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la sienne propre, n'a que le droit de rétention, rigore juris; mais il a l'action in factum fondée sur l'équité.

93, Il faut que les impenses soient faites pour l'utilité perpétuelle de la chose, et elles ne peuvent point être retenues ou répétées in solidum, mais seulement quant au surcroît de valeur du fonds, quand il retourne au propriétaire. Et il faut s'en tenir à l'ancien droit des Romains et à la sage doctrine de Papinien, conclut Dumouli', qui est que le propriétaire ne peut point dire au possesseur Détruisez l'édifice et emportez les matériaux; de peur qu'une chose très-utile en soi ne se réduise à rien; et il n'est pas permis non plus au tiers de contraindre le propriétaire qui craindrait une démolition, à lui payer toute son impense; mais le maître doit être tenu aux termes de la loi domos sus-énoncée, en y. joignant cette restriction, s'il n'était pas utile au propriétaire d'avoir un si grand édifice, et qu'il ne pût le vendre d'ailleurs, et que cependant il dût, malgré lui, étre privé de sa propre chose en restituant le restant de sa valeur: à moins cependant qu'une ruine plus imminente ou un préjudice plus considérable ne menaçât les anciens colons ou possesseurs, ce qui est laissé à la prudence du juge, d'après cet axiôme, que Dumoulin appelle aureus: Quoties æquitatem desiderii naturalis ratio aut dubitatio juris moratur, justis decretis res temperanda est.

94. Telle est en substance la jurisprudence romaine relativement aux impenses à recouvrer par les possesseurs de bonne ou de mauvaise foi, et aux voies d'exception et d'action accordées pour en procurer le remboursement. Ces dispositions ont été entièrement adoptées par Dumoulin, dans son immortel commentaire sur le titre 1er des fiefs, et il est difficile, d'après cela, de prétendre avec quelque fondement que le droit de rétention n'a point été admis dans notre pratique française. Ces décisions qui ne sont autre chose que l'équité et la raison écrites,

doivent conserver, sous notre législation, toute leur force. Toutefois, la doctrine que nous venons de retracer a été modifiée par l'article 555 du Code civil, qui accorde en général au propriétaire du sol sur lequel un tiers à fait des plantations, constructions et ouvrages, le droit de les retenir ou d'obliger le tiers à les enlever. Si le propriétaire du fonds demande la suppression des plantations et constructions, elle est aux frais de celui qui les a faites, sans aucune indemnité pour lui; il peut même être condamné à des dommages et intérêts, s'il y a lieu, pour le préjudice que peut avoir éprouvé le propriétaire du fonds.

Si au contraire le propriétaire préfère conserver ces plantations et constructions, il doit le remboursement de la valeur des matériaux et du prix de la main-d'œuvre, sans égard à la plus ou moins graude augmentation de valeur que le fonds a pu recevoir.

Voilà la modification qu'apporte l'article 555 du Code aux anciens principes, relativement aux possesseurs de mauvaise foi.

Quant aux possesseurs de bonne foi qui n'auraient poînt été condamnés à la restitution des fruits, attendu leur bonne foi, le propriétaire, porte le même article, ne pourra demander la suppression desdits ouvrages, plantations et constructions; mais il aura le choix, ou de rembourser la valeur des matériaux et du prix de la main-d'œuvre, ou de rembourser une somme égale à celle dont le fonds se trouve augmenté de valeur.

A cette modification près, toutes les règles d'équité tracées par Dumoulin doivent donc être observées. 'i

95. Le droit de rétention subsiste donc de nos jours, puisque le Code civil n'a point explicitement accordé de privilége à celui qui a fait des impenses; il n'a rien de contraire aux principes de notre jurisprudence française, et si Loyseau, en son Traité du déguerpissement, a hésité de l'admettre dans notre pratique, c'est parce qu'il

voulait qu'on colloquât cette sorte de créance comme privilégiée; mais ce privilége n'existant pas sous l'empire du Code, il faut rentrer dans les termes du droit commun. L'autorité de Dumoulin est d'ailleurs d'un assez grand poids pour balancer celle de Loyseau, et si nous y joignons le suffrage de Pothier qui, sans accorder explicitement le droit de rétention, y inclinait cependant beaucoup, comme nous le verrons plus bas, il ne sera pas douteux que le droit de rétention fût parfaitement compatible avec les anciens principes, outre qu'il y a une raison nouvelle de l'adopter aujourd'hui.

Ce droit de rétention, spécialement fondé sur la loi 29, S. 2, ff. de pig. et hypoth.; sur l'article 9 du titre 27 de l'ordonnance du mois d'avril 1667; proclamé par toutes les lois romaines relatives aux impenses; consacré d'avance par la doctrine d'un grave jurisconsulte; implicitement consacré par notre Code, qui nulle part n'accorde de privilége pour cet objet, consiste donc en ce que le possesseur d'une chose appartenante à autrui est autorisé à la retenir jusqu'à ce qu'il soit payé de ce qui lui est dû à certains titres. Ce droit de rétention peut s'exercer sur les meubles comme sur les immeubles. L'article 2082 du Code civil en offre un exemple relativement au gage mobilier.

96. Nous ne parlerons ici que du droit de rétention sur les immeubles : il doit avoir lieu principalement en faveur du tiers possesseur, qui est obligé de délaisser l'immeuble qu'il a acquis et sur lequel il a fait des améliorations (2175). Il a lieu en faveur du co-héritier qui fait le rapport en nature d'un immeuble; ce co-héritier peut, aux termes de l'art. 867 du Code civil, en retenir la possession jusqu'au remboursement effectif des sommes qui lui sont dues pour impenses ou améliorations.

L'acquéreur à titre de réméré doit jouir du droit de rétention pour le recouvrement de ses améliorations (1673).

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Lorsque l'action en délaissement est exercée par les créanciers du vendeur à pacte de rachat, ils sont obligés de restituer, non le prix principal, les frais et loyaux coûts, mais les réparations nécessaires et celles qui ont augmenté la valeur du fonds pour lesquelles l'acquéreur a le droit de rétention.

Si l'action en délaissement est intentée par des créanciers postérieurs au contrat de vente à pacte de rachat, auxquels une hypothèque conditionnelle a été consentie sur l'immeuble vendu, ils doivent, s'ils veulent réaliser et consolider leur hypothèque, exercer le droit de rachat au nom du vendeur, et l'exercer de la même manière que le vendeur aurait dû le faire; ils doivent donc, avant tout, rembourser à l'acquéreur la valeur des améliora tions, le prix, les frais et les loyaux coûts. Jusques-là l'acquéreur peut retenir l'immeuble.

97. Sur la question de savoir quel rang occuperait la créance de l'acquéreur sous pacte de réméré, mise en concours avec celle établie postérieurement à l'aliénation, si l'acquéreur, négligeant le droit de rétention, s'était dessaisi de l'immeuble sans exiger préalablement le remboursement du prix, des frais, loyaux coûts, impenses et améliorations, les sectateurs de l'opinion qui lui confèrent un privilége disent: 1° l'acquéreur change de rôle et prend celui de vendeur, puisque saus son consentement à ne pas exercer le droit de rétention, le vendeur primitif ne serait point en possession; 2o il améliore le sort des créanciers postérieurs, et a contre eux une action en indemnité, c'est-à-dire que ces créanciers ne peuvent recueillir cet avantage qu'à la charge par eux de souffrir que l'acquéreur dessaisi reçoive ce qui lui est dû, avant qu'ils puissent se faire payer de leurs créances (art. 1371 et 1375 du Code civil). De ces principes dérivent des conséquences naturelles en faveur du prêteur de deniers pour exercer le rachat : il a les mêmes

droits que le créancier hypothécaire qui, faisant le rachat de l'immeuble, et remboursant l'acquéreur pour faire rentrer l'immeuble aux mains du vendeur, et le livrer ensuite à l'expropriation forcée, aurait le droit de recouvrer avant tout autre, non-seulement les frais de pour suites, mais encore le remboursement du prix du réméré. M. Tarrible, qui a élevé et traité cette question avec beaucoup de talent, incline pour l'opinión contraire, et Fétaye des moyens suivans: 1° le droit de rétention accordé par l'article 1673 à l'acquéreur est bien différent du privilége accordé au vendeur; le premier n'a ni prẻférence ni rang à réclamer: il se maintient dans la possession de l'immeuble, et le terme fatal expiré, son titre de propriété, résoluble dans le principe, devient irrévocable suivant l'article 1662 du Code civil; 2o il n'y a point de privilége taxativement accordé par le Code à l'acquéreur à pacte de rachat, et on ne peut ajouter à l'exception posée par l'article 2093; 3o il n'aurait pas de privilége, même par l'effet d'une stipulation; douc il n'a que le droit de simple concurrence; 4o il n'aura pas même le privilège accordé pour la conservation de la chose qui n'a lieu que pour les meubles. Ce privilége n'est point énoncé en l'article 2103, ét si on le comparaît à celui d'un créancier qui a prêté sur un gage mobilier, on répondrait que le créancier étant dessaisi de ce gage, son privilége disparaît; 5o quant au quasi-contrat, il n'existe pas; car il ne peut résulter de tout acte qui procurerait un avantage à une personne; 'il faut l'intention et la volonté de gratifier. Mais existât-il, les créanciers seraient, dans ce cas, les débiteurs directs, et il n'y aurait plus, dans cette hypothèse, de concurrence entr'eux : car il est absurde de rechercher si le créancier doit avoir la préférence sur ses propres débiteurs. Donc, par suite, le prêteur de deniers pour le rachat n'a point de privilége; il n'y a point de subrogation possible: car, dès l'instant où le rembourse

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