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procher l'époque si désirée d'une pacification générale, n'ont fait que la reculer davantage.

<< Toute communication est rompue entre la Russie et l'Angleterre. La déclaration de S. M. l'empereur de toutes les Russies, publiée le 26 octobre de cette année, prouve qu'il n'y a plus de rapport entre ces deux puissances. Sa Majesté Prussienne, intimement liée par toutes ses relations à la cause et au système des puissances continentales voisines et amies, n'a d'autres règles de conduite que ses devoirs fondés sur l'intérêt de ses États et sur des obligations contractées par un traité solennel.

<< Conformément à ces principes, Sa Majesté n'ayant plus égard à des considérations qu'elle avait respectées jusqu'ici, dans le vain espoir d'une prompte pacification générale, et ayant refusé, depuis la mission de lord Hutchinson, de recevoir à sa Cour aucun agent diplomatique anglais, vient d'ordonner à sa légation à Londres de quitter aussitôt l'Angleterre, et de revenir sur le continent.

« S. M. le roi de Prusse, en faisant connaître les résolutions dont ses engagements et l'intérêt de sa monarchie lui font un devoir, déclare par la présente que, jusqu'au rétablissement de la paix définitive entre les deux puissances belligérantes, il n'y aura plus aucune relation entre la Prusse et l'Angleterre.

« Memel, 1er décembre 1807. »>

A Paris, on ne trouva pas cette mesure suffisante. Il fallut que le gouvernement prussien, dans une ordonnance très-détaillée du 14 juin 1808, déterminât avec précision les règles que l'on aurait à observer pour surveiller avec plus d'exactitude l'importation, l'exportation et le transit des marchandises, et pour arrêter tout commerce et toute communication avec

l'Angleterre'. Le 6 mars de la même année, le ministre comte de Goltz publia une proclamation par laquelle, conformément au système continental, tous les rapports avec la Suède furent rompus, et tous les ports prussiens fermés aux bâtiments suédois; on interdit même l'entrée aux neutres venant des ports de Suède2.

Le gouvernement prussien fut forcé de prononcer, par son ordonnance du 9 mars 1810, la confiscation contre toutes les denrées coloniales trouvées sur un navire qui viendrait d'un port européen quelconque, ou de tout pays ou de toutes colonies des Indes orientales ou occidentales avec lesquels la France n'aurait aucune relation amicale ou commerciale".

Par l'ordonnance du 19 juillet 1810, les ports de la Prusse furent fermés aux navires des États-Unis d'Amérique; et comme le Roi crut au moins, par une déclaration du 5 août suivant, pouvoir modifier un peu l'effet rétroactif de cette mesure, il se vit contraint, par une réquisition du gouvernement français,

On trouve cette ordonnance dans MARTENS, Recueil, t. XII, p. 464. * Voici la déclaration par laquelle le roi de Suède répondit à celle de la Prusse :

« Nous, GUSTAVE, etc., savoir faisons que S. M. le roi de Prusse nous a déclaré que toute espèce de communication entre ses États et la Suède est interrompue, et qu'en conséquence tout commerce et toute navigation à des ports suédois sont sévèrement interdits, et que dorénavant tous les ports prussiens sont fermés aux vaisseaux suédois. Ce procédé n'a été nullement provoqué de notre part; ledit gouvernement, subjugué par la tyrannie française, offre une nouvelle preuve de l'oppression à laquelle doivent se soumettre tous les États qui entretiennent quelque liaison avec le gouvernement français. Une infortunée lassitude, empêchant la Prusse de résister quand il en était temps encore, l'a placée dans la malheureuse situation où elle est maintenant, gémissant sous la domination de la France, dont les armées continuent d'occuper une partie considérable des restes de cette monarchie, malgré la conclusion de la paix. »

3

Voy. MARTENS, Recueil, t. XII, p. 489.

de retirer, le 1er novembre, une modification si juste 1.

Il fut enfin obligé d'adopter, le 10 octobre 1810, le fameux impôt continental que Napoléon établit, par son tarif de Trianon, du 5 août 1810, et d'exécuter, le 28 octobre 18103, cette ordonnance extravagante du 19 octobre, en vertu de laquelle les souverains du continent de l'Europe furent obligés de livrer aux flammes les propriétés que leurs sujets avaient achetées des Anglais. Tout à l'heure nous suivrons Napoléon dans la série des actes atroces ou insensés qu'il commit depuis la paix de Tilsitt. Ici nous devons relever un fait particulier à la Prusse.

Pendant l'été de 1810, de nombreux navires chargés de denrées coloniales avaient été attirés dans la Baltique par l'espoir de tromper la vigilance des gardes-côtes, et de trouver quelque moyen de débarquer leurs marchandises. Napoléon somma la Prusse, non de redoubler d'attention pour empêcher ces navires de se glisser dans ses ports, mais plutôt d'en favoriser l'entrée, puis de les saisir, de les confisquer et de tenir leurs cargaisons en nature à la disposition de la France, qui en déduirait la valeur de la contribution de guerre que la Prusse devait encore. A la suite d'une longue négociation, le Cabinet prussien fut obligé de signer, le 28 janvier 1811, une convention avec le Chargé d'affaires de France. Par cet acte, tous les navires portant des denrées coloniales, mis sous le séquestre dans les ports prussiens, étaient vendus par la Prusse à la France, d'après une estimation particulière. Les détails de cette transaction n'ont jamais été bien connus.

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Cependant rien n'importait tant à la Prusse que chever le payement de ses contributions pour recouvrer ses places fortes et son indépendance'. Ayant, dans le courant de l'année 1811, payé la moitié des contributions et les intérêts de ce qui restait dû, le gouvernement prussien réclama, en vertu des conventions, la restitution de Glogau; mais il fut obligé de consentir, le 24 février 1812, à une convention qui laissa les trois places entre les mains des Français. Nous parlerons ailleurs de cette convention, et de la part que la Prusse se vit obligée de prendre à la guerre contre la Russie. Il nous suffit d'avoir tracé ici un tableau rapide des griefs de la Prusse, tels qu'ils ont été rapportés par un ministre de Frédéric-Guillaume, M. de Küster, dans le mémoire qui a pour titre : Exposé de la conduite du gouvernement français envers la Prusse, depuis la paix de Tilsitt.

1 Le total général des contributions de tout genre imposées par la France aux pays conquis dans la campagne de 1806-1807, s'est élevé à la somme de six cent un million deux cent vingt-sept mille neuf cent vingt-deux francs neuf centimes; dont quatre cent soixante-onze millions trois cent cinquante-deux mille six cent cinquante francs cinquante-trois centimes avaient été payés dès le 31 octobre 1808. Restait donc seulement à recouvrer à cette époque, trente-neuf millions trois cent quatre-vingt-onze mille sept cent cinquante- neuf francs soixante-deux centimes, la somme de quatre-vingt-dix millions quatre cent quatre-vingt-trois mille cinq cent onze francs quatre-vingt-quatorze centimes, représentant l'aperçu estimatif de la valeur des fournitures prises sur l'ennemi ou faites par le pays et non imputées sur les contributions.

SECTION IV.

SYSTÈME CONTINENTAL FRANÇAIS; SYSTÈME BRITANNIQUE DE BLOCUS MARITIME, ET AUTRES CONSÉQUENCES IMMÉDIATES DE LA PAIX DE TILSITT.

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PREMIÈRE PARTIE.

Origine et

Conséquences de la ruine de la monarchie prussienne. développement du système continental. — Décret de Berlin, du 21 novembre 1806, qui déclare: 1o en état de blocus les îles britanniques; 2o prisonniers de guerre tous les sujets de l'Angleterre trouvés sur le continent; 3° prohibé tout commerce de marchandises anglaises, et confisqués tous les produits des fabriques et des colonies de la GrandeBretagne; exclu tout vaisseau sortant de ses ports ou de ses colonies. - Ordre du Conseil britannique du 16 mai 1806, à l'occasion de l'occupation du Hanovre, et prononçant le blocus fictif de toutes les côtes, ports et rivières, de l'Elbe jusqu'à Brest.—Ordre du Conseil du 7 janvier 1807, portant défense à tout vaisseau, sous peine de confiscation, d'aborder dans aucun port français ou sous l'influence française. Décret de Varsovie, du 25 janvier 1807, qui ordonne la confiscation de toutes les marchandises anglaises dans les villes hanséatiques, quels qu'en soient les propriétaires. Renouvellement, le 11 mars, de l'étroit blocus de l'Elbe et du Weser. · Ordre du Conseil, du 11 novembre, qui déclare bloqués tous les ports d'où le pavillon britannique est exclu, et ordonne de capturer tous les bâtiments qui tenteraient d'y entrer, s'ils n'avaient préalablement touché dans un port d'Angleterre et payé une taxe. Décret de Milan, du 17 décembre 1809, qui déclare dénationalisé et de bonne prise tout navire qui se serait soumis à cette loi. Modification, le 26 avril 1809 et le 5 août 1810, des ordres du Conseil britannique, et des décrets français à l'égard de l'Amérique. - Décret ou Tarif de Trianon, du 5 août, et décret de Saint-Cloud, du 11 septembre 1810, pour la libre introduction des denrées coloniales, moyennant une taxe de cinquante pour cent de leur valeur. — Décret de Fontainebleau, du 15 octobre 1810, qui dresse les bûchers de l'inquisition commerciale, et prescrit de brûler toutes les marchandises anglaises de Naples en Hollande, et d'Espagne en Allemagne. - Les décrets trouvent des défenseurs zélés parmi les princes de la Confédération du Rhin. — Système des licences. Il tire son origine d'AngleAbus et agiotage scandaleux auxquels donnent lieu les li- Opinion raisonnée d'un célèbre financier sur les mesures continentales.-Expédition des Anglais en Danemark, en septembre 1807. - Projets supposés de Napoléon qui motivent l'énergique résolution du ministère Canning-Castlereagh.- Les deux divisions de l'armée navale mettent à la voile le 27 juillet et le 2 août; commodore Keats; amiral Gambier; lord Cathcart. Négociations à Kiel de sir Francis Jackson avec le comte de Bernstorff et le prince royal de Danemark. - Dernière tentative d'accommodement faite par le ministère anglais. — Proclamation du général Cathcart et de l'amiral Gambier, qui demandent la

terre. cenees.

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