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biens dans les six mois à compter de l'ouverture de la succession.

« Avant l'expiration de ce délai, aucune hypothèque ne peut être établie avec effet sur ces biens, par les héritiers ou représentans, au préjudice de ces créanciers ou légataires. >>

Ce serait une graude erreur que de croire que l'inscription mentionnée dans cet article est destinée à arrêter l'effet des aliénations consenties avant la demande en séparation du patrimoine du défunt, de telle sorte que si l'héritier avait vendu un immeuble de la succession, le créancier ou légataire du défunt pourrait paralyser l'effet de la vente en prenant inscription dans la quinzaine de la transcription qui en serait faite, conformément à l'article 834 du Code de procédure. Toute aliénation d'immeubles faite avant la demande en séparation du patrimoine du défunt, fait évanouir le droit privilégié du créancier du défunt, et ce droit est anéanti d'une manière absolue, sans pouvoir jamais revivre quant aux immeubles aliénés; c'est la disposition textuelle de l'art. 880 du Code, qui porte que l'action ne peut être exercée, quant aux immeubles, que taut qu'ils existent dans la main de l'héritier.

L'inscription n'a donc d'autre but que d'empêcher toute aliénation et toute impression d'hypothèque sur les biens de la succession, et d'en faire en quelque sorte le gage particulier et exclusif des créanciers et légataires du défunt, pris collectivement, sans préjudice cependant de l'ordre dans lequel ils doivent exercer leurs droits tels qu'ils se comportent respectivement entr'eux, et cela quand les biens immeubles n'ont point été aliénés avant la demande en séparation de patrimoine.

Toutefois l'art. 2111 limite la durée indéfinie de ce droit en renfermant son inscription dans le délai de six mois, et il déroge réellement en cela à la disposition illimitée de l'art. 880, constitutif de ce droit, qui accorde la séparation

de patrimoine tant que les immeubles existent dans la main de l'héritier.

La loi du 11 brumaire an 7, consacrant le principe posé en l'art. 880 du Code civil, accordait indéfiniment aussi aux créanciers et légataires du défunt le droit de demander la séparation de patrimoine du défunt, ce qui a fait naître la question de savoir si la succession ayant été ouverte sous l'empire de cette loi qui n'exigeait point d'inscription, le droit de séparation était détruit par l'expiration du délai de six mois sans inscription sous le Code. L'affirmative ne nous semblait pas douteuse. Le Code, dans l'intérêt public, a pu donner une autre forme qui est là publicité, à la conservation de ce droit, sans l'anéantir et sans opérer par conséquent d'effet retroactif. La cour d'appel de Toulouse l'a ainsi jugé par arrêt du 12 janvier 1807; mêmes arrêts des cours d'appel de Rouen du 23 août 1809; de Nîmes du 28 mars 1806 (1). Cependant un arrêt tout récent de la cour de cassation, du 8 mai dernier, rendu sur le rapport de M. Chabot (de l'Allier), vient de décider la négative. La cour a pensé qu'on ne pourrait, sans effet rétroactif, exiger l'inscription du privilége des créanciers et légataires, par la raison que la loi de brumaire an 7 leur accorde indéfiniment et sans modification le droit dont il s'agit, et que, dans le cas particulier, l'inscription n'est point une simple formalité, mais une solennité substantielle du privilége qui ne peut exister sans cette formalité.

123. « Toutes créances privilégiées soumises à la formalité de l'inscription, à l'égard desquelles les conditions ci-dessus prescrites pour conserver le privilége n'ont pas

(1) Par cela seul qu'une succession est bénéficiaire, la séparation des patrimoines existe de plein droit ; en conséquence, il n'est pas nécessaire que les créanciers d'une telle succession, pour conserver leur privilége à l'égard des créanciers de l'héritier, demandent cette séparation, et preanent l'inscription prescrite par l'art. 2111 du Code civil. ( Arrêt de la cour d'appel de Paris, du 20 juillet 1811.)

été accomplies, ne cessent pas néanmoins d'être hypothécaires; mais l'hypothèque ne date, à l'égard des tiers, que de l'époque des inscriptions qui auront dû être faites ainsi qu'il sera ci-après expliqué. >>

L'hypothèque qui subsiste après la perte du privilége est une hypothèque légale, et elle n'affecte que les immeubles qu'aurait frappés le privilége s'il eût été conservé par l'inscription prise dans le délai utile.

124. Voyons quels sont les priviléges dégénérés, réduits à la condition de la simple hypothèque, qui ne peuvent plus avoir de date que par l'inscription. Pour les reconnaître, parcourons successivement les diverses espèces de priviléges sur les immeubles sujets à l'inscription.

1o Le premier est celui du vendeur et du prêteur de deniers qui lui est assimilé; il est toujours conservé dans son intégrité, en quelque temps que la formalité de la transcription soit remplie; et il ne peut dégénérer eu hypothèque.

Sur la question de savoir si une inscription directe de la part du vendeur suffit pour conserver son privilége, il faut répondre que, puisque la loi du 11 brumaire an 7 n'assujettit le conservateur des hypothèques, au moment de la transcription d'un contrat de vente, qu'à faire inscription sur son registre des créances du vendeur non encore inscrites, il suppose que cette même créance a pu être inscrite auparavant, et que cette inscription anticipée, qui n'a pu émaner que du vendeur, a suffi pour la conservation de son privilége; que, nonobstant que les mêmes expressions ne se retrouvent pas dans l'art. 2108 du Code civil, qui n'indique que la transcription, cette formalité n'est point exclusive, et son but serait rempli par l'inscription directe. Ce n'est pas, en effet, le registre des transcriptions, mais celui des inscriptions, qui est des tiné à éclairer les tiers; et la différence des droits d'enregistrement ne serait point un obstacle à cette inscription,

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puisque la transcription est toujours nécessaire de la part de l'acquéreur pour consolider sa propriété ; et que d'ailleurs ont ne perçoit plus qu'un droit fixe d'un franc pour la transcription.

2o Le privilége du co-partageant, pour les soulte et retour des lots, n'a pas le même avantage que celui du vendeur et celui du prêteur, pour acquisition d'immeubles qui ne sont pas susceptibles d'être réduits à une simple hypothèque par le défaut d'inscription dans le temps fixé par la loi. Ce privilége doit être inscrit dans les soixante jours à dater de l'acte de partage; faute de quoi, il se convertirait en une simple hypothèque qui ne daterait, à l'égard des tiers, que de l'époque de l'inscription tardive; mais cette hypothèque frapperait sur tous les biens immeubles compris dans chaque lot, alors même qu'elle n'aurait point été stipulée dans l'acte de partage, et elle résulterait d'un acte de partage privé comme d'un acte authentique. 3o Le privilége du trésor public sur les immeubles acquis par le comptable postérieurement à sa nomination, et celui qu'il a sur les biens des condamnés pour la répétition des frais, sont soumis à l'inscription qui doit être faite, sur les immeubles des comptables, dans les deux mois à compter de l'enregistrement du titre d'acquisition, et sur les biens des condamnés, dans les deux mois à partir du jour de la condamnation; ce privilége, non inscrit dans ces délais, se convertira en hypothèque.

4o On ne peut pas dire que les créances de la succession qui, faute d'inscription dans les six mois de l'ouverture, cesseraient d'être privilégiées, ne cesseraient pas néanmoins d'être hypothécaires. En effet, pour ne pas cesser d'être hypothécaires, il faudrait nécessairement qu'elles fussent pourvues d'une hypothèque antérieure : or, uncréancier chirographaire, qui dans le principe pouvait réclamer le privilége de la séparation des patrimoines, et en recueillir le fruit, n'a pu, en perdant ce pri

vilége par sa négligence, acquérir un avantage qu'il n'avait pas; donc la disposition de l'article 2113 susmentionné n'est point applicable au privilége des créanciers et légataires d'une succession qui demandent la séparation du patrimoine du défunt.

125. Les règles que nous retracerons dans les chapitres et paragraphes subséquens, relativement au mode d'inscription de l'hypothèque, à ses effets, à sa purgation, å la radiation des inscriptions, à l'extinction de l'hypothèque, seront communes aux priviléges. Il est donc inutile de donner ici sur cet objet de plus grands développe

mens.

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