pouvait être consentie par la femme majeure dans son contrat de mariage, et relativement aux mineurs dans la délibération du conseil de famille. Cette spécialisation pourrait aussi être faite en jugement, et l'une des parties pourrait, dans une discussion judiciaire, consentir à ce qu'un immeuble désigné fût spécialement affecté à l'hypothèque envers l'autre partie.

Dans tous les autres cas, l'inscription prise dans un bureau frappe tous les immeubles compris dans l'arrondissement de ce bureau.

393. Cette inscription frappe-t-elle également les immeubles qui seront acquis par la suite, ou simplement les immeubles appartenans actuellement au débi teur? Elle ne peut frapper que les immeubles situés dans l'arrondissement du bureau actuellement appartenans au débiteur; de telle sorte que le créancier sera obligé de prendre inscription, au fur et à mesure, des acquisitions postérieures, et que cette inscription ne comprendra jamais que les immeubles existans dans la main du débiteur au moment de l'inscription,

L'hypothèque est un droit réel et positif, qui ne s'imprime effectivement sur un immeuble, qu'autant qu'il est dans la main du débiteur. Tant que cet immeuble n'est pas acquis, il n'est qu'un être de raison sur lequel le droit réel d'hypothèque ne peut s'asseoir ni se fixer., 51

C'est une conséquence de la publicité, qui est la base du régime hypothécaire, laquelle est toujours accompa

guée, même pour les hypothèques générales, d'une sorte de spécialité qui consiste à n'engager dans le lien de l'inscription que les immeubles actuellement appartenans au débiteur, et situés dans l'arrondissément du bureau. Nous avons vu que le législateur tend toujours à se rapprocher de ces deux grandes bases si favorables au crédit du débiteur et à l'intérêt des tiers; la faveur et la présomption doivent toujours être pour elles.

Par suite de ce principe, si le débiteur avait acquis postérieurement à l'inscription des immeubles situés dans Farrondissement d'un autre bureau, il est incontestable que cette inscription ne les comprendrait pas, et qu'il eu faudrait prendre une dans cet autre arrondissement. Or, la situation des immeubles futurs n'est-elle pas aussi incertaine que leur acquisition? Et peut-on croire dès lors que le législateur ait voulu qu'une inscription frappât éventuellement les immeubles qui seraient acquis dans un arrondissement, en laissant au hasard le soin de la réaliser? Une telle conséquence serait contraire au véritable esprit du régime hypothécaire.

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L'inscription seule donnant rang à l'hypothèque, il faut en conclure encore que les immeubles postérieurement acquis ne seront affectés à l'hypothèque légale ou judiciaire que du jour de l'inscription postérieure. Nos deux conclusions, que les inscriptions doivent être répétées an fur et à mesure des acquisitions nouvelles faites par le débiteur, et que le rang des hypothèques sur les divers immeubles sera gradué selon la date des inscriptions successives, s'appliquent-elles également aux hypothèques légales des femmes et des mineurs sur les biens de leurs maris et de leurs tuteurs? La première de ces conclusious (1) s'applique par les mêmes raisons, selon M. Tarrible, aux hypothèques légales des femmes et des mi

(1) C'est l'opinion de M. Tarrible', oo inscription et hypothèque.

neurs ; mais la seconde ne s'y applique point par la raison qu'elles existent indépendamment de toute inscription, et que leur date et leur rang sont irrévocablement fixés aux époques déterminées par la loi, en sorte que ces deux conclusious ne procèdent pleinement et simultanément qu'à l'égard des hypothèques légales sur les biens des comptables, ou des hypothèques judiciaires. Il faut en dire autant des hypothèques conventionnelles mentionnées dans l'art. 2130 du Code, par lesquelles le débiteur, eu exprimant l'insuffisance de ses biens actuels, consent que chacun des biens qu'il acquerra par la suite y demeure affecté à mesure des acquisitions.

<< Dans tous les cas où l'hypothèque embrasse les biens prèsens et à venir, dit M. Tarrible, une première inscription ne produit donc d'effet que sur les biens qui appartiennent au débiteur dans le moment où elle est faite; elle ne peut jamais atteindre les immeubles qui n'appare tiennent point encore au débiteur, et il est nécessaire de prendre des inscriptions sur les biens postérieurement acquis, et au fur et à mesure des acquisitions.

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Cependant il me paraît plus conforme à l'esprit de la loi quia consacré le principe de l'indépendance de l'hypothèque légale de la formalité de l'inscription, de décider qu'une seule inscription frappera tous les biens présens et à venir situés dans le même arrondissement. L'art. 4 de la loi de brumaire an 7 est entièrement abrogé par le Code; au reste, et sous cette modification, j'adopte entièrement la doctrine de M. Tarrible.

Une identité de raison lie l'hypothèque légale ou judiciaire et le privilége qui a été accordé par extension par la loi du 5 septembre 1807, au trésor public sur les biens acquis à titre onéreux par les comptables postérieurement à leur nomination. Suivant l'art. 5 de cette loi, ce privilége est soumis à l'inscription qui doit être faite dans les deux mois de l'enregistrement de l'acte translatif de pro

priété (1), par où l'on voit que des inscriptions prématurées et précoces ne sont point permises au trésor public, puisqu'il faut qu'il attende que les acquisitions soient réalisées. Il en doit être de même de l'hypothèque générale (2).

394. Ici se termine le tableau des formalités de l'inscription de l'hypothèque; nous allons, pour le compléter, présenter sur-le-champ celles qui sont prescrites en particulier par l'art. 2153 pour les hypothèques légales de l'état, des communes, des établissemens publics, des femmes et des mineurs. Cet article est ainsi conçu : « Les droits d'hypothèque purement légale de l'état, des communes et des établissemens publics, sur les biens des comptables, ceux des mineurs ou interdits sur les tuteurs, des femmes mariées sur leurs époux, seront inscrits sur la représentation de deux bordereaux contenant seulement, 1o les nom, prénoms, profession et domicile réel du créancier, et le domicile qui sera par lui ou pour lui élu dans l'arrondissement; 2° les nom, prénoms, profession, domicile ou désignation précise du débiteur; 3o la nature des droits à conserver et le montant de leur valeur quant

(1) Cette inscription doit contenir élection de domicile à la préfecture ou à la sous-préfecture, suivant qu'elle est prise au bureau d'un chef-lieu de département ou d'arrondissement. Elle doit toujours avoir lieu pour une somme indéterminée, aux termes de l'art. 2153 du Code. (Instruction de la régie de l'enregistrement, rapportée dans le journal de Sirey, 1810, seconde partie, page 326.)

(2) L'inscription sur les comptables et autres débiteurs du trésor public doit être faite à la réquisition de MM. les préfets ou agens du trésor public, et pour la conservation des créances nationales, à la diligence des receveurs de l'administration.

La dispense accordée au trésor public d'exprimer les sommes indéterminées, ne s'applique point à l'hypothèque consentie à la caution par le comptable cautionné. La cour d'Amiens avait décidé l'affirmative; mais, sur le pourvoi en cassation, l'arrêt a été cassé sur le fondement que les hypothèques purement légales étaient seules dispensées de cette indi

cation..

aux objets déterminés, sans être tenu de le fixer quant à ceux qui sont conditionnels, éventuels ou indéterminés. »

Il est inutile de répéter ce que nous avons déjà dit touchant les formalités de l'inscription en général; nous nous bornerons à un rapprochement succinct de ces formalités avec celles qui sont exigées par l'art. 2148 pour faire sentir les points de conformité et de différence qu'elles ont entr'elles (1).

Point de représentation matérielle du titre. Les formalités indiquées dans l'un et l'autre article, sous les nos et 2, sont les mêmes et doivent être observées de la même manière dans les deux cas.

La date du titre n'est pas exigée dans l'inscription des hypothèques légales; quant à la nature du titre, elle se confond avec la nature des droits à conserver, qui doit être déclarée par les créanciers ayant hypothèque légale.

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Le montant des créances ayant des objets déterminés doit être déclaré dans l'une comme dans l'autre ; mais le créancier ayant hypothèque légale n'est tenu à faire aucune évaluation des droits conditionnels, éventuels ou indéterminés.

Les créanciers de ce dernier genre ne sont point tenus par l'article 2153, d'indiquer l'époque de l'exigibilité même à l'égard des créances ayant un objet déterminé, et la loi du 4 septembre 1807, qui ne s'applique qu'aux inscriptions des hypothèques ordinaires, ne regarde nullement les hypothèques dont nous parlons ici.

Enfin, les créanciers désignés en cet article sont dispensés d'indiquer l'espèce et la situation des biens sur lesquels ils entendent conserver leurs hypothèques.

395. Nous terminerons cette discussion par une obser

(1) M. Tarrible, inscript.

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