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sous la loi du 11 brumaire an 7, qui soumettait à l'inscription l'hypothèque légale des femmes, tout aussi rigoureusement que les hypothèques ordinaires.

L'hypothèque légale des femmes et des mineurs est en effet placée par la loi dans une classe privilégiée; elle est indépendante de toute inscription, et cette inscription ne sert qu'à manifester aux tiers que la femme et le mineur veulent exercer leurs droits hypothécaires. De droit commun, les intérêts de la dot des femmes étaient colloqués au même rang que le capital; comment peut-on supposer. que le Code civil ait voulu atténuer des droits aussi sacrés que ceux des femmes et des mineurs?

397. « Les inscriptions, porte l'article 2154 du Code, conservent l'hypothèque et le privilége pendant dix années, à compter du jour de leur date : leur effet cesse si ces inscriptions n'ont été renouvelées avant l'expiration de ce délai » (1).

Après l'expiration du laps de dix ans, si l'inscription n'était renouvelée, le rang de l'hypothèque et du privilége seraient irrévocablement perdu ; ils dégénéreraient en une hypothèque qui n'aurait jamais été inscrite, c'est-à-dire en une simple créance chirographaire (2). La faculté de prendre une inscription nouvelle subsisterait néanmoins toujours (3). Mais l'hypothèque et le privilége dégénérés n'auraient rang que du jour de cette dernière inscription.

(1) Les affiches et autres poursuites antérieures d'expropriation font dormir la prescription de dix ans en matière d'inscription hypothécaire ( Arrêt de la cour de cassation, du 5 avril 1808. )

(2) Les inscriptions pour créances antérieures à la lo du 11 brumaire an 7 peuvent être renouvelées sans représentation du titre. L'art. 2148 du Code civil ne leur est point applicable. (Lettres des ministres de la justice et des finances, des 10 et 15 nivose an 13.)

(3) Il n'est pas nécessaire de renouveler les inscriptions hypothécaires au bout de dix ans, lorsqu'à l'époque du renouvellement le débiteur est en faillite. ( Arrêt de la cour royale de Paris, Ju 9 mars 1812. )

Au reste, un avis du conseil d'état, du 15 décembre 1807, approuvé le 22 janvier 1808, a discuté et décidé toutes les difficultés relatives au renouvellement des inscriptions. Il est ainsi conçu :

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« La section de législation avait proposé de laisser aux inscriptions tout leur effet, pendant tout le temps que dureraient l'obligation et l'action personnelle contre le débiteur, ou pendant tout celui que durerait l'action hypothécaire contre le tiers détenteur, quand le bien chargé d'hypothèques serait dans ses mains.

« Cette proposition fut rejetée; ce n'est pas qu'on ne trouvât un avantage pour les citoyens à n'être pas obligés de renouveler les inscriptions qu'ils auraient prises; mais l'article de la section présentait de grands inconvéniens daus son exécution; on se réunit même à penser que F'exécution en serait impossible. En effet, l'obligation personnelle dont le terme devait, suivant l'avis proposé, régler la durée de l'inscription, pouvait se prolonger un siècle peut-être, soit par des actes conservatoires, soit par une suite de minorités; or, comment un conservateur aurait-il pu se retrouver dans cette foule de registres qu'il serait forcé de consulter tous les jours, à chaque fois qu'on lui demanderait un certificat d'inscriptions?

« Cette objection parut insoluble; et, tout en reconnaissant qu'il eût été à désirer qu'il fût possible d'épargner aux citoyens l'embarras d'un renouvellement d'inscription, on pensa qu'il n'y avait pas de moyens pour y parvenir; l'article passa tel qu'il est aujourd'hui, sans aucune exception, c'est-à-dire que les inscriptions ne conservent les hypothèques et les priviléges que pendant dix ans, et que leur effet cesse si elles ne sont pas renouvelées avant l'expiration de ce délai.

« Le Code ne fait aucune exception, et c'est en quoi le nouvel article diffère de la disposition de la loi du 11 brumaire an VII sur la durée des inscriptions.

<< L'article 23 de cette loi présente d'abord la même disposition que celle de l'article 2154 du Code; il offre ensuite deux exceptions à cette règle : la première en faveur des inscriptions prises sur les comptables et leurs cautions, lesquelles, est-il dit, auront leur effet jusqu'à l'apurement définitif des comptes, et six mois au-delà; la deuxième en faveur des inscriptions sur les biens des époux pour leurs droits et conventions, lesquelles dureront pendant tout le temps du mariage et une année après, Si ces exceptions ne sont pas retracées dans le Code, ce n'est point par oubli, mais avec réflexion et par une suite des nouvelles dispositions concernant les hypothèques.

<<D'abord les inscriptions relatives aux droits des femmes et des mineurs ne sont plus nécessaires pour la conservation de leurs hypothèques, qui existent indépendamment de toute inscription, suivant l'article 2135 du Code; on n'a donc pas dû ordonner, pour la conservation de celle hypothèque, le renouvellement d'une inscription qui n'était plus nécessaire pour son établissement.

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Quant aux inscriptions sur les biens des comptables, il est constant que les créances du trésor public n'ont pas été affranchies de la formalité de l'inscription par le Code civil. L'article 2135 ne donne ce privilége qu'aux mineurs, interdits et aux femmes. L'administration, qui a par-tout des agens qu'on doit supposer plus actifs et plus éclairés que le commun des citoyens, peut, sans contredit, faire renouveler les inscriptions qu'elle a dû prendre.

<< On sent d'ailleurs que les inconvéniens sans nombre qui ont empêché de donner aux inscriptions un effet indéfini, se trouveraient tous dans une disposition qui affranchirait celles prises sur les comptables de la nécessité du renouvellement avant l'expiration du terme de dix ans, généralement fixé pour toutes les inscriptions.

<< On vient de dire que l'hypothèque légale des femmes et des mineurs existant indépendamment de l'inscription,

il n'y avait pas lieu de leur part à renouveler une mesure dont ils étaient dispensés.

<«< C'est ici le moment de remarquer qu'en affranchissant les droits des femmes et des mineurs de la nécessité d'une inscription pour l'existence de leur hypothèque, on a cependant pris des mesures sévères pour que ces droits fussent rendus publics, et pour que ceux qui traiteraient avec les maris et les tuteurs ne fussent pas les victimes d'une clandestinité que le régime hypothécaire actuel a voulu proscrire.

«En conséquence, l'article 2136 du Code porte que les maris et les tuteurs seront tenus de rendre publiques les hypothèques dont leurs biens seront grevés à raison du mariage ou de la tutelle; il leur est ordonné d'en requérir eux-mêmes l'inscription sur leurs propres biens, sous peine d'être réputés stellionataires, et comme tels contraignables par corps.

« L'hypothèque n'existe pas moins à défaut de cette inscription de la part des maris et des tuteurs, mais ceuxci sont punis personnellement s'ils ont négligé de faire inscrire l'hypothèque (1).

૬ C'est ainsi qu'on a cherché à concilier, dans cette occasion, l'intérêt général qui veut la publicité des hypothèques et l'intérêt particulier des femmes et des mineurs, qui ne doivent pas être victimes du défaut d'une inscription qu'ils seraient souvent dans l'impossibilité de former.

<< Mais il est hors de doute que les maris et les tuteurs sont tenus, sous les peines portées en l'article 2136, de

(1) Ces mots indiquent assez que c'est pour avoir négligé de faire inscrire l'hypothèque, que les tuteurs et maris sont réputés stellionataires. Il ne sont pas stellionataires dans les termes de l'art. 2059 ; ils sont réputés stellionataires par le fait de leur négligence coupable. Cet avis du conseil d'état mérite d'être médité, et il confirme tous les développemens que nous avons précédemment donnés.

renouveler, avant l'expiration du délai de dix ans, les inscriptions des hypothèques dont leurs biens peuvent encore être chargés; le motif qui leur a fait ordonner d'inscrire leur prescrit aussi de renouveler l'inscription toutes les fois que leurs biens continuent d'être grevés à raison du mariage ou de la tutelle.

« Il ne reste plus qu'à s'expliquer sur le renouvellement des inscriptions prises d'office. Le texte de l'article 2154 du Code et les développemens qu'on vient de donner ne doivent plus laisser de doute sur la nécessité de ce renouvellement avant l'expiration du délai de dix années : on ne pourrait en élever que sur la personne chargée de prendre ce soin; mais, avec un peu de réflexion, on demeure convaincu que, même sur ce point, il est impossible d'élever un doute sérieux.

« L'article 2108 porte que la transcription vaut inscription pour le vendeur; le même article charge le conservateur de faire d'office l'inscription sur son registre. La raison en est sensible: le conservateur trouve dans l'acte de vente qu'on lui présente, tous les élémens du bordereau qu'un créancier ordinaire doit fournir pour faire inscrire son titre; le couservateur a donc sous les yeux tout ce qu'il peut désirer pour être en état d'inscrire la créance du vendeur; la loi l'oblige à cette inscription sans qu'il soit nécessaire de lui faire, à ce sujet, une réquisition particulière : la présentation de l'acte à la transcription équivaut à cette réquisition.

« Résulte-t-il de là que l'inscription ainsi faite d'office ne doit pas être renouvelée? En résulte-t-il que lorsque l'époque du renouvellement est venue, c'est au conservateur à y pourvoir? Il est évident que non. Le conservateur ignore, au bout de dix aus, si la créance du vendeur est ou non soldée; il lui serait d'ailleurs impossible de tenir note de toutes les ventes qu'il aurait transcrites, pour

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